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La majorité se mord la queue

Il y aurait toutefois lieu de saluer cette autre spécificité marocaine. Et pas des moindres! Un mariage catholique liant des frères à des camarades ! Il faut le faire !


Mohamed Benarbia
Lundi 4 Juillet 2016

La fièvre électoraliste pousse les composantes du gouvernement Benkirane à se tirer dans les pattes

Chasser le naturel, il revient au galop. Re-rebelote pour cette majorité gouvernementale qui se laisse, une fois encore, reprendre par ses vieux démons. Après une petite accalmie,quoique d’apparence, Salaheddine Mezouar, ministre à part entière au sein de cette même majorité, mais aussi (et surtout) patron d’un RNI censé être l’une des principales composantes du gouvernement actuel, vient de nous gratifier d’une sortie, un tantinet rebelle. Même si, mine de rien, il a osé toucher aux sacro-saintes forces maléfiques, ces fameux démons et autres alligators qui, semble-t-il,  n’ont d’autre raison d’exister que de chercher à saborder les projets d’une réforme insoupçonnée que ne cesse de miroiter Abdelilah Benkirane et dont on ne voit toujours pas la couleur. De guerre lasse, Mezouar a fini par cracher le morceau. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’y est pas allé avec le dos de la cuiller. Les hommes d’affaires présents à cette toute récente soirée ramadanienne l’ont bien entendu dénoncer cette partie (ou ce parti) qui n’a pas la moindre envie ni la volonté de voir instaurés des « débats ouverts, francs et sereins(…). Chaque fois que de tels débats sont initiés, ceux qui en prennent l’initiative se voient signifier que tout débat est prohibé… ». Le chef RNI n’a pas besoin de chercher loin pour illustrer cet inavouable et tout aussi scabreux abus. Et pour cause! Ce même Rassemblement national des indépendants qui est le sien compte également parmi les victimes de ces mêmes censeurs. « Mon parti, clame-t-il, a eu affaire à des agissements visant à le terroriser. Et ceux qui interdisent le débat, ce n’est pas au niveau de l’Etat qu’il faut les chercher, mais plutôt du côté de certains partis politiques qui exercent une très grosse terreur dans ce sens». Salaheddine Mezouar ne cite pas de nom certes, mais il n’en est pas moins expressif. La diplomatie, comme dans le cas en l’espèce, peut bien avoir des limites, même pour un chef de la diplomatie.  « Ils prétendent, poursuit l’actuel ministre des Affaires étrangères, qu’il y aurait quelques individus qui agissent dans le noir en vue de saboter le travail du gouvernement, sauf qu’il s’agit là d’une allégation irréaliste et fantaisiste (…)Personnellement et tout comme les autres ministres RNI, nous avons atteint les objectifs que nous nous sommes tracés à travers notre participations au gouvernement sans que nous ayons fait l’objet de quelque tentative de perturbation ou de quelque sabotage que ce soit ». Dont acte. 
Il est vrai qu’il n’y a toujours pas de nom, mais l’on n’a même pas besoin de suivre le regard de Mezouar pour comprendre qu’il s’agit bel et bien du chef du gouvernement et de tous ses ouailles qui excellent dans la théorie de la victimisation, dans le fantastique et le langage fantasmagorique.
Toujours est-il qu’à la veille des échéances du 7 octobre, il va bien falloir s’attendre à d’autres sorties signées de cette majorité de circonstance dont les composantes nous ont gratifiés, tout au long de l’actuel mandat,de scènes de ménage à répétition risibles par moments, mais trop souvent déplorables.
Et pour ne pas être en reste, le MP de Mohamed Laenser se devait tout de même de bouger le petit doigt, histoire de se rappeler au devoir de ses électeurs. Là, l’amazighité ne pouvait pas y échapper. C’est là un dossier qui constitue non seulement l’un des innombrables ratages du gouvernement Benkirane, mais plutôt d’une franche débandade, une vraie bérézina sans nom. La Loi suprême 2011 a beau faire de l’amazigh une langue officielle, mais apparemment il en fallait beaucoup plus pour convaincre le Pjidiste en chef de l’utilité de « la chose ». Dans l’espoir de voir venir, le mouvement amazigh a fait l’effort d’oublier les déclarations maladroites (pour ne pas dire plus)à ce propos et dont celui-ci s’était rendu coupable, mais c’était oublier que ça a tout l’air d’une prise de position à l’évidence assumée. Résultat : une loi organique pour définir le processus de la mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe, comme stipulé dans la Constitution se fait toujours attendre. 
 

En attendant gageons que d’ici là, la voix du même Laenser tentera encore tant bien que mal de se faire entendre. Après quoi ? Et pourquoi faire ?
Pas de suspense, cependant, du côté des camarades.L’alliance PJD-PPS, c’est reparti pour le « meilleur et pour le pire », même si pour l’expérience en cours, le meilleur s’est fait trop ardemment désirer. 
Il y aurait toutefois lieu de saluer cette autre spécificité marocaine. Et pas des moindres ! Un mariage catholique liant des frères à des camarades ! Il faut le
 faire !
Pendant ce temps, la fièvre électoraliste est en passe de faire des ravages au sein de ladite majorité. Outre le fait qu’elle s’embourbe dans un langage de caniveau à l’encontre d’adversaires réels ou imaginaires, elle n’en finit pas de se mordre la queue. Et toujours dans le cadre de cette campagne anticipée, elle est en passe de se faire et de se refaire avant terme. Autrement dit, et d’ici le 7 octobre prochain, il n’y a pas de gouvernement au numéro demandé. 
Mais histoire d’user de ses dernières cartouches, l’on est en train de s’escrimer à vanter un bilan unique en son genre. Les citoyennes et citoyens, ces électeurs bernés comme ces abstentionnistes qui ont, sans le vouloir, contribué à cette mauvaise passe, cette cata, ne sont sûrement pas sans retenir que l’actuel gouvernement a réussi l’exploit de réaliser le plus bas taux de croissance de l’histoire, qu’il est parvenu à atteindre, et même à dépasser, son million de chômeurs, que grâce à sa grande détermination, la corruption a pris du grade pour s’imposer en vraie gangrène et qu’il y a plus de bidonvilles dans les villes promises sans bidonvilles…
Que pourrait-on vanter d’autres ? Ces prix qui flambent et ces salaires qui stagnent ? Ce dialogue social en panne ? Cette intolérance qui prend le dessus ? Ces libertés bafouées ? Ces minorités malmenées ? Cette égalité et cette parité réduites à un vœu pieux ? Franchement…


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