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La lente décrépitude d’Essaouira

Depuis plusieurs années, la ville est au centre d’un projet destructeur favorisant la médiocrité et semant la confusion


Abdelali Khallad
Vendredi 1 Juillet 2016

La lente décrépitude d’Essaouira
“Une visite Royale». Une doléance partagée par les habitants d’Essaouira qui voient leur ville étouffer depuis plusieurs années. La ville a besoin à cet effet d’une bonne bouffée d’oxygène à même de redynamiser son économie et résoudre les problèmes structurels et sociaux qu’elle traîne depuis un bon moment.

Entre mer et forêt
Entre mer et forêt se situe Mogador qui semble payer fort le prix de son positionnement singulier. Certes, elle recèle une biodiversité à part et regorge de paysages naturels envoûtants, mais elle est assiégée par le domaine forestier qui bloque ses ambitions économiques faute de foncier.
En attendant l’aval, qui tarde toujours, du Haut-commissariat aux eaux et forêts, plusieurs projets visant la réorganisation de l’espace urbain, le développement et la modernisation de nombreux secteurs d’activités à même d’améliorer leur rendement restent en suspens.
«Essaouira étouffe vraiment. Le Haut-commissariat aux eaux et forêts tarde à mettre à la disposition de la ville les terrains demandés, depuis plusieurs années pourtant, pour atténuer la crise de l’immobilier,  et concrétiser le programme de modernisation et de développement de la ville. Pour le moment, toutes les ambitions de la ville sont réduites à l’attentisme et à la frustration», regrette un édile à Essaouira.

Le tourisme piétine
Locomotive du processus de désenclavement de Mogador, le secteur touristique a joué un grand rôle dans  la stimulation et le développement de certains secteurs d’activités y compris l’immobilier. Un élan qui a ralenti toutefois depuis quelques années à cause de la conjoncture économique mondiale défavorable et du fameux problème du transport aérien.
«La crise s’est accentuée avec les frappes terroristes qui ont pris pour cible l’Europe. Les établissements touristiques arrivent à peine à assurer salaires et frais de fonctionnement. Les GRIT se sentent abandonnés à leur sort face à un contexte on ne peut plus étouffant», nous a déclaré un opérateur touristique demandant aux services compétents  d’accorder une attention particulière à l’environnement du secteur et à la problématique  de l’informel.
La fermeture dramatique des usines ainsi que le faible apport des secteurs de l’artisanat et de la pêche ne profitent pas au développement économique de la ville. De ce fait, une diversification des pôles d’activités économiques s’impose de toute urgence.

Des projets sinistrés
Au lancement de chaque projet, les habitants commencent à se poser des questions au sujet de son aboutissement. Car, à Essaouira, la plupart des projets sont liés à des complications qui surgissent après le lancement des travaux.
«Nous sommes devant un sérieux problème de gestion qui reflète un grave malaise au  niveau du processus de prise de décision. A cause de ces projets sinistrés, la ville connaît une vraie déperdition de moyens, de temps et d’opportunités de développement», s’indigne un citoyen.
On assiste au lancement de nombreux projets : réaménagement et modernisation du marché de poisson, réaménagement du CHP Sidi Mohamed Ben Abdellah, reconstruction du tribunal de première instance, terrain de foot, construction d’un lycée, réalisation du réseau de distribution de l’eau potable à El Ghazoua, entre autres. Des moyens mobilisés, des espoirs fondés mais que de ratages au niveau de la gestion.
A titre d’exemple, le projet de reconstruction du siège du tribunal de première instance qui stagne depuis deux ans. Juges, fonctionnaires, avocats, huissiers, adouls et citoyens continuent de souffrir à cause des espaces inappropriés du nouveau local loué par le ministère de la Justice à 150.000 DH par mois. Un blocage dû à des problèmes techniques qui impliqueront, d’après des sources confirmées, une rallonge de quatre millions de dirhams pour le budget du projet. Le loyer de deux ans jeté par la fenêtre, l’appareil judiciaire qui fonctionne difficilement, et beaucoup de temps et de moyens perdus sans que personne n’en assume la responsabilité.

La mise à niveau urbaine
Le programme de mise à niveau de la ville vise à mettre en œuvre des projets de développement et de modernisation. Mettre à niveau les infrastructures de base, rehausser le paysage urbain d’une ville à vocation   touristique, revaloriser les patrimoines culturels et cultuels, préserver l’environnement, améliorer la qualité de vie des citoyens, renforcer le développement socioéconomique…, autant d’objectifs que s’est fixés ce programme étalé sur deux périodes (2010-2014 et 2015-2018) au coût de 932 MDH.
Outre les irrégularités qui ont entaché la qualité des travaux réalisés, plusieurs points territoriaux n’ont pas encore bénéficié du programme, notamment Douar Laareb, Ouassn et Gahzoua. Des zones abusivement affectées au domaine urbain sans pour autant bénéficier des infrastructures et services de base requis.
Au Ghazoua, les habitants sont toujours privés d’eau potable, d’assainissement,  et de voiries. A cet effet, l’ONEP avait lancé, quatre ans auparavant, un projet de réalisation du réseau de distribution d’eau potable. L’Office s’était trouvé face à une zone qui  ne correspond pas aux plans prévus faute de délimitation des voiries. Après plusieurs mois de blocage, le marché a été résilié et les citoyens ont été abandonnés à leur sort.

Pas d’enseignement supérieur
Une cité séculaire qui vit pour et par la culture. Le nombre d’habitants ne cesse d’augmenter, alors que la ville ne dispose pas d’un enseignement supérieur susceptible de répondre à la grande demande des jeunes obligés d’aller vers d’autres villes universitaires.
A l’exception de l’Ecole supérieure de technologie, les choix des jeunes Souiris sont réduits à zéro. Les familles assument à elles seules les frais de scolarité universitaire de leurs enfants.
« Plusieurs familles ont été déstabilisées à cause de l’absence d’une université à Essaouira. Des centaines de jeunes décrochent faute de moyens, tandis que le reste assume difficilement les frais des études. Pourquoi ne pas doter Essaouira d’une faculté polydisciplinaire à l’instar de Safi ? », s’interroge un acteur associatif.

Médiocrité et confusion
Depuis plusieurs années, Essaouira est au centre d’un projet destructeur favorisant la médiocrité et semant la confusion dans plusieurs domaines, politique surtout.
Une ville qui fait rayonner les valeurs universelles d’ouverture, de partage, de cohabitation et de dialogue mérite un projet sociétal digne de son histoire, de son identité plurielle et  de sa notoriété universelle.
Essaouira a besoin de compétences administratives dynamiques, attentives à ses besoins, ses mutations et ses ambitions.
Essaouira a besoin, plus que jamais, d’une visite Royale qui boostera son processus de désenclavement et secouera les structures et les mentalités… 


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