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La famille El Manouzi réagit au rapport du CCDH : Pour la vérité et la justice


Famille Houcine EL MANOUZI
Lundi 1 Février 2010

«Après un long et étrange silence, le CCDH est sorti de son mutisme et a procédé,  le 14 janvier 2010, à la diffusion d’un rapport  ayant trait  à la mise en œuvre des recommandations de l’IER. Ce rapport fait état entre autres des résultats des investigations menées depuis 2005 pour dévoiler le sort des 66 citoyens restés disparus.
Rien de nouveau pour le cas de Houcine El Manouzi, mécanicien d’avion, syndicaliste et militant politique, enlevé de Tunis le 29 octobre 1972 et détenu depuis au secret au Maroc. Son sort  est classé parmi les 9 cas non résolus.
Après quatre nouvelles années d’attente, d’angoisse et de souffrances,  sa famille et ses amis ont eu droit à un compte rendu succinct et des conclusions surprenantes, qui ne traduisent nullement un souci de vérité équitable. D’un seul coup, on tente de faire disparaître et la vie et la mort.
Le CCDH se base sur sa subjectivité de conviction pour supposer « du décès de Houcine » avec absence totale d’éléments de références, de preuves et d’information.
Pour  argumenter la complexité de l’affaire Houcine El Manouzi, une volonté de brouiller les pistes apparaît nettement. Le CCDH parle de son enlèvement du PF4, alors qu’il est prouvé qu’il  était détenu dans le fameux  PF3. Ce tristement célèbre centre PF3, qui dépend de la DGED, fait partie des lieux que le juge Français Patrick Ramaêl souhaite visiter dans le cadre de la commission rogatoire relative à la disparition de Mehdi Ben Barka.
 Faire disparaître Houcine durant sa disparition est un double crime. Cela ne permet en aucun cas d’effacer les traces du crime, de soustraire Houcine à son pays et à sa famille, d’effacer non seulement la vie mais l’existence, de dissoudre la vérité.
L’Etat est coupable de cette disparition en reconnaissant sa responsabilité. C’est à lui de procéder immédiatement à une enquête approfondie pour retrouver nos disparus et les auteurs qui dissimulent le sort réservé à nos proches, le lieu où ils se trouvent et les faits qui ne sont pas élucidés.
La non prise en considération  des informations communiquées par la famille El Manouzi lors de la dernière rencontre informelle avec la présidence du CCDH,  du 7 décembre 2006 en présence de l’avocat de la famille Maître Martinet, est révélatrice de la légèreté avec laquelle les investigations ont été menées. Les témoins cités par la famille n’ont pas été auditionnés. Plus grave encore, le principal témoin-acteur de l’enlèvement de Houcine El Manouzi de Tunis, dont la famille avait fourni l’identité exacte, la fonction et l’adresse est décédé entretemps  sans avoir été contacté par l’IER et le CCDH, privant ainsi la famille et l’opinion publique d’une source importante pour le rétablissement de la vérité.
De même que plusieurs pistes suggérées par la famille n’ont pas été exploitées, notamment :
- une nouvelle audition du responsable des surveillants du centre PF3, encore en vie, pour demander plus de précisions sur le soi-disant enlèvement de Houcine durant sa séquestration au PF3 au début du mois d’août 1975.
 - la clarification du rôle de la Gendarmerie Royale.  C’est une de ses brigades qui avait de nouveau arrêté Houcine le 19 juillet 1975 après son évasion du PF3, et mené l’enquête sur la tentative d’évasion. C’est ce même corps de l’Etat qui avait soustrait les frères Bourequat du PF3 pour les garder à l’état-major de la Gendarmerie Royale à Rabat pendant 6 ans avant de les transférer à Tazmamart au mois de septembre 1981.
Le CCDH pouvait avancer dans la voie de la vérité et de l’équité pour clore définitivement le dossier des cas de disparus en suspens. Mais le manque de courage,  et les lignes rouges qu’il s’est fixées l’ont entravé dans l’accomplissement de la mission Royale  qui lui a été confiée.
Le dernier rapport du CCDH n’a finalement servi qu’à tenter d’achever  très partiellement le processus d’éveil aux droits de l’Homme entamé dès les années 1990. Ses conclusions semblent avoir comme objectif d’éviter la poursuite des responsables tout en consolant les victimes. Cette approche personnelle d’Equité et de Réconciliation  ne permettra pas au Maroc d’accomplir l’essentiel : cicatriser les années de plomb et se démocratiser. 
Nous considérons que la proposition du CCDH d’un nouveau mécanisme pour régler les cas en suspens est une fuite en avant et une atteinte à la confiance des familles des disparus dont il jouissait.
Comment peut-on parler d’un mécanisme dénué de sens et de contenu en l’absence de recommandations claires pour la mise en œuvre rapide de mesures conservatoires préservant les lieux de crime, tels que le centre PF3, de mesures coercitives pour amener les témoins cités par les familles à témoigner ?
Les familles réclament leurs proches, c’est un droit et non une demande. C’est un droit qui ne cessera d’être exigé et de s’affermir. C’est ce droit qui nous permettra de briser les barrières du silence mortel qui menace le Maroc et qui veut nous obliger à l’oubli. Accepter ce qu’on nous a annoncé, c’est accepter l’impensable. Y donner son adhésion, c’est être complice d’un montage pervers.  
Comment peut-on se référer aux principes de la justice transitionnelle dans un cadre où la question de l’impunité n’est pas évoquée et où le débat contradictoire est banni ? C’est une provocation pour un Maroc qui veut se démocratiser et non un accomplissement des promesses formulées par les plus hautes autorités de l’Etat.
Pour Houcine El Manouzi, détenu-disparu depuis le 29 octobre 1972 ;
Pour le Commandant Brahim El Manouzi, victime d’une exécution extrajudiciaire le 13 juillet 1971, et dont le corps n’a pas été rendu à la famille
Pour Moujahid Kacem El Manouzi, mort sous la torture à Derb Moulay Chérif au mois de septembre 1970, et dont le corps n’a pas été rendu à la famille ;
Pour Docteur Omar El Manouzi, victime de l’abominable machine de répression, et qui sombre dans la folie.
Pour eux et pour  la vérité et la justice, nous ne céderons pas ».
Famille Houcine
EL MANOUZI



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