La double peine des Palestiniens de Syrie


Par Dr Zouhair Lahna
Samedi 19 Avril 2014

La double peine des Palestiniens de Syrie
Agitez les peuples avant de s’en servir, disait Talleyrand. Et pour cela, les Syriens et avant eux les Palestiniens ont eu leurs doses d’agitation. Le camp de Yarmouk a été utilisé comme bastion de Nosra, alors il a été  bombardé, détruit, des habitants ont été tués et d’autres sont morts de faim, suite à son encerclement. Telles sont les nouvelles qui nous arrivent, nous autres impuissants face au massacre d’un peuple et la destruction d’une culture.
 Les Palestiniens de Syrie qui le pouvaient ont pris le chemin d’un autre exil vers le Liban et  presque normalement, ils ont atterri dans d’autres camps où se trouvent d’autres Palestiniens. 
Je suis parti avec une ONG médicale pour travailler dans un hôpital du Croissant-Rouge palestinien, aux portes du Camp Ein Al Hilwa à Saida. Répondant ainsi à un appel d’amis palestiniens d’Europe. 
Ce camp encerclé lui aussi par des murs n’a comme issue que cinq portes gardées jour et nuit par l’armée libanaise. Le camp est passé de 79.000 habitants à 120.000, les Palestiniens de Syrie  s’entassent tant bien que mal dans un espace vital qui était déjà exigu pour les premiers habitants.  Et les nouveaux arrivés vivent encore sous des tentes, dans des conditions d’hygiène difficiles et une promiscuité délicate. 
Celui qui a visité un des camps palestiniens sait que des immeubles se sont érigés là où il y avait des tentes il y a plus de 60 ans. Le désir de retour en Palestine et leur maintien politique ou social font que ces immeubles sont de véritables cages où la lumière du jour ne pénètre jamais dans une bonne partie d’entre elles. 
Dans certains quartiers, les fils électriques qui connectent les maisons aux poteaux n’ont aucune norme de sécurité et sont si près de la tête des passants que pas mal d’enfants se sont arrachés les bras en les touchant alors qu’ils jouaient, d’autres ont tout simplement succombé, électrocutés. 
Les Palestiniens des camps sous perfusion lente de l’UNRWA,  l’agence de l’ONU qui s’occupe des réfugiés depuis 1948, c’est qu’à défaut de politique, on fait de « l’humanitaire» créant ainsi une assistance et une dépendance. Cette agence s’occupe de l’éducation et de la santé et parfois de l’alimentation. Là, les responsables ont décidé d’octroyer aux Palestiniens de Syrie 100 dollars par personne et par mois. Avec une prise en charge partielle ou totale de certains soins. 
 Un matin, j’ai eu la fâcheuse surprise de voir que la femme que je devais opérer pour des séquelles d’accouchement s’est vu refuser la prise en charge par le médecin conseil de l’UNRWA, jugeant que les difficultés de retenir ses urines ou des douleurs permanentes du périnée  n’étaient pas des urgences. Heureusement que le directeur de l’hôpital a accepté de prendre en charge cette femme et d’autres qui souffraient des mêmes problèmes profitant ainsi de notre présence. 
Cet épisode m’a rappelé que la main qui donne est  toujours au-dessus de celle qui reçoit Et je n’ai pu m’empêcher encore une fois de penser à tout cet argent du pétrole qui, en fait, n’est qu’un fardeau pour les Arabes. Le pétrodollar a asservi pas mal de peuples musulmans. Ne trouve-t-il pas une sulfureuse utilisation  dans la construction de grattes-ciel ou dans le soutien de clubs de football ? Maintenant il sert  à entretenir cette guerre civile et cette destruction en règle de la Syrie et son armée.
On n’a pas construit des camps comme en Jordanie ou en Turquie. Mais les Syriens ont moins de ‘’chance’’ dans ce malheur commun. Eux n’ont ni UNRWA, ni aide organisée d’aucune sorte ; ils ne peuvent compter que sur  l’aide spontanée de la part des Libanais et quelques-unes de leurs associations de bienfaisance. Quant aux soins, les Syriens ne peuvent prétendre se soigner nulle part puisque même les hôpitaux publics libanais sont payants.  Et le Liban à l’instar de la Jordanie reste un pays cher par rapport à la Syrie. 
 Les femmes restent celles qui souffrent le plus de cette débâcle de la Syrie. Elles avaient des maisons, petites ou grandes, des affaires, des souvenirs, bref une intimité et une vie. Moins politisées que les hommes, elles finissent par haïr le printemps comme vocable et ensuite comme saison. Le prix à payer est exorbitant !
 Les Syriennes et les Syriens flanqués de leurs enfants errent actuellement dans tous les pays du monde. Musulmans, ils viennent souvent devant les mosquées afin d’apostropher les fidèles. Souvent, ils entretiennent une certaine dignité même lors de la sollicitation. 
Tels sont les affres de la fitna (guerre intestine), elle détruit l’humain et avilit sa dignité. D’autres pays arabes suivront selon le plan des uns et la prophétie des autres. N’y a-t-il pas plus grande destruction que celle faite par les enfants du pays, aidés par d’autres belligérants et  mus par les plus ambitieux des slogans ?  
 


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