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La cobza, cousine du luth et de l'oud, échappera-t-elle à l'oubli?


AFP
Vendredi 29 Août 2014

La cobza, cousine du luth et de l'oud, échappera-t-elle à l'oubli?
A 73 ans, Vasile Nica est l'un des derniers joueurs traditionnels de cobza dans le monde. Cousin roumain de l'oud et du luth, cet instrument unique sombre dans l'oubli mais des passionnés redécouvrent la beauté de ses sonorités anciennes.
Dans le village de Barboï (centre), au coeur de la verdoyante campagne roumaine, "Vasile le cobzar" (joueur de cobza) reçoit dans sa maison au pied de la colline, en costume sombre, chemise blanche et chaussures soigneusement cirées.
Quand il s'empare de sa cobza en bois vieille de 80 ans avec sa caisse de résonance en forme de poire et son manche retourné en angle droit, ses yeux s'animent de mille étincelles: "Quand je l'ai dans les bras, je me sens heureux, comme si mon âme devenait plus grande".
A l'ombre d'un pommier, accompagné par son ami violoniste Marian Ilie, Vasile joue en "battant" les huit cordes de sa cobza à l'aide d'un plectre en plume d'oie. Vasile fait partie des "lautari", ces troubadours qui depuis des siècles en Roumanie jouent lors des mariages, des fêtes et même des enterrements. 
Pour eux, ni cours de solfège ni conservatoire mais un apprentissage auprès des anciens.
Vasile apprit ainsi auprès d'un vieux Rom du village, Nea Costica, qu'il paya d'un mouton pour ses cours.
Le talent de ces musiciens traditionnels a impressionné nombre de spécialistes et de touristes du monde entier et même le pianiste hongrois Franz Liszt. 
En visite dans une famille de la noblesse roumaine, Liszt tomba en admiration devant Barbu Lautaru, un cobzar, qui rejoua à la perfection une de ses improvisations.
Au XIXe siècle, beaucoup de "lautari" étaient des Roms, asservis dans des familles nobles à la ville. Une fois l'esclavage aboli, certains partirent dans les campagnes gagner leur vie par la musique.
"Au XIXe siècle, rien n'était imaginable sans la cobza", explique Florin Iordan, ethnomusicologue au Musée du paysan roumain à Bucarest. Outre cet instrument, les ensembles des régions de Munténie et Moldavie comprenaient un violon et une flûte de Pan.
"Dans l'entre-deux-guerres, elle a été remplacée par le petit tambal (cymballum) puis par le grand tambal, l'accordéon et maintenant par le synthétiseur", raconte à l'AFP Speranta Radulescu, directrice du département d'ethnomusicologie au Musée du paysan et spécialiste parmi les plus réputées en Europe.
"Quand j'ai débuté ma carrière, je rencontrais encore des cobzari qui vivaient de leur musique en jouant dans les fêtes mais la plupart sont morts et personne n'a repris leur place", poursuit-elle.
Cet instrument unique risque ainsi de ne plus exister que dans les livres d'Histoire, les musées ou dans le folklore aseptisé et mécanique développé sous le communisme, loin de l'improvisation et de la liberté incarnées par la véritable musique traditionnelle.
"Aucun de nos enfants n'a appris à jouer de la cobza et la tradition se perd", confie déçu M. Nica.
Les mariés préfèrent aujourd'hui le synthétiseur, "plus moderne". Pourtant Marian Ilie, héritier d'une famille de lautari, est convaincu que la cobza n'a pas joué sa dernière note.
Un précieux travail d'enregistrement a été mené par Mme Radulescu et M. Iordan en sillonnant la campagne roumaine. 
Un courant revivaliste redécouvre également cet instrument dans la veine de Jordi Savall.
Tous deux joueurs de cobza, Florin Iordan et sa femme Beatrice, jeunes trentenaires, ont fondé avec trois autres musiciens "Treï parale" (Quat' sous) , un ensemble qui fait revivre les musiques anciennes.
Dans leur appartement de Bucarest, plus grande métropole d'Europe de l'Est, c'est un monde rural et traditionnel qui ressurgit le temps des répétitions. "Aujourd'hui, la musique a pris une forme commerciale mais la cobza a cette sincérité du passé, quand les gens à la campagne jouaient juste pour le plaisir", dit Béatrice.
"Cet instrument aujourd'hui délaissé cache une richesse musicale extraordinaire", ajoute Florin soucieux de ne pas rompre le fil d'une tradition centenaire.
Désireux lui aussi de garder un lien avec l'héritage musical de son pays, Bogdan Simion, étudiant à Bucarest a appris la cobza auprès de musiciens plus âgés.
Possesseur d'une quarantaine de cobzas, il a animé des ateliers au Musée national d'art de Roumanie et joué dans des soirées au club alternatif le plus en vogue de Bucarest, Control. Des dizaines d'étudiants et de jeunes s'y pressaient, enthousiastes.
"Pour envisager un présent et un futur, il faut avoir un passé comme soutien", rappelle Mme Radulescu. La cobza nous ramène dans les sons d'un monde rural et pré-moderne qui avait une autre respiration temporelle, un monde plein de trésors". 


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