La chronique de Marrakech : L'œuvre, c'est la durée


Mohammed Bakrim
Lundi 7 Décembre 2009

La chronique de Marrakech : L'œuvre, c'est la durée
C'est une cérémonie d'ouverture sobre, simple et éloquente qui a marqué le démarrage de la 9ème édition du Festival international du film de Marrakech, vendredi, dans les locaux du Palais des congrès de la ville ocre. Un design moderne, une mise en scène dénuée de tout remplissage et un duo d'animateurs qui a fonctionné efficacement. Une économie d'investissement dans la forme pour ne pas trop parasiter un contenu riche et fort ; même la séquence musicale construite autour d'un brassage entre l'ahidouss d'Ait Hdidou et une troupe de danse de Corée du Sud n'était pas trop envahissante. Bref, on était dans une mise en scène de la cérémonie largement déterminée par l'esthétique du président du jury de cette édition, le cinéaste iranien Abbas Kiarostami. D'ailleurs l'un des moments forts de la soirée et peut-être même de  toute cette édition était le contenu de sa brève allocution où il a décliné en quelques mots - ce n'est pas un adepte d'un cinéma bavard - la feuille de route qui va orienter les travaux de son jury.  « Il n'ya pas de vérité objective » a-t-il souligné notamment pour relativiser l'action d'un jury. « La qualité d'une œuvre n'est pas déterminée par un palmarès mais par la durée ». Le mot clé de son approche cinématographique est ainsi prononcé, c'est la durée. Cette année, la composition du jury est une réussite ; réunir deux cinéastes de tendances aussi radicales comme Kiarostami et Elia Suleiman est en soi une prouesse qui promet un palmarès original.   
Samedi, la compétition officielle est entrée en lice avec le film The woman without piano de Javier Rebollo. L'histoire d'une femme livrée à la solitude physique et sentimentale dans une ville quelconque au moment où la télévision s'embarque avec Bush dans sa guerre contre le mal… C'est la seule référence à un élément d'actualité pour ancrer ce récit dans son environnement global. Dans les écoles,  on a l'habitude d'enseigner  aux jeunes scénaristes qu'un scénario se construit sur la base de deux arguments possibles : un personnage ordinaire confronté à une situation extraordinaire ou un personnage extraordinaire dans une situation ordinaire. Dans The woman without piano, nous avons un autre schéma : une femme ordinaire dans une situation ordinaire. D'où une esthétique du vide, du rythme lent pour montrer ce vide illustré par des plans où il n’y a que des décors anonymes qui poussent Rosa à se rendre compte qu'elle est passée à côté de quelque chose d'essentiel dans sa vie. Le recours au tableau de peinture est une forme de mise en abyme de ce récit d'une vie blessée. Hier, ce fut au tour du film marocain des frères Noury, The man who sold the world d'être à l'épreuve du public; on en reparlera.  

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