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La baisse des ventes de khat a un goût amer pour l’Ethiopie


AFP
Mercredi 3 Septembre 2014

La baisse des ventes de khat a un goût amer pour l’Ethiopie
Pour une ville considérée comme un centre névralgique du commerce de khat, considéré comme une drogue interdite dans de nombreux pays, la ville éthiopienne d’Awaday (est) est un endroit plutôt décontracté.
Alors que le crépuscule s’étend sur cette petite ville d’Afrique de l’Est, cultivateurs et négociants sortent de la torpeur de l’après-midi pour acheter et vendre des branches de khat sur le marché très animé d’Awaday, l’une des principales places internationales de négoce de cet arbuste aux effets narcotiques.
La plante psychotrope, Catha edulis, représente un secteur économique de plusieurs millions d’euros pour les pays de la Corne de l’Afrique et le Yémen. En mâcher les feuilles pendant des heures procure une sensation euphorisante. Après les Pays-Bas en janvier, la Grande-Bretagne a banni en juin le khat de son territoire, faisant perdre aux producteurs leur dernier marché en Europe. Pour les milliers d’agriculteurs et de marchands d’Awaday, localité située à 525 km à l’est de la capitale éthiopienne Addis-Abeba, la prohibition du khat a des répercussions importantes.
Auparavant le khat était le quatrième produit d’exportation de l’Ethiopie et a rapporté 205 millions d’euros en 2012-13.
“Le khat est le gagne-pain de la plupart des gens d’ici, ils n’ont pas d’autre emploi”, explique l’exportateur Mustafa Yuye, de bon matin au beau milieu d’un marché d’Awaday survolté où s’échangent plusieurs tonnes de khat chaque jour.
Pour les novices, les feuilles amères de khat —qui, mastiquées des heures durant, s’agglomèrent en une grosse boule qui gonfle la joue— n’offrent pas plus qu’une saveur aigre, une mâchoire endolorie et l’impression d’avoir ingéré plusieurs litres de café.
Les “accros” font part d’un état méditatif, proche de la transe, durant lequel la notion de temps s’estompe et l’on peut rester assis pendant des heures tout en restant ouvert aux conversations environnantes.  Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la plante provoque irritabilité, insomnie et léthargie. En dépit des débats sur son impact sur l’organisme, près de 20 millions de personnes mastiquent du khat dans les pays  de la Corne de l’Afrique et dans la Péninsule arabique.
En Ethiopie, où le khat fait partie des traditions ancestrales —les imams mâchaient les succulentes feuilles et tiges violettes afin de les aider dans leur étude du Coran—, l’arbuste est légal.
Le khat doit être mâché frais car ses effets diminuent au fil des heures. Alors, après d’âpres négociations, les chauffeurs foncent à toute allure sur les routes défoncées pour livrer rapidement des ballots de khat, prêts à être  acheminés par camionnette ou avion. Avant l’interdiction, Mustafa envoyait trois tonnes de khat par mois à destination de la diaspora somalienne en Grande-Bretagne, mais il doit se contenter désormais des marchés de la région, Djibouti, Somalie, Somaliland et Yémen. Les prix ont dégringolé en raison de l’afflux de khat sur des marchés qui sont aussi approvisionnés par les producteurs kényans, confrontés aux mêmes problèmes que leurs homologues éthiopiens. “Notre argent fond à vue d’oeil”, affirme Mustafa qui, comme les autres négociants éthiopiens, obtient désormais 3 euros le kilo, au lieu de 22 pour les marchés plus solvables d’autrefois. Un autre exportateur, Tofiq Mohammed, ajoute que l’interdiction du khat en Grande-Bretagne affectera toute la ville d’Awaday.  Ce commerçant, qui acheminait en moyenne deux tonnes de khat par mois vers  la Grande-Bretagne, affirme avoir arrêté son commerce. “Du cultivateur au  commerçant, nous sommes en difficulté, sans travail”, déplore-t-il. Des agriculteurs ont préféré jadis la culture du khat, qui se récolte toute l’année et se vendait auparavant à des prix stables, à celle du café ou du maïs.  Sur ses terres, la cultivatrice Kadija Yusuf explique avoir choisi le khat car il nécessite moins d’eau que le café. “Si l’on ne nous autorise pas à exporter, nous arrêterons et reviendrons à la culture du café”, explique-t-elle. La cultivatrice craint que ses revenus, déjà faibles et qui culminent à environ 30 euros par mois quand les ventes sont bonnes, ne diminuent fortement.
Avec la chute des prix, mâcher du khat devient meilleur marché, mais pour ses détracteurs, cette habitude reste une perte de temps et d’argent.“Quand on mastique du khat, on se concentre, on lit beaucoup”, assure Adil Ahemmed, assis par terre, entouré de ses amis et de tas de tiges de khat. D’après ce consommateur, mâcher est une “dépendance sociale” et il admet y consacrer presque tout son argent. Adil dépense environ six euros par jour en  khat, soit 90% de son revenu de technicien informatique. 


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