L’orientation éducative en mode psychologique


Par Ismail Idabbou *
Vendredi 29 Janvier 2016

Approcher l’individu du point de vue de sa personnalité par les instruments que fournit l’orientation éducative au Maroc n’est pas, à notre sens,  synonyme de vision dissociative de l’être social relevant d’un  contexte, mais cela participe justement de sa socialisation et de son intégration toujours souhaitées. La personnalité nommée souvent identité, se prête aux champs des sciences humaines et des disciplines et pratiques  éducatives en particulier. 
Aussi l’identité est un terrain de prédilection de l’orientation  en tant que  domaine interdisciplinaire riche. Conséquemment, essayer de répondre aux questions fondamentales de l’identité, en ce qu’elle est personnalité de l’élève, devrait être une préoccupation réelle de l’orientation éducative au Maroc, que ce soit théoriquement ou pratiquement. L’orientation ne fut- elle pas purement psychologique  pendant ses premiers jours?
Traitant du lien orientation-psychologie, Luc Béguin, en 2006, avançant  qu’il y a des «troubles» que peut paradoxalement instaurer la disponibilité de l’information scolaire ou professionnelle (surinformation), il reconnait aussitôt l’apport crucial de l’intervention psychologique de l’orientation à ce juste endroit.  Face à ce type de situation, l’appareil catégoriel de l’élève-sujet nous rappelle précisément que la catégorisation est un mécanisme identitaire cher au champ psychologique. Dans  le même esprit de développement, la question de  la justesse de situer épistémologiquement l’orientation avait amené Bégin à se demander si l’orientation était une question éducative ou psychologique.  Et  c’est en déployant un plaidoyer des plus convaincants à l’égard du profil psychologique de l’orientation, qu’il en conclut: «Mon métier en est un de psycho-orientation ».
De notre part, nous affirmons que de par son pilier psychologique, la vocation de l’orientation est par essence éducative au profit de tout système scolaire qui en estime la portée et exprime le besoin. La personnalité de l’élève au Maroc nous interpelle à la considérer sous le prisme de l’éducabilité que permettent  de manière pointue les activités de l’orientation. Or, comment peut-on atteindre l’éducabilité en contexte éducatif marocain si l’on neutralise le mode psychologique pratique  de l’orientation?
Le système éducatif gagnera en efficience en s’appuyant  sur un de ses sous-systèmes propres, l’orientation. Le but étant de prioriser la culture du développement personnel de l’élève parmi les soucis de la vie scolaire via l’orientation, cette dernière demeurant sensible au progrès réalisé au niveau  de la culture et du développement de  la personne: le coaching en témoigne dans les médias. En outre, si le système éducatif  l’est aussi  par son épithète, l’orientation scolaire et professionnelle se dote du mérite d’avoir des processus hautement «conscients» à l’égard des besoins et attentes des élèves, et ayant la valeur performative par leurs simples définition et configuration. Pour n’en citer que des exemples: l’éducation à l’orientation, l’éducation aux choix, l’entretien individuel  sont  d’une plus-value inestimable au profit de l’élève marocain. A ce propos, des questions s’imposent: l’orientation ne cible-t-elle pas les dysfonctionnements psycho-cognitifs des élèves? N’aspire-t-elle pas à réhabiliter leurs schèmes perceptifs? Ne réussit-elle pas à prévenir les cas des potentiels décrocheurs ? N’a-t-elle pas le mérite de traiter des cas particuliers? Ne vise-t-elle pas la réussite tant convoitée? N’aspire-t-elle pas à rehausser la qualité de la vie scolaire et à  permettre l’effectivité des épanouissements que méritent nos élèves, notamment  par leurs sois réellement affirmés?
Comment alors ne pas affirmer qu’en contexte marocain, la vocation de l’orientation devrait se démarquer plus que jamais et  tendre progressivement vers la personnalisation de ses services. Il y a  intérêt à revisiter la fiabilité «  l’auscultation » que subit l’élève par sa simple notation surtout aux paliers d’orientation.  Alors que l’orientation (principes et techniques) serait un adjuvant qui fournira au système des éclairages qualitatifs parce que psychologique en premier lieu.
Encore faut-il interroger la disponibilité spatiale et logistique propre à l’activité  orientante et le taux  d’encadrement y afférent. Actuellement, la configuration  de la réalité est moins aidante à la prospérité de l’orientation vue sous le prisme développemental. Par sa réalité, l’école marocaine contribue à une orientation informative, séquentielle, circonstancielle et de masse.
A notre avis, l’identité de l’élève ne devrait pas être vue « en statique » mais en tant qu’entité changeante en fonction de quoi ses attentes changent aussi.   La vision « uniformisante » de l’élève marocain annihile toute sa redéfinition en évolution intrinsèque et en  interaction  évolutive dans une société constamment changeante.  Par la même vision, les potentialités latentes que pourrait se prévaloir de percer l’orientation ne sont pas considérées à leurs justes valeurs. Il en va de même que la perception quasi-standard des élèves contraste avec la  différentiation que ces derniers nous doivent en termes d’aptitudes, d’intérêt, d’originalité, d’intelligences typiques, de rythme de maturation, de motivation et d’enclin vocationnel.
Outre le registre psychologique de l’orientation que nous considérons en pratique comme primordial, il y a lieu d’évoquer des perspectives sociologiques qui en découlent  et au niveau desquelles l’orientation a une connotation «politique». En effet, Jean Guichard a exprimé l’idée que l’élève, se trouvant dans les processus éducatifs et formationnels, il en reçoit des miroitements par lesquels il se définit en tant qu’élève et personne aussi. Des jeux de positionnements et de projections se mettent en place. C’est en construction et en  formation de la personnalité de l’élève que l’orientation a le mérite d’intervenir suivant la logique dite développementale. Elle est d’autant efficace qu’elle mobilise  ses instruments pédagogiques pour que l’élève se mette en état de régulation et de correction de sa propre image que « les revers » du système éducatif- ses effets inattendus de l’apprenant-  pourraient avoir  entamée.
L’orientation sous mode psychologique se définit notamment par son pouvoir de domestiquer les inégalités sociales qui se font sentir au vécu scolaire et qui s’expliquent par le potentiel des capitaux culturels des familles à faciliter plus ou moins le métier de l’élève de leurs enfants. Ces expériences vécues différemment se trouvent augmentées de colorations psychologiques parfois handicapantes. (Ici, notre souci n’est pas de polémiquer sur une éventuelle falsification de la réalité par le système éducatif …). Néanmoins, nous pouvons entrevoir  des interventions d’orientation qui pallieront les écarts des rythmes scolaires dus à la fatalité de leurs départs : les origines sociales.  En cela, l’apport de la psychologie en orientation prend le sens de démocratisation qualitative du système éducatif.
En outre, l’orientation atténue l’effet de l’auto-sélection au niveau des flux comme mécanisme psychologique des élèves des classes sociales défavorisées. Il est la cause de leur orientation, dans une proportion remarquable, vers des métiers socialement moins valorisés. Ce  mécanisme identifié en France par Marie Duru-Bellat serait-il catégoriquement étranger des fondements  des choix  vocationnels au Maroc ?
L’orientation  au Maroc,  par sa panoplie psyco-éducative, a tous les gages d’accomplir pertinemment au profit du système éducatif ses fonctions préventives aussi bien que curatives. Ce sont bien là des enjeux stratégiques dont est capable l’instance d’orientation éducative au Maroc représentée par ses inspecteurs et ses conseillers dans un contexte professionnel entaché par des contraintes objectives  certaines étant déjà citées.
Loin d’avoir esquissé une approche outrancièrement «psychologisante» de la pratique orientante,  nous souhaitons, par le présent écrit, avoir décrit un valeureux atout de l’orientation marocaine afin qu’elle soit davantage utile à son système éducatif, et qu’elle ait l’audace et la prétention à se définir épistémologiquement de manière continuelle, et surtout en s’adaptant aux conjonctures individuelles et sociales. C’est essentiellement par son trait caractéristique, en l’occurrence  psycho-éducatif,  que l’orientation  considère la personnalité de l’élève le levier incontournable de sa réussite et celle de sa société.

* Inspecteur en orientation
de l’éducation
AREF Guelmim-Oued Noun.
Délégation de TanTan.


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