L’itinéraire singulier de l'attaquant du Louvre


Libé
Jeudi 9 Février 2017

Une famille égyptienne relativement aisée et une vie rangée de cadre aux Emirats: rien ne semblait prédestiner Abdallah El-Hamahmy à attaquer des militaires au Louvre vendredi à Paris. A 29 ans, le jeune Egyptien avait tout pour réussir une belle carrière de cadre commercial dans ce riche pays où il était installé. Arrivé le 26 janvier en France avec un visa touristique depuis Dubaï, le jeune homme restera comme l'assaillant du musée le plus fréquenté du monde, un acte qualifié de "terroriste" par les autorités. Peu avant 09H00 GMT ce jour-là, à l'entrée de la galerie marchande du musée, il se jette sur des militaires en patrouille, vêtu d'un T-shirt noir à tête de mort, tenant une lame de 40 cm dans chaque main, aux cris de "Allah Akbar". Il parvient à blesser un premier soldat au cuir chevelu avant d'être repoussé par un second, qui lui tire dessus, le blessant grièvement à l'abdomen. Un scénario impensable pour son père, un haut gradé de la police à la retraite. Reda El-Hamahmy décrit à l'AFP "un garçon simple" d'1,65 m qu'il n'imagine pas s'attaquer à "quatre gardes" armés et qui ne montrait aucun signe de radicalisation. Durant son audition, El-Hamahmy, dont l'état de santé se dégrade, a expliqué avoir "agi de son plein gré", "sans avoir été commandité par le groupe Etat islamique", selon une source proche de l'enquête. Il a affirmé n'avoir pas voulu s'en prendre aux militaires mais avoir eu l'intention de mener une action fortement symbolique contre la France, en dégradant des œuvres du musée. Une version des faits totalement contradictoire avec son arrivée sur les lieux, qui laisse les enquêteurs dubitatifs. Pour eux, l'homme "assume une certaine adhésion aux thèses de l'EI". Pour le père à l'inverse, son fils était en "voyage d'affaires" à Paris, où il devait terminer son séjour par une visite au Louvre. Sa jeune épouse, enceinte de leur deuxième enfant, se trouve actuellement en Arabie saoudite. Un mariage arrangé par la famille, comme cela se pratique encore couramment, a raconté le père. L'ancien policier ne s'explique pas les tweets d'un certain Abdallah El-Hamahmy citant un verset du Coran qui promet le paradis à ceux qui sont tués en combattant pour Dieu. Un ami du suspect ne le reconnaît pas: "C'était comme si c'était une personne différente. Comme si (le compte) avait été piraté". Originaire de Mansoura, dans le delta du Nil, Abdallah El-Hamahmy a grandi dans une famille plutôt aisée, pratiquant un islam modéré, selon le père. Un de ses frères sera policier, dans les pas du père, Abdallah fera des études de droit. Il sort diplômé vers 2010, avant de gagner les Emirats arabes unis. Après les printemps arabes de 2011, qui chassent Ben Ali en Tunisie et Moubarak en Egypte, ses tweets laissent penser que le jeune juriste a vu d'un bon œil l'arrivée des islamistes au pouvoir. La date de son installation aux Emirats est incertaine, mais c'est bien depuis le consulat d'Egypte à Dubaï qu'il vote à la présidentielle de 2012, remportée par l'islamiste Mohamed Morsi. Des photos postées sur les réseaux sociaux montrent un jeune brun souriant, cheveux courts, en tenue de sport ou devant son ordinateur. Chez son père, quelques clichés le présentent en jeune homme sérieux dans son costume cravate, le regard doux derrière de fines lunettes. Ses tweets dessinent le portrait d'un jeune homme ayant soutenu Morsi après son élection, qui a assisté en 2014 à Dubaï à une conférence d'un très controversé prêcheur indien, Zakir Naik. Mais ces messages n'ont pas le ton rageur des derniers messages postés avant l'attaque du Louvre. Son séjour à Paris a été minutieusement préparé: visa demandé en octobre, obtenu en novembre pour un mois à compter du 20 janvier 2017. Arrivé à Paris le 26 janvier, il emmé- nage dans un appartement à 1.700 euros la semaine, à deux pas des Champs-Elysées. Deux jours plus tard, il achète deux machettes dans une armurerie.


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