L’économie marocaine: Quelle politique fiscale face à la crise?


Libé
Mercredi 3 Septembre 2014

L’économie marocaine: Quelle politique fiscale face à la crise?
Dans un contexte économique et financier marqué par la crise, les décideurs en matière de politique économique ont historiquement opté, soit pour une politique de rigueur, dite aussi d'austérité, soit de relance malgré les risques encourus. Toutefois, et après la multiplication des crises, devenues de plus en plus systématiques, depuis la grande crise de 1929, jusqu'à la dernière crise des «subprimes», il a été constaté que les pouvoirs publics dans plusieurs pays touchés, ont eu tendance à chercher un dosage entre austérité et relance.
Face à ce contexte, la politique fiscale, levier important de la politique économique, peut servir comme un instrument à ne pas négliger. Dans ce cadre, pour relancer la demande, le Maroc a procédé à des ajustements, au niveau de sa politique fiscale, visant l’allégement de la charge fiscale à travers la réduction des taux d'imposition et l’élargissement de l'assiette.
Au niveau de l'impôt sur le revenu (IR), la réduction des taux visait la préservation du pouvoir d’achat. En chiffres, les principales mesures prises ont concerné :
- La baisse du taux, tant maximal que minimal, de l’impôt de 42% à 40% en 2009, puis à 38% à partir de 2010, pour le taux maximal, et de 15% à 12% en 2009, et enfin, à 10% à partir de 2010, pour le taux minimal, et ce, outre le réaménagement des tranches du barème y afférent, à travers le relèvement du seuil exonéré de 24 000 DH à 28 000 DH en 2009, puis à 30 000 DH à partir de 2010 ;
- Le relèvement de l’abattement forfaitaire pour frais professionnels en faveur des fonctionnaires et salariés de 17% à 20% à partir de 2009, plafonné à 28 000 DH au lieu de 24.000 DH, en 2009,  avant d’être rehaussé à 30.000 DH à partir de 2010 ;
- Le relèvement, à partir de 2009, de la réduction sur impôt, pour charge de famille, par personne à charge (époux/se, enfants, enfants légalement recueillis), de 180 DH à 360 DH;
- Le relèvement de la limite d’âge des enfants à charge, prévue pour le bénéfice de la réduction pour charge de famille, de 21 ans à 25 ans, en 2009, et à 27 ans à partir de 2013;
- A partir de 2009 et jusqu’à la fin de 2014, les personnes physiques imposées à l'impôt sur le revenu selon le régime de comptabilité, bénéficient, sous certaines conditions, de l’exonération de la plus-value nette qui résulte de l'apport de l’actif et du passif de leur entreprise à une société, qu'elles créent à cet effet;
- La prorogation, du début de 2013 jusqu’à la fin de 2014, des mesures d’encouragement, instituées initialement du début de l’année 2011 jusqu’à la fin de l’année 2012, en faveur des nouveaux contribuables qui exerçaient dans l'informel, et qui s’identifient volontairement.
S’agissant de l’impôt sur les sociétés (IS), il y a lieu de rappeler que :
- Le taux a baissé, à partir de l’année 2008, pour le secteur financier, de 39,6% à 37%, et pour le reste des activités, de 35% à 30%, et ce, en plus de l’institution, du début de 2011 jusqu’à la fin de 2012, d’un taux réduit de 15% pour les sociétés réalisant un chiffre d’affaires (CA) n’atteignant pas 3 000 000 DH HT. A partir de 2013, un taux réduit de 10% est appliqué aux sociétés  réalisant  un  bénéfice  ne dépassant pas 300 000 DH;
- A partir de 2009 et jusqu’à 2013, et sous certaines conditions, les petites et moyennes entreprises (PME), principal acteur du tissu économique marocain, ont pu bénéficier d’une réduction de l’impôt de 20% du montant de l’augmentation du capital réalisée.
Quant à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et pour atteindre le double objectif de neutralité qui doit la caractériser, et la réduction des taux pratiqués, plusieurs mesures ont été prises, et ce depuis le lancement, en 2005, du grand chantier de réforme progressive de cette taxe.
Aussi, est-il à noter que, dans le cadre du renforcement de la solidarité sociale, la loi de Finances 2012 a institué un «Fonds d’appui à la cohésion sociale», créé au profit des populations démunies, et censé être financé, à partir de l’année 2013 jusqu’à l’année 2015, par des contributions sociales de solidarité sur les bénéfices, revenus et livraisons à soi-même de constructions.
Parallèlement à ces mesures prises, par type d’impôt, pour améliorer, ou au moins préserver, le pouvoir d’achat, et relancer l’activité économique, et en tenant compte des contraintes d’ordre budgétaire, social et même politique, une grande importance a été donnée, notamment au niveau de la loi de Finances 2014, à la réduction des dépenses fiscales, mais sans pour autant, peser sur le contribuable. A cet effet, il est à rappeler que les autorités fiscales au Maroc ont largement accordé des avantages fiscaux, depuis les années soixante-dix, aux différents opérateurs économiques. Toutefois, des évaluations ayant montré que bon nombre d’avantages fiscaux ont été manipulés en dehors des objectifs qui leur ont été dévolus, et pour améliorer la visibilité et instaurer plus de transparence, les travaux des dernières Assises nationales sur la fiscalité, qui se sont déroulés à la ville de Skhirat en avril dernier, ont recommandé le ciblage de ces avantages à travers la rationalisation des régimes dérogatoires, en favorisant les seuls secteurs prioritaires et les plus affectés par la crise.
Ainsi, les chiffres montrent que le montant évalué du coût budgétaire des dépenses fiscales en 2012 s’élève à 36,31 milliards de DH, dont 60,5% pour les entreprises, notamment celles exerçant dans les domaines de la promotion immobilière et l’exportation, et 25,8% au profit des ménages. Aussi, y a-t-il lieu de signaler que, en 2012, sur les 402 mesures dérogatoires recensées, 284 ont pu être évaluées et détaillées par type d’impôt.
Cependant, bien que les ajustements d’ordre interne soient d’une importance capitale, et pour préserver  sa matière imposable, et faire face aux défis de la mondialisation, l’administration fiscale au Maroc s’organise pour pouvoir accompagner les montages financiers, de plus en plus sophistiqués, mis en place par les groupes internationaux qui interviennent au Maroc par le biais de leurs filiales. A ce titre, il est à constater que, de nos jours, ces derniers procèdent à une réallocation de leurs charges et bénéfices en fonction du système fiscal du pays dans lequel ils exercent une partie de leurs activités. En effet, tandis qu’ils ont tendance à localiser leurs bénéfices dans les pays à fiscalité avantageuse, ils cherchent des pays à fort taux d’imposition, où les possibilités de déductions sont importantes, pour localiser leurs charges.
Face à ces pratiques portant atteinte à la souveraineté fiscale du pays, et pour contrecarrer le rétrécissement de ses ressources qui en résulte, face à des besoins en biens et services publics de plus en plus grandissants, l’administration fiscale au Maroc a introduit dans sa législation des dispositions permettant une meilleure appréhension des prix de transferts. Cela s'ajoute au renforcement de la pratique de l’échange d’informations que permettent les multiples conventions fiscales signées avec les pays partenaires.
Enfin, il est à signaler que, malgré toutes ces mesures à caractère fiscal, les répercussions de la crise ne peuvent être contrecarrées sans une conjugaison de celles-ci avec des mesures de politique budgétaire. En effet, une meilleure maîtrise de la dépense budgétaire et une réduction de la dépense fiscale deviennent les deux facettes sur lesquelles se basent, de nos jours, les orientations de la politique économique au Maroc. 


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