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L’argent sale empeste la campagne

Candidats véreux et programmes sonnants et trébuchants


Hassan Bentaleb
Lundi 31 Août 2015

A chaque élection, la question de l’utilisation de l’argent  sale  dans le politique se  pose avec acuité.  Des rumeurs  et des soupçons pèsent sur le financement de la campagne de certains élus accusés de dépenser des montants importants dans l’opacité la plus totale. 
« L’usage de l'argent illicite lors des élections n’est un secret pour personne. Les deniers coulent à flots et ils sont même devenus les maîtres mots inavoués du jeu électoral », nous a confié un candidat aux élections communale du 4 septembre prochaine sous le sceau de l’anonymat avant de poursuivre : « Aujourd’hui tout s’achète : les candidats, les listes, les voix… Bref, tout le monde semble plier l’échine devant le pouvoir de l’argent».  Même son de cloche de cet autre candidat qui pense que les échéances électorales sont devenues des marchés juteux pour bon nombre d’opportunistes. «C’en est fini des grands discours et des idéologies, c’est le pouvoir de l’argent qui dicte sa loi», nous a-t-il indiqué. 
Mais qu'est- ce qu'on entend par «argent sale»? Désigne-t-il  les sommes utilisées pendant la campagne électorale et dépassant le plafond de dépenses fixé par la loi? Ou s’agit-il plutôt des deniers  destinés à l’achat des voix? Et qu’en est-il de l’argent utilisé pour l’achat des listes électorales ou des candidats? Dans les textes de loi, le concept d’argent sale  n’existe pas et aucune des dispositions légales ne le mentionne. Mieux, au sein même de la classe politique, le contenu de ce terme ne fait pas l’unanimité.  A vrai dire, ce vocable semble un fourre-tout où l’on peut mettre l’ensemble de ces pratiques  et que l’on peut mettre à toutes les sauces.  Même constat à relever au niveau des montants en circulation. Tout le monde parle de millions voire de milliards de dirhams mais aucun chiffre précis et fiable n’a été avancé ni officiellement ni officieusement. «Les montants en question oscillent entre 10.000 centimes et une dizaine de millions mais il est difficile d’évaluer les montants en jeu puisque tout se passe sous la table et dans l’opacité la plus totale», nous a déclaré notre source.  
D’où vient cet argent? Le flou reste de mise. «Il provient d’hommes d’affaires, d’entreprises, de fonds propres aux candidats, de lobbies, etc. En réalité, personne n’en connaît la provenance exacte, on est dans une zone d'ombre», nous a affirmé une autre source avant d’ajouter : «Pourtant, ce qui est sûr, c’est que des sources diverses contribuent au financement des campagnes électorales en contrepartie à l’issue des élections, de marchés publics ou de préservation des monopoles et des intérêts de certaines  entreprises ou personnes. Sachez que l’on parle  d’enveloppes financières  juteuses estimées à des milliards de dirhams », nous a lancé notre source.
Quelle forme cet argent  illicite prend-il? «Les usages de cette manne sont divers.  Il sert à louer les locaux de campagne ou les salles de meetings, à payer les frais de transport, l’impression des tracts et l’affichage électoral, sans parler des salaires des personnels recrutés en l’occasion. Tout se paie en argent liquide et au noir vu l'absence de mécanismes de contrôle du financement des campagnes», nous a expliqué notre source.
Que dit la loi ? Tout simplement que l’Etat finance, en partie,  la campagne électorale selon un plafond de dépenses fixé à l’avance pour chaque scrutin. Le plafond des dépenses a été fixé pour la première fois à l’occasion des élections communales de 2009. Le décret 2.15.452 adopté en Conseil de gouvernement le 25 juin dernier stipule que le plafond autorisé pour les élections régionales est de 150.000 DH par candidat et 60.000 DH pour les communales. Ce texte réglemente également l’usage fait des aides de l’Etat par les partis au titre de la participation au financement des campagnes électorales, les frais de presse, d’impression et d’affichage des affiches électorales, les frais de réalisation des affiches électorales et, éventuellement, de location d’espaces d’affichage, les frais de réalisation de spots publicitaires relatifs à la campagne, les indemnités servies aux personnes et prestataires de services ayant participé à la campagne, achat du matériel nécessaire… 
Chaque candidat, tête de liste ou dans les circonscriptions concernées par le scrutin uninominal, a l’obligation de présenter des pièces justificatives des sources de financement de sa campagne et les frais engagés à compter du 30ème  jour qui précède le jour du scrutin. Les partis politiques doivent  également justifier toutes les dépenses financées par les subventions accordées par l’Etat (factures, conventions, notes de frais ou autres pièces justificatives).
Une avancée par rapport aux anciennes prescriptions du Code électoral qui étaient minimes et concernaient uniquement les candidats pris à titre individuel. Faut-il se réjouir pour autant ? Absolument pas puisqu’un rapport de la Cour des comptes a  révélé que sur les 7.102 candidats ayant participé aux élections de 2011, seuls 2.328 ont consenti à déposer, dans les délais impartis, leurs déclarations de dépenses auprès de la Cour des comptes, soit seulement 32,78%.  Le même document a noté également que 96 autres candidats se sont rattrapés, mais hors délai, et ont pris attache avec la Cour des comptes pour ce faire. Bien sûr, parmi les candidats qui ont respecté cette mesure légale, il n’a été signalé aucun dépassement du plafond autorisé qui était de 35.000 DH.  « Tout texte de loi demeure insuffisant et ses mécanismes de contrôle limités. Il faut d’abord et avant tout une vraie volonté politique », a conclu notre source.   
 


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