L'Arabie Saoudite s'ouvre sur le cinéma malgré l'absence de salles obscures

Le royaume a engagé une prudente politique tendant à offrir à ses habitants une dose de loisirs, malgré l'opposition des milieux religieux conservateurs.


Mehdi Ouassat
Mercredi 15 Mars 2017

L’Arabie Saoudite est un pays où il n’existe aucune industrie cinématographique encore moins de salles de cinéma et où le 7ème art est totalement banni. Pourtant le royaume s’apprête à dérouler le tapis rouge du 4ème Festival du cinéma qui se tient à Dhahran, dans la province orientale, là où on estime qu’il ne faut surtout pas encourager l’exhibition artistique en public.  
«Il n'y a pas de salles de cinéma en Arabie Saoudite mais cela ne doit pas empêcher le gouvernement d'investir dans le septième art afin de promouvoir les divertissements», affirme le directeur du festival, Ahmed AlMulla dans un entretien accordé à l’AFP. «Nous attendons le changement réel. Nous voulons le faire de l'intérieur et non pas en accueillant seulement des événements», dit-il.
Le contexte est, en effet, jugé encourageant car le royaume a engagé l'an dernier une prudente politique tendant à offrir à ses habitants une dose de loisirs, malgré l'opposition des milieux religieux conservateurs. Le public saoudien a ainsi pu assister à un spectacle du groupe de théâtre de New York iLuminate, au festival de pop-art Comic-Con et à un combat de catch organisé par une entreprise américaine de divertissement. "C'est un plaisir de voir ce genre d'activités ici et les gens venir de l'étranger", se félicite AlMulla.
Le mufti du royaume s'était insurgé en janvier contre la possible ouverture de salles de cinéma et la tenue de concerts, affirmant qu'elles seront sources de "dépravation". Ces réserves n’empêchent pas le succès du festival de Dhahran, qui a repris en 2015 après sept ans d'absence grâce à l'Association de Dammam pour la culture et l'art. Ses projections, tenues d'habitude dans les locaux étroits de l'association, sont prévues cette année dans des espaces plus larges à proximité d'un nouveau centre culturel, dirigé par le géant pétrolier Aramco. Elles débuteront avec le drame "Wasati", réalisé par Ali Alkalthami, qui relate une attaque d'extrémistes contre un théâtre de la capitale Riyad il y a dix ans.
Il faut dire que le cinéma saoudien commence à être reconnu internationalement. La comédie romantique "Barakah Meets Barakah" de Mahmoud Sabbagh a ainsi été projetée à la Berlinale tandis que "Wadjda" de Haifaa Al-Mansour a été, en 2013, le premier film national à participer aux Oscars du meilleur film étranger, comme il a été sacré meilleur film du Festival international de Vancouver. Il s’agit du premier film qui montre les rues de Riyad.
Mais de quelle manière ? En effet, pour pouvoir diriger son équipe composée d’hommes, Haifaa Al-Mansour a dû rester dans un van, à l’abri des regards, et donner ses instructions par talkie-walkie. Dans ce pays où le chromosome Y prend le dessus, pas question de mélanger les deux sexes dans l’espace public et encore moins de voir une femme diriger des hommes au vu et au su de tout le monde.  
« Wadjda », premier long métrage officiel produit par ce pays, décrit l’histoire d’une fillette saoudienne, issue d’un milieu conservateur mais ayant un caractère rebelle. Elle écoute de la musique rock, porte des Converse et des jeans et malgré l’interdiction aux femmes d’avoir une  bicyclette, elle rêve d’en posséder une. Elle ira alors jusqu’au bout et n’hésitera pas à s’inscrire au concours de récitations coraniques de son école pour décrocher le premier prix qui lui permettra d’acheter son vélo.    
Le film, quoique jamais projeté en Arabie Saoudite, semble avoir eu son petit effet. La police religieuse a  fini par autoriser aux femmes de monter à bicyclette dans les lieux de loisirs comme les parcs publics, «à condition de demeurer revêtues de la Abaya et d’être accompagnées par un membre masculin de leur famille». Il paraît qu’il s’agit là d’une timide évolution due, peut-être, au merveilleux pouvoir du cinéma.


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