Khalid Tamer : On constate une nette évolution du cirque marocain


Propos recueillis par Mehdi Ouassat
Mercredi 29 Mai 2019

Khalid Tamer : On constate une nette évolution du cirque marocain
Khalid Tamer est le premier président africain de la Commission internationale du théâtre francophone.  En 2005, il a été derrière la création du collectif « Eclats de Lune », pour la diffusion de l’art et la création contemporaine,
marocaine et africaine. En 2007 est né le projet qui lui tenait à cœur:
les rencontres artistiques internationales en places publiques «Awaln’art».


Libé : Vous êtes le premier président africain de la Commission internationale du théâtre francophone. Quel effet cela vous fait-il ?  
Khalid Tamer : C’est bien évidemment un honneur, mais surtout une très belle opportunité de faire bouger les choses et de soutenir les émergences marocaines actuelles dans ce domaine.   

Cela devrait donc certainement intensifier la diffusion, à l’international, des œuvres théâtrales marocaines ?
Le théâtre marocain est méconnu chez nos amis d’Afrique de l’Ouest. J’ai beaucoup voyagé dans ces pays, et on peut dire que nous ne sommes pas assez présents.  Les programmateurs de festivals sont donc en attente de propositions marocaines. Parce qu’il ne s’agit pas seulement d’être présent  sur le plan économique mais culturel également. Ma mission est donc d’ouvrir un chantier pour que les artistes d’Afrique de l’Ouest viennent au Maroc et vice-versa,  pour plus de création et de production entre structures marocaines et d’autres d’Afrique de l’Ouest.  Nous avons commencé en 2015 avec l’accueil à Marrakech de la 3ème pépinière des jeunes artistes francophones dont font partie trois jeunes Marocains.

Quels sont les principaux objectifs du collectif « Eclats de Lune », créé en 2005, et dont vous êtes le président ?  
Pour être clair, nous travaillons pour révéler les potentialités artistiques de notre pays. Depuis des années, nous avons accompagné plus d’une centaine de jeunes artistes. Il faut dire que nous sommes donc à la fois sur un travail de terrain local, et sur une ouverture à l’international. Par ailleurs, nous sommes heureux de travailler avec plusieurs directions régionales du Royaume et nous avons hâte de développer ce volet très passionnant.
Nous travaillons donc pour développer la diffusion au niveau national et international, mais aussi pour permettre que les DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) puissent accueillir des artistes étrangers et devenir ainsi des pôles de résidence et de diffusion également.   

Quel regard portez-vous sur le cirque au Maroc ?   
On constate une nette évolution du cirque marocain. L’apport de l’Ecole nationale de cirque Shems’y est très important, de même que celui du groupe acrobatique de Tanger, qui, avec l’intervention du metteur en scène Aurélien Bory, se produit dans le monde entier.
L’évolution des acrobates marocains vers le contemporain est tangible : une nouvelle génération d’artistes est en train de naître et avec elle de nouvelles propositions artistiques: à Casablanca, Tanger ou Agadir. Il est, par ailleurs, important de noter que chaque année des acrobates marocains sont invités au Festival de cirque de Monaco. Et c’est là une belle reconnaissance de leurs talents.
Il faut dire qu’il y a encore beaucoup de travail à réaliser, mais nous sommes sur la bonne voie. Nous avons déjà une tradition d’acrobatie très ancienne et nous voyons émerger d’autres formes d’expression circassienne : le clown, le mât chinois, le jonglage, etc.  
Les arts de la rue sont désormais reconnus par le ministère de tutelle comme étant un genre artistique “noble et créatif“ et bénéficieront donc de subventions. Qu’en pensez-vous ?  
Cette avancée significative et hautement symbolique est un des principaux résultats des séminaires, dédiés au développement des arts en espace public, que nous avons co-organisés avec le ministère.
Le fait que le ministère réponde aussi rapidement est, semble-t-il, le signe d’une prise de conscience forte au niveau du dynamisme et du potentiel structurant et fédérateur du secteur. Et il y a aussi le fait que les arts en espace public actuels sont les héritiers d’un genre ancien et extrêmement riche dont Jemaâ El Fna n’est que le reflet.    
Cette avancée est aussi le signe d’une volonté réelle des pouvoirs publics de structurer et d’accompagner le développement des projets créateurs. Nous entrons dans une nouvelle ère où la danse contemporaine, la création théâtrale, les arts en espace public, la musique et les arts visuels bénéficient non seulement d’artistes créateurs, mais aussi d’une écoute auprès de leur ministère (écoute qui nous permet d’instaurer un dialogue et un accompagnement mutuel entre décideurs et artistes) et de l’intérêt grandissant du public et des collectivités locales.
C’est également la raison pour laquelle, lors d’un séminaire, nous avons invité plusieurs représentants de la dynamique actuelle: Khalid Benghrib, Jawad Essounani, M’Barek Bouhchichi, pour ne citer que ces noms.
Le dialogue avec le ministère, nous devons le mener ensemble, car il s’agit de créer ensemble les conditions de vie et d’exercice des métiers artistiques.
La reconnaissance de l’existence et du dynamisme du secteur des arts en espace public est donc acquise, mais il faut maintenant aller plus loin et améliorer les conditions de création, de production et de diffusion, ainsi que le renforcement du statut d’artiste afin que les jeunes artistes que nous accompagnons actuellement puissent poursuivre leur projet et le développer. Et cela concerne tous les secteurs de la création.  


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