Kamal Hachkar : Le cinéma est une formidable arme artistique pour faire réfléchir les gens


Propos recueillis par Mehdi Ouassat
Vendredi 9 Mai 2014

Kamal Hachkar : Le cinéma est une formidable arme artistique pour faire réfléchir les gens
Après avoir été professeur d’histoire, puis de culture 
générale à Paris, Kamal Hachkar a fini par tout 
balancer pour se consacrer 
au septième art. Quoi de plus normal pour un artiste aussi doué que talentueux ? 
Son dernier film 
«Tinghir-Jérusalem: les échos du Mellah» avait suscité 
une polémique sans fin. 
Aujourd’hui, il est membre 
du jury du 3ème Festival 
international de cinéma 
et mémoire commune 
à Nador. Entretien. 
 
Libé : Vous êtes membre du jury du film documentaire. Qu’en pensez-vous des films en lice pour cette troisième édition du Festival ?
 
Kamal Hachkar : Je n’ai pas encore vu tous les films. Mais il y a des productions dont j’ai entendu parler et que j’ai croisées dans d’autres sélections d’autres festivals. Alors je pense que le niveau est très bon et que ça va être difficile de départager les films. 
D’autre part, le premier contact avec les synopsis donne envie de voir ces films et je trouve que c’est un point extrêmement positif. En tout cas, il y a  une certaine envie de voir toutes les réalisations parce que les sujets sont très contemporains. Il y a des films sur la mémoire judéo-marocaine, sur Venise, ou sur la montée de l’extrémisme religieux en Egypte, etc.  Et la force du documentaire réside bien évidemment dans le fait d’arriver à décrypter et montrer des réalités complexes. Je dois donc dire que j’ai hâte de voir tous ces films.
 
 A votre avis, que pourrait ajouter ce genre de Festival au cinéma marocain ? 
 
Je trouve que c’est fort intéressant d’apporter la culture dans l’Oriental, une région du Maroc, où il n’y avait pas de festivals cinématographiques. Les gens sont assoiffés de connaissance et les salles de projection sont souvent pleines. Je crois alors qu’il est particulièrement important d’avoir un festival de cette qualité dans une région considérée comme conservatrice. D’autant plus que la culture permet de se poser des questions sur des certitudes et de mettre en doute certains a priori. 
Je reste persuadé que la culture doit se propager partout dans notre pays, au-delà de Casablanca, Rabat, Marrakech et Tanger. Car il y a d’autres villes qui ont besoin d’activités culturelles.  
 
On sait que le cinéma joue un rôle culturel très important dans notre pays. Mais est-ce qu’on peut dire que le Maroc s’est imposé comme terre de cinéma ? 
 
Sur le plan de sa diversité culturelle et de son histoire, le Maroc est bien évidemment une terre de cinéma. Des réalisateurs étrangers viennent prendre le Maroc pour décor parce qu’on a de somptueux paysages; et cela est formidable pour un cinéaste. On a la mer, les montagnes, les plateaux de tournage, etc. Bref on a tout ce qu’il faut pour s’imposer comme terre de cinéma. 
Mais malheureusement,  les réalisateurs marocains font beaucoup de documentaires fictions, qui ne sont pas toujours à la hauteur de ce qu’on pourrait espérer. Je pense, par ailleurs, que le Maroc est une terre vierge sur le plan documentaire et qu’il y a énormément de sujets intéressants à traiter dans notre pays, riche de sa diversité. 
 
Vous avez été professeur d’histoire à Paris avant de vous consacrer au cinéma. Comment expliquez-vous ce choix ?
 
Effectivement, j’ai été professeur d’histoire dans des lycées de la banlieue parisienne, pendant dix ans. Et durant les trois dernières années, j’ai été professeur de culture générale à l’Université. 
Pour ce qui est de mon choix, il faut dire que j’avais envie d’exprimer mes idées artistiques et politiques au sens noble du terme. Et je crois que c’est bien là l’arme du cinéma. Une formidable arme artistique pour faire réfléchir les gens. Si j’avais continué ma carrière professorale, j’aurais touché l’élite seulement. Mais ce qui m’intéresse, c’est de toucher des gens qui n’ont pas l’habitude d’être confrontés à la culture. Tout comme ce qu’on a fait, récemment à Tinghir, avec la projection de mon film: «Tinghir-Jérusalém : les échos du Mellah».
 
Comment est née justement l’idée de votre documentaire «Tinghir-Jérusalem: les échos du Mellah»?
 
L’idée est née par mon intérêt à l’histoire du Maroc. Et parce que j’avais envie de témoigner d’une page méconnue de l’histoire de mon pays. Et je suis aujourd’hui très fier de voir autant de gens qui s’intéressent à mon film. 
On a vu, pour la première fois, sur la chaîne marocaine 2M, et en prime time,  des juifs amzighs qui parlent en «tachlhit». C’était un choc émotionnel pour les téléspectateurs. D’autant plus que le film est réalisé par un Franco-Marocain, venant de Tinghir et de culture musulmane. 
 
Avez-vous été surpris par les réactions suscitées par votre film ? 
 
Oui évidemment, parce qu’on ne sait pas comment le film va être reçu. J’ai reçu beaucoup d’encouragements, il y a eu des critiques aussi, mais je pense que c’est le propre de n’importe quelle œuvre artistique. Ce que je reproche à certains, c’est qu’ils ont critiqué le film sans l’avoir vu. Ils ne l’ont en fait pas critiqué d’un point de vue esthétique mais idéologique et dogmatique. Mais cela ne devrait pas pour autant m’empêcher de réaliser davantage de films.  


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