Jean Zaganiaris fait son entrée dans le monde du roman

Le sociologue au regard affûté est également un romancier à la plume inspirée


Par Mamoun Lahbabi *
Mercredi 11 Février 2015

Jean Zaganiaris fait son entrée dans le monde du roman
Dans ce roman à plusieurs voix, Jean Zaganiaris nous plonge dans l’univers tourmenté d’amours inachevées. D’un bord à l’autre d’une Méditerranée qui rassemble l’auteur et ses personnages, des images jaillissent pour plonger le lecteur dans les passions humaines. Retour sur ce beau roman qui révèle, en chacun de nous, nos multitudes d’identités.
Avec cette première fiction parsemée d’éclats de tendresse, Jean Zaganiaris fait une belle entrée dans le monde du roman. On le savait sociologue au regard affûté ; le voilà romancier à la plume inspirée. Et même à l’intérieur d’un roman, il continue de parler de ce qu’il connaît très bien : la littérature contemporaine marocaine. Les nombreux auteurs cités tout au long de ce récit témoignent encore de son engagement auprès des écrivains marocains. Derechef, donc, Jean Zaganiaris rend hommage à une littérature qu’il fréquente assidûment.
« Le périple des hommes amoureux » est un roman qui traque la banalité, servi par une plume sur le qui-vive, qui ne se dérobe ni à la vérité des évènements, ni à la liberté de pensée, les deux vertus cardinales de la littérature. Cette discipline, respectée comme une valeur immanente, n’érode pas la poésie d’une écriture qui recourt abondamment à la métaphore. « Je me place toujours sous un arrêt de bus qui jette quelques larmes de lumière sur le sol » ; ou encore : « Le visage de la femme que j’aimais traînait dans ma tête comme un pendentif autour du cou » (pages 90, 91).
Dans ce livre, qui est un bonheur de lecture, qui empêche la pensée de devenir une activité d’antiquaire, affranchi des apparences et des assignations sociales et académiques, l’auteur défie les canons traditionnels de l’écriture romanesque : l’unité de temps et de lieu. Les personnages, en effet, migrent, font des bonds invisibles qui déportent le lecteur d’un décor à l’autre. Paradoxalement, cette subversion littéraire n’entame aucunement la trame et la cohérence d’une histoire déroulée comme une friandise, qui aimante le lecteur assoiffé de rencontres et de découvertes.
Momo, Maria, Jean-Seb, Yanis, Samia et les autres…, les personnages surgissent et disparaissent. Par ce tour de passe-passe littéraire, Jean Zaganiaris crée un mouvement qui nous entraîne à l’intérieur de la vie par le truchement des mots. D’ailleurs, il écrit non pas pour le lecteur, mais avec lui : « Ne vous laissez pas duper par les lieux, les dates…Ne vous fiez pas aux apparences…Vous savez, c’est un livre que vous avez sous les yeux, rien d’autre…(page 27). Cette symbiose avec le lisant, l’auteur l’atteint grâce à un style qui s’agrippe à la réalité. Les scènes sont crues, rapportées sans détour, à l’état brut. Comme si on était face à une pièce de théâtre qui se balade dans trois villes : Athènes, Canne et Casa.
« Le périple des hommes amoureux » pourrait, de prime abord, paraître un livre de macho, un livre « masculin ». Il n’en est rien. C’est plutôt un livre sur le désœuvrement ; celui aussi de la mélancolie camouflée dans les effluves capiteuses de l’alcool et les amours furtives. Le personnage donne la fausse impression d’un boulimique sexuel ; il est en réalité dans une quête inassouvie de tendresse et d’amour. 
Mais pour se saisir des tourments agitant les personnages de ce roman, il faut écouter ces mots qui claquent pour témoigner des temps désaccordés d’une société marchande peu soucieuse de bonheur.
« Il y a des phrases qui cognent à la vitre », disait Aragon. On pourrait entendre à la fenêtre les mots de « Le périple des hommes amoureux ».

 * (Cercle de Littérature Contemporaine) 


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