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Il y a cinq ans, la révolution tunisienne lançait le "Printemps arabe"


Mercredi 13 Janvier 2016

Au matin du 14 janvier 2011, la rue gronde à Tunis contre le régime de Ben Ali, aux abois. Mais nul ne peut alors anticiper le séisme géopolitique qui bouleverse le monde arabe depuis cinq ans.
 Ce jour-là, après 23 ans au pouvoir, le dictateur fuit en Arabie Saoudite aux cris de "Ben Ali dégage". Il devient le premier dirigeant d'un pays arabe à quitter le pouvoir sous la pression de la rue.
 Un mois plus tôt, un vendeur ambulant, Mohamed Bouazizi, s'était immolé par le feu à Sidi Bouzid, point de départ d'un mouvement de protestation réprimé dans le sang avec 338 morts.
 Cinq ans plus tard, le pays pionnier du "Printemps arabe" fait figure de rescapé. Malgré de multiples soubresauts dont l'assassinat d'opposants, la Tunisie peut se targuer d'avoir réussi la transition démocratique née de la chute de Zine el Abidine Ben Ali.
 Ce dernier sera suivi dans la chute par Hosni Moubarak en Egypte et Mouammar Kadhafi en Libye, au pouvoir respectivement depuis trois et quatre décennies. Le premier est balayé après 18 jours de révolte et 850 morts; le second à la suite d'un soulèvement à Benghazi et d'une intervention de l'Otan.
 En Syrie, le président Bachar al-Assad s'accroche toujours à son poste mais son pays est en ruines après cinq années de crise et de guerre qui ont fait plus de 260.000 morts et poussé à l'exode des millions de personnes.
 Le conflit syrien illustre aujourd'hui à l'extrême les désillusions du "Printemps arabe".
 "Ce furent des jours excitants. La fièvre démocratique se propageait", se rappelle Hafez Ghanem, le vice-président de la Banque mondiale dans un ouvrage récent sur les débuts du Printemps arabe.
 "Mais un pays sans tradition démocratique et avec de faibles institutions peut-il devenir une démocratie efficace et améliorer immédiatement les conditions de vie de ses citoyens? La réponse est manifestement négative", constate-t-il.
 En Egypte, les espoirs ont été rapidement douchés et le pays est de nouveau dirigé d'une main de fer par un ex-général, le président Abdel Fattah al-Sissi. Le renversement en 2013 de l'islamiste Mohamed Morsi, premier président démocratiquement élu, a été suivi d'une implacable répression contre les Frères musulmans avec plus de 1.400 tués et les jeunes des groupes pro-démocratie.
 La Libye voisine est elle tombée dans le chaos, écartelée entre deux pouvoirs rivaux et de multiples milices depuis 2014.
 Dans le Golfe, des conflits marqués par de lourds clivages confessionnels se poursuivent, surtout au Yémen.
 "Avec le recul, le Printemps arabe a été un moment de l'Histoire comparable à la chute du Mur de Berlin, dans le sens où il y a eu un redéploiement des cartes géopolitiques", explique Michaël Ayari, analyste principal pour l'International Crisis Group (ICG).
 "Les alliances continuent à se faire et se défaire. Il n'y a pas de grille de lecture claire et on a l'impression d'être actuellement dans une phase de creux. Mais ce processus va durer plusieurs dizaines d'années", note-t-il.
Contrairement aux autres pays, la Tunisie est parvenue à faire prévaloir le consensus, grâce notamment au "dialogue national" mené par le quartette formé par le syndicat UGTT, l'Utica (patronat), l'Ordre des avocats et la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, récompensé par le prix Nobel de la paix 2015.
 "La grosse crise politique de 2013 a été réglée et beaucoup parlent +d'exception tunisienne+. Il s'agit d'un petit pays avec une élite réduite, une culture de la négociation très forte et des espaces de discussions", fait valoir M. Ayari.
Mais il y a d'autres facteurs d'explication, "comme les tensions géopolitiques plus fortes, avec des enjeux plus importants", dans d'autres pays, enchaîne l'analyste.
 Le succès de la révolution tunisienne s'avère toutefois fragile.
 Le fracas du "Printemps arabe" s'est accompagné de l'essor de mouvements jihadistes, dont l'organisation Etat islamique (EI), qui a revendiqué trois attaques majeures l'an dernier. Celles du musée du Bardo et de Sousse ont fait 60 morts et ravagé le secteur touristique, un poumon de l'économie.
 Face à cette situation dégradée, "les Tunisiens doivent s'armer de patience", a récemment plaidé la Banque centrale.
 "Nous croyons que 2016 (...) sera un nouveau départ vers la réalisation des objectifs de la révolution", a pour sa part promis le président Béji Caïd Essebsi lors du Nouvel an.


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