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Hakima Himmich, présidente de l’ALCS : “Il est hors de question que nous ayons à passer par les services du ministère en charge des relations avec la société civile”


Propos recueillis par Nezha Mounir
Vendredi 10 Août 2012

Hakima Himmich, présidente de l’ALCS : “Il est hors de question que nous ayons à passer par les services du ministère en charge des relations avec la société civile”
La conférence
internationale sur le sida, a eu lieu cette année à Washington  DC. Elle a donné un nouvel élan à la recherche contre la maladie. Traitement préventif, médicaments plus performants…, les avancées sont fortes et l’espoir aussi. Plus de trente ans après la découverte du virus, l’éradication serait-elle proche ? En tout cas, le thème choisi pour cette manifestation «Renversons
la tendance » est fort  prometteur. Hakima Himmich, présidente
de l’ALCS, a participé
à cette rencontre
scientifique. Dans un entretien accordé à Libé, elle nous fait part des nouvelles avancées en matière
de traitement et du combat qui doit
continuer à être mené contre la pandémie.


Libé : Quelle a été votre présence lors de la conférence ?

Hakima Himmich : Lors de cette conférence, l’ALCS a eu une forte présence. Un grand stand a été organisé avec le réseau pour l’accès au traitement de la région MENA (ITPC). Nous étions également présents à travers notre partenariat avec une coalition d’associations francophones « La coalition Plus ». Plusieurs interventions sont à mettre à notre actif notamment au niveau de la recherche communautaire. Une communication a permis de présenter les résultats   d’une enquête sur les atteintes aux droits humains des usagers de drogues réalisée par l’ALCS, en partenariat avec l’Association Hasnouna, auprès de 300 usagers de drogue. Nous avons également présenté  une recherche réalisée à Marrakech et Agadir, auprès des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, qui a été réalisée conjointement par le ministère de la Santé, l’ONUSIDA et l’ALCS.
Une communication a été faite au sujet  des conséquences de l’accord ACTA.  L’ALCS a participé à un important débat avec de hauts responsables sur le financement de la lutte contre le sida par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Le thème de la conférence de Washington « Renversons la tendance de l’épidémie» est très prometteur. Qu’en est-il en fait ?

 Effectivement, en théorie, d’après les connaissances et les recherches actuelles, nous avons aujourd’hui les moyens pour envisager la fin du sida. Ainsi, d’ici 2020, nous pourrons effectivement renverser la tendance alors même que le vaccin n’est pas pour demain. Tous les espoirs sont donc permis. Mais encore faut-il que  les pays riches et les organisations internationales financent davantage la lutte contre le sida dans les pays du Sud et que dans les pays concernés, il n’y ait  pas de stigmatisation et une réelle volonté politique de lutter contre cette épidémie.

Que faut-il faire pour cela ?

En plus des campagnes de prévention, le dépistage étant la porte d’entrée vers le traitement. Il faudra dépister toutes les personnes séropositives et ce le plus tôt possible après leur infection. Donc faire des campagnes de dépistage plusieurs fois par an et particulièrement parmi les populations les plus exposées au risque. Aujourd’hui dans le monde, seules 10% des personnes porteuses du virus le savent. Il faut ensuite traiter. Aujourd’hui, 8 millions de personnes sont traitées mais elles ne représentent que 40% des patients ayant besoin de traitement. Il faut absolument que le traitement soit  accessible à tous dans les pays du Sud. Les anciens médicaments sont disponibles sous forme de génériques et donc à des prix bas, malheureusement.  On estime qu’au bout de 2 ans de traitement, les personnes présentent des résistances et il faut alors passer aux nouvelles qui sont protégées par des brevets et sont inaccessibles pour les pays du Sud.

Quelles sont les avancées et les bonnes nouvelles apportées en matière de traitement ?

La grande découverte de ces deux dernières années qui a reçu une confirmation à Washington, c’est qu’une personne correctement traitée, est stabilisée et peut avoir une espérance de vie pareille à celles des  personnes séronégatives mais en plus elle ne transmet plus le VIH. Du coup, le traitement est devenu un moyen de prévention. D’autre part, d’après  les recommandations de l’OMS qui n’ont pas encore changé, on ne recommande le traitement que lorsque le système immunitaire commence à être dégradé. Une personne qui a un bon système immunitaire a 800 à 900 CD4/ml3 (les cellules de défense de l’organisme). Au Maroc et partout dans les pays du Sud, on attend que  le nombre de CD4 atteigne 350 pour traiter.  
D’après les données rapportées à la conférence de Washington, il faut traiter immédiatement après le dépistage quel que soit le nombre de CD4.  Il y a même eu des recherches qui ont démontré que des personnes traitées dans les semaines qui suivent leur contamination et qui arrêtent le traitement au bout d’un an ou deux ans, ne  gardent qu’une quantité minime de virus dans leur organisme et ne développeront pas la maladie. Une autre nouvelle qui est tombée dans les semaines précédant la conférence a été très commentée. C’est la décision de la FDA (organisme qui autorise la mise en vente des médicaments aux EU), de commercialiser un traitement antirétroviral, le Truvada comme traitement de prévention chez les personnes appartenant aux groupes les plus exposés à l’infection à VIH comme les professionnelles du sexe ou les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.
Par ailleurs, il y a eu des interventions sur le problème des hépatites. Le sida s’accompagne généralement d’hépatite chez les personnes contaminées par usage de drogues injectables. A ce jour, le traitement de l’hépatite est quasiment inexistant dans les pays du Sud du fait de son prix exorbitant.  Pourtant, récemment, ont été commercialisés des traitements plus  efficaces et beaucoup mieux tolérés que les précédents. Le scandale de l’inaccessibilité du traitement dans les pays du Sud a été relancé lors de cette conférence.

Quid du financement ?

Lors d’un discours lu à la conférence, le président de la République française, François Hollande, a annoncé l’instauration d’une taxe sur les transactions financières  dont une partie des fonds sera consacrée à la lutte contre le sida. Cette taxe est réclamée par la Coalition francophone dont l’ALCS est membre, depuis 3 ans. Elle est toujours refusée par les Etats-Unis et les autres pays. Une marche a été organisée d’ailleurs, en marge de la conférence,       réclamant  que cette taxe soit instaurée par tous les pays.  Hillary Clinton, présente à la séance d’ouverture de la conférence, a annoncé que les Etats-Unis n’allaient pas réduire leur financement, voire allaient l’augmenter. La société civile restera vigilante pour s’assurer que ces promesses seront tenues.

En vertu d’une loi en vigueur aux Etats-Unis jusqu’à une date récente, les personnes atteintes d’infection à VIH n’avaient pas accès au territoire américain. Il a fallu l’abolir pour organiser cette conférence.

La communauté scientifique a décidé de ne pas tenir cette conférence aux EU jusqu’à ce que cette loi soit abolie. Le président Obama a veillé à rétablir les choses. Mais une autre loi  a empêché de nombreuses personnes de participer à la conférence. Ainsi, le visa a été refusé à toute personne dont le casier judiciaire n’est pas vierge. Or, à ces conférences assistent beaucoup de professionnel(le)s du sexe et d’usagers de  drogue,  qui n’ont pas tous un casier judicaire vierge. Une autre conférence a été organisée en parallèle à New Delhi regroupant des personnes qui n’ont pu obtenir de visa pour participer à la conférence de Washington.

Quel est l’état des lieux au Maroc ?

Il faut tout d’abord rendre hommage au ministère de la Santé, à la cellule de gestion du Fonds mondial et  à la société civile. Beaucoup de choses ont été faites dans notre pays. Le Maroc s’est doté d’un très bon plan stratégique national. Grâce au sérieux de la gestion du précédent financement du Fonds mondial, et aux excellents résultats obtenus, il a été renouvelé. Le nouveau financement démarre en juin 2012 pour une période de 2 ans renouvelables une fois.  
Si on veut se conformer aux principaux résultats de la conférence de Washington, et pour le renversement de la tendance au Maroc, il reste encore beaucoup à faire.
Il ne faut pas que seulement 20% des personnes ayant une infection à VIH, le sachent  mais plutôt 80%. Pour cela, il faut  vraiment passer à la vitesse supérieure. Le travail entamé par le ministère qui a mis en place le dépistage dans les centres de santé et dans les maternités doit être renforcé. A l’ALCS, on pourrait effectuer 10 fois plus de dépistage si on disposait de ressources humaines suffisantes.  Sachant que le ministère manque lui-même de médecins, nous proposons que le test puisse être réalisé par des volontaires associatifs. Le test de dépistage est d’une facilité enfantine. Nous avons des volontaires qui  sont  au fait de  l’infection VIH. Il suffit de les former pour qu’ils deviennent opérationnels comme cela se fait en France depuis 2 ans. Mais nous n’avons pas d’autorisation dans ce sens. Les infirmiers devraient également apprendre à pratiquer ce test. Mais d’après la circulaire du ministère de la Santé, seuls les médecins peuvent pratiquer le test et délivrer les résultats.
Un autre problème se pose quand le test rapide est positif. Dans ce cas-là, on exige une prise de sang pour confirmer le diagnostic par un examen de laboratoire sophistiqué, le Western Blot, qui est centralisé dans 3 ou 4 villes  et dont le résultat est récupéré dans un délai de 2 ou 3 semaines, dans le meilleur des cas. Or, un grand nombre de personnes ne reviennent pas chercher leurs résultats, sont perdues de vue et ne bénéficient pas de traitement.
L’ALCS milite pour que  la confirmation puisse se faire par un second test rapide.
Nous manquons de médecins spécialisés en maladies infectieuses et de ce fait, il y a des régions entières qui ne disposent de service spécialisé dans la prise en charge de patients atteints d’infection à VIH. Nous pourrions compenser le manque d’infectiologues en formant des médecins généralistes qui travailleraient sous le contrôle des spécialistes.
 En matière de prévention, nous sommes confrontés à un grave problème sur le terrain. Selon les personnes chargées de la prévention auprès des professionnelles du sexe, ces dernières refusent de plus en plus de prendre des préservatifs que nous donne le ministère de la Santé et que nous leur distribuons. La raison est que, si elles se trouvent en possession de préservatifs lors d’un  contrôle de police, cela constitue un flagrant délit de prostitution. Il y a quelques années déjà, je suis allée voir le ministre de l’Intérieur et le directeur de la sûreté pour attirer leur attention sur l’obstacle à la prévention que constitue cette pratique. A la suite de cette entrevue, des consignes avaient été données par les deux responsables et cette pratique avait quasiment disparu.  Aujourd’hui, elle a repris de plus belle. Soyons bien clairs, nous n’encourageons pas la prostitution, loin de là. Nous avons même initié un programme avec l’Agence de développement social (ADS) en cofinancement du Fonds mondial pour mettre en place un programme d’activités génératrices de revenu au bénéfice des personnes engagées dans des activités de prostitution et souhaitant les arrêter ainsi qu’au bénéfice de personnes atteintes d’infection à VIH.

Où en êtes-vous dans votre combat au sujet des traitements de l’infection à VIH ?

Actuellement, le traitement par génériques coûte 250 DH par personne et par mois. Ils sont parfois mal tolérés, ce qui nécessite de les changer et on estime qu’au bout de 2 ans de traitement, environ 20% de patients développent des  résistances et nécessitent la prescription de nouveaux médicaments protégés par des brevets et qui coûtent 18.000 à 20.000 DH par mois et par patient, ce qui les rend  inaccessibles pour les pays du Sud.

Et la situation épidémiologique au Maroc ? D’après les données existantes, le Maroc demeure  une région de faible prévalence. Est-ce vrai ?

Oui, en effet  dans la population générale, la prévalence de l’infection à VIH  reste faible : 0,1 mais dès qu’on se dirige vers les populations les plus exposées au risque,  la situation devient préoccupante avec  des « épidémies concentrées ».  Selon la définition de l’OMS (épidémies avec prévalence supérieure ou égale à 5%), l’épidémie est concentrée dans trois populations. Les professionnelles du sexe  avec une prévalence moyenne de 2,8% sur l’ensemble du territoire  et de  5%  dans la région d’Agadir. Ensuite, les usagers de  drogues avec une prévalence moyenne du VIH de  13,8%, prévalence qui atteint  22,5% à Nador. Pour ce qui est des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, la  prévalence est de 5,5% dans la région de Marrakech et d’Agadir. Toutes ces données proviennent du ministère de la Santé. A force d’avoir des épidémies concentrées, disséminées à travers le pays, cela risque d’entraîner une épidémie plus importante dans la population générale.  

 On pourrait peut-être, envisager le traitement par le Truvada pour ces personnes  appartenant à des groupes très exposés au risque d’infection par le VIH.

Il est prématuré de penser à la prescription de ce traitement au Maroc, alors qu’il n’est pas encore recommandé par l’OMS. Par contre, on devrait penser à généraliser un autre traitement,  comme c’est le cas en France et dans de nombreux autres pays, où en présence d’un accident d’exposition sexuelle (rupture de préservatif ou  viol), un traitement par trithérapie est administré à la victime dans les 24 premières heures. Il dure un mois et permet de diminuer considérablement le risque d’infection par le VIH.  Ce traitement est dispensé par certains centres hospitaliers. Malheureusement, faute de communication, les gens en ignorent l’existence.

Qu’en est-il de la polémique générée par le Département du  ministre chargé des relations avec le Parlement et de la société civile concernant l’encadrement du secteur associatif ?

On cherche simplement à étouffer les associations démocrates en empêchant leur financement au moment où la nouvelle Constitution accorde à la société civile une place très importante.  Il y a une grande mobilisation de la société civile contre ce projet de circulaire. D‘après  les lois existantes, nous sommes tenus de déclarer toute subvention que nous recevons de l’étranger au Secrétariat général du gouvernement, ce que nous faisons systématiquement depuis des années. Il faudrait d’ailleurs s’assurer que toutes les associations le font.
Il est hors de question que pour une subvention dépassant 50.000DH, nous ayons à passer par les services du ministère en charge des relations avec la société civile.  A noter que tous les projets de l’ALCS sont inscrits dans le plan stratégique national. S’il y a le moindre problème, c’est  au ministère de la Santé de nous le faire savoir.
A propos du financement de l’ALCS, le Fonds mondial finance à 50% notre association, le reste vient de Sidaction Maroc dont la prochaine édition aura lieu le 14 décembre prochain et dont 33% des fonds récoltés sont reversés à d’autres associations, ainsi que par d’autres bailleurs de fonds internationaux. Nos comptes sont audités, sans aucune réserve, chaque année, par Price Waterhouse Coopers.

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1.Posté par Prêt immobilier le 06/09/2012 12:53
De grandes avancées certes, mais les malades atteints du Sida paient toujours au prix fort leur assurance emprunteur car ils constituent un risque aggravé de santé...

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