Filippo Gaudenzi : «Les nouvelles technologies changent la façon de faire l’information»


Propos recueillis par Alain Bouithy
Samedi 9 Juillet 2016

Rédacteur en chef du Telegiornale 1 (TG1), journaux télévisés
de la principale chaîne de télévision publique italienne Rai1, Filippo Gaudenzi a animé en mai dernier, à Casablanca, une conférence
sur le thème : « Comment changer les informations avec
la technologie », organisée par Dante Alighieri conjointement
avec le Consulat général d’Italie à Casablanca et l’Institut italien
de la culture à Rabat. Interview.


Libé : L’avènement des nouvelles technologies a été perçu comme une menace à bien des niveaux. Diriez-vous aujourd’hui que cette perception a évolué?
Filippo Gaudenzi : On peut effectivement dire qu’il y a eu une nette évolution de l’opinion publique à l’égard des nouvelles technologies. Son appréciation est beaucoup plus positive qu’elle ne l’était au début. Cela dit, la méfiance persiste encore : le public ne sait toujours pas jusqu’où il peut faire confiance aux nouvelles technologies vu les abus qu’elles autorisent. Il se demande jusqu’à quel point il peut en profiter sans justement tomber dans l’abus.
Les nouvelles technologies donnent l’impression que vous avez acquis une multitude de nouvelles connaissances, alors qu’en réalité vous devenez plus pauvre au niveau instruction, appréciation et capacités de jugement. Elles ont certes des points positifs, mais le risque est qu’elles inhibent la puissance et les capacités du cerveau.

Vous avez travaillé et collaboré à la réalisation de plusieurs programmes de la télévision et radio italienne. A quel niveau ont-elles été utiles et menaçantes ?
En réalité, les nouvelles technologies ont toujours été positives. Elles facilitent la circulation des informations. Grâce à elles, il est plus facile de traiter certains sujets vu que les gens sont plus conscients. Le paradoxe est qu’à force d’avoir la sensation de savoir, les utilisateurs se contentent de ce qu’elles leur donnent. Ils s’arrêtent à un niveau superficiel et n’osent plus aller en profondeur.

Plusieurs scandales sont révélés via les nouvelles technologies. Jusqu’où faut-il les craindre?
L’amélioration de la technologie avance en même temps que le désir de défendre la vie privée. Mais si l’augmentation de la technologie veut dire celle de la transparence, on ne peut que s’en réjouir.

Existe-t-il vraiment des zones où les technologies seraient encore à la marge?
Dans le monde de l’information, non. Il faut dire que les nouvelles technologies changent la façon de faire l’information et forcément s’immisce dans nos vies, notre quotidien.

Les nouvelles technologies ne cessent de se développer. Pensez-vous que cette progression va s’arrêter un jour?
Je ne pense pas. A mon avis, elles vont continuer à avancer jusqu’à l’inutilité supposée de la présence humaine. Et ce n’est qu’en ce moment-là qu’elles pourraient commencer à reculer et que l’homme tentera de récupérer son rôle.

En tant homme des médias, comment doit-on s’organiser aujourd’hui pour mettre de l’ordre dans l’univers de l’information ?
Le plus important est qu’on utilise la technologie comme instrument et non comme l’essence du travail.

Le public composé en majorité de jeunes était très attentif à votre exposé comme s’il s’agissait d’un spectacle. Comment l’avez-vous trouvé?
C’est un sujet de grand intérêt pour les jeunes et l’idée que  ces derniers peuvent être un sujet passif de la technologie commencent à les perturber. Ils comprennent que ce savoir n’est pas réel mais éphémère.

Un âge recommandé pour apprendre à lire et à écrire. Estimez-vous qu’il devait en être autant pour les nouvelles technologies ?
On a déjà des enfants encore tout petits qui savent utiliser les technologies alors qu’ils ne savent ni lire ni écrire. Ils disposent d’instruments pour pouvoir utiliser les nouvelles technologies mais sans contenu. Dans ces conditions, on risque de créer de nouveaux analphabètes. Car, la technologie vous donne l’illusion de savoir, l’illusion de pouvoir comprendre, mais en réalité c’est seulement un instrument qu’il faut remplir de contenu.

Dernier mot ?
Je suis convaincu qu’on retournera en arrière et que l’homme va essayer de récupérer la juste distance entre le cerveau humain et la nouvelle technologie. Il nous faut prendre un peu de recul pour permettre au cerveau de continuer à évoluer.


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