Festival international du film de femmes de Salé


Une édition couronnée de succès

Ahmed Fertat
Lundi 12 Octobre 2015

Du 28 septembre au 3 octobre 2015 s’est tenue la 9ème édition du Festival international du film de femmes de Salé. Comme à l’accoutumée, le festival a tenu ses promesses, tant au niveau de la programmation générale, de la sélection des films en compétition que des activités. Seul bémol, à notre avis, un palmarès qui a quelque peu déçu.
Le rideau est tombé, le  soir du 3 octobre,  sur la 9ème édition du Festival international du film de femmes de Salé. Les activités programmées ont été riches et diversifiées. Tout en maintenant les rubriques habituelles,  les organisateurs ont fait preuve de dynamisme et  d’innovation en améliorant  les prestations et en élargissant leurs horizons d’intérêt et d’action. 
Ainsi,  à la compétition officielle du long–métrage étaient adjointes une compétition  du film documentaire consacrée à des productions «qui témoignent du combat des femmes pour une égalité des droits et contre toute forme d’arbitraire» ainsi que deux prix du «public jeune» dédiés aux longs et courts métrages marocains.
Les ateliers d’écriture cinématographique ont donné lieu cette année à une véritable résidence d’écriture de scénario, dans la tradition des grandes manifestations dédiées au cinéma,  qui a abouti, selon les encadreurs, à l’émergence de projets de courts-métrages de qualité,  à la réalisation desquels le festival a promis de contribuer. 
Les débats et conférences organisés en parallèle des projections se sont enrichis d’une nouvelle rubrique intéressante, « Dialogue de cinéastes », regards croisés de deux réalisateurs, « un homme et une femme sur la question du genre au cinéma et à propos de leurs approches respectives du cinéma au féminin ou du féminin au cinéma ». Cependant, au fil des séances, il est apparu que ces rencontres se faisaient au détriment des débats sur les films, avec leurs réalisateurs, qui se déroulaient en même temps. Il serait judicieux que les deux activités occupent vraiment des temps différents.
Les projections ont,  comme d’habitude,  été agrémentées par des films d’un cinéma invité,  cette année celui de la Belgique et deux hommages ont été consacrés à deux grandes dames du cinéma.  L’un à l’actrice  égyptienne Salwa Khattab et l’autre, ô combien mérité et bienvenu à la comédienne marocaine,  à la présence à la fois forte et émouvante de Nadia Niazi, épouse de l’excellent acteur, Younès Megri.  
La sélection  de la compétition des longs métrages, clou et plat de résistance de tout festival,  a largement répondu aux attentes puisqu’une dizaine de films récents, certains très remarqués dans des festivals internationaux, ont comblé les cinéphiles et le public. Le festival a démarré en force avec deux  films  puissants, bien faits, beaux  et émouvants, « Le prix de l’amour » de l’Ethiopienne Hermon Hailay, histoire d’amour attachante et improbable entre un chauffeur de taxi et une prostituée sur fond de traite des blanches, entre Addis Abeba et Dubai et « Une seconde mère », de la Brésilienne Anna Muylaert,  un plaidoyer magistral pour la dignité humaine. « Aida » du Marocain  Driss Mrini, qui a clôturé la séance, avec une salle comble et curieuse  n’a pas démérité. Le film  dépeint avec une grande  poésie les derniers jours d’une musicienne juive, malade  incurable qui retrouve ses racines marocaines. Interprétation tout en justesse, sensibilité et retenue  d’une actrice qui s’est surpassée. Ses gros plans sont si pleins d’émotion qu’ils peuvent constituer des morceaux d’anthologie.
Le deuxième jour n’a pas été aussi faste. A l’instar de plusieurs festivaliers, nous avons été étonnés  par  la présence du film français « Pauline s’arrache » d’Emilie  Brisavoine dans une compétition de ce niveau, comme représentant d’une filmographie féminine d’un très bon cru ces deux dernières années.  Heureusement, l’après-midi a été sauvée par « Sangaile », de Alanté Kavaité  de Lituanie, véritable poème plastique intimiste sur la découverte de son corps et de soi, comme une thérapie contre la déperdition. « Décor », de Ahmed Abdallah (Egypte), va-et-vient d’une décoratrice de cinéma entre le réel et les fantasmes,  n’a pas vraiment suscité d’intérêt.
Le troisième jour a été aussi faste que le premier. Nous avons été subjugués par « Mustang » de Deniz Gamez Erguven  de Turquie,  «un premier film d’une grâce et d’une fougue lumineuses, véritable ode aux combats des femmes pour leur liberté» et par « Le garagiste » de Renée Beaulieu du Canada, film profondément humain sur les derniers jours d’un malade incurable qui décide de l’heure et de la façon de mourir. « La  leçon » de Kristina Grozeva et  Peter Valchanov, une coproduction gréco-bulgare, sur les efforts d’une enseignante pour combattre le délit de vol chez ses élèves n’a pas  vraiment convaincu. 
Nous ont intéressés par contre les trois films du quatrième et dernier jour de la compétition. « Vierges sous serment » de l’Italienne Laura Bispuri et « Nahid » de l’Iranienne Ida Panahandeh  dépeignent les conditions très dures des femmes, respectivement en Albanie et en Iran. « Flapping in the middle of nowhere » de Nguyen Diep Hoang  du Vietnam nous a fait découvrir  un cinéma  et une société  que nous connaissons très peu à  travers les vies et les amours croisées de personnages  complexes et attachants.
Les prix ont récompensé quelques   films marquants. Ainsi  du  prix du jury à « Vierges sous serment », d’Italie et  le prix   du scénario à « Mustang », de Turquie. Mais  à notre humble avis, « Une seconde mère » du  Brésil méritait plus qu’un prix d’interprétation qui devait plutôt être attribué à Noufissa Benchehida pour sa prestation époustouflante dans « Aida ». Si le prix d’interprétation masculine octroyé à   Majid El Kédouany pour le film égyptien « Décor »,   peut  passer, par contre le grand prix, vu son importance,  octroyé à ce même film n’est absolument pas  justifié au vu de la qualité supérieure d’autres films,  aux  sujets hautement plus intéressants et au diapason du thème du festival, faits de surcroît par des femmes qui ont montré la maîtrise de leurs outils et de leurs sujets, comme  les films brésilien et turc et surtout le film éthiopien. Mais comme les commissions sont souveraines, les douches froides des palmarès sont courantes même dans les plus grands festivals.
Le prix du documentaire est allé sans surprise  au remarquable « Queens of Syria » de Yasmin Fedda (Jordanie, UAE, Grande-Bretagne) ainsi que  les prix jeune public avec le choix du long métrage  « L’orchestre des aveugles »  de Mohammed Mouftakir et celui du  court-métrage « Bout à bout » d’Asmae El Moudir.
En conclusion, il faut remercier et féliciter les responsables pour l’excellente organisation du festival. Beaucoup d’autres,  à travers le pays,  devraient  prendre celui-ci  en exemple.
 


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