Entretien avec Zakia Tahiri, co-réalisatrice du téléfilm «Mabrouk Al Aid» : «Notre film est un prétexte pour s’intéresser aux gens qui survivent d’espoir»


Propos recueillis par ALAIN BOUITHY
Mercredi 8 Août 2012

Entretien avec Zakia Tahiri, co-réalisatrice du téléfilm «Mabrouk Al Aid» : «Notre film est un prétexte pour s’intéresser aux gens qui survivent d’espoir»
Diffusée mercredi dernier sur 2M, «Mabrouk Al Aid» est une comédie
dramatique produite par la chaîne d’Ain Sebaâ et cosignée par Zakia Tahiri et Ahmed Bouchaala. Dans cet entretien,
la réalisatrice revient sur les raisons qui ont motivé le choix du thème de ce téléfilm dont
les principaux rôles sont interprétés par les
comédiens Abdou Mesnaoui (Aziz) et Aziz Hattab (Fouad).


Libé : La fête du mouton, son coût financier et le regard du voisin sont les ingrédients de votre téléfilm. Pourquoi avoir choisi de le traiter?

Zakia Tahiri : La fête du mouton est une tradition au Maroc et dans tous les pays musulmans qui bouleverse chaque année notre quotidien, nos finances et nos croyances. C’est à qui va acheter le mouton. Bien de personnes s’endettent sur de longues périodes pour acheter le mouton. Et le plus curieux, c’est que certaines le font plus pour paraître quelqu’un de bien auprès des voisins, de leur famille.
On avait très envie d’en parler d’autant plus que si tu n’achètes pas le mouton, on te regarde de travers. Pour beaucoup de gens, tu n’es pas un bon musulman. Alors que c’est une question de moyen, de pratique. Ce sujet nous a donc paru intéressant de ce point de vue.
Pour tout dire, on s’est beaucoup inspiré du film de Ken Loach, «Raining Stones», dans lequel il est relaté l’histoire d’un papa qui veut offrir une robe à sa petite fille pour sa communion mais n’a pas de moyen pour le faire.
En fait, la fête du sacrifice n’est qu’un prétexte pour raconter l’itinéraire, l’histoire de deux copains qui, malgré leur misère, gardent quand même un optimisme incroyable. Au-delà de la religion, on voulait aussi s’intéresser à ces nombreuses personnes qui, en dépit de leur situation, parviennent à  survivre, survivre d’espoir. Ce qui est émouvant. Bien sûr qu’il y a des moments où ils craquent, où ils n’ont plus envie de vivre. Malgré tout, ils restent d’un optimiste extraordinaire.

Est-il facile de traiter un tel sujet ?

La comédie dramatique est toujours un sujet très périlleux dans ce sens qu’elle exige un savant dosage entre l’émotion et l’humour : à quel moment on est drôle et à quel moment on est touchant. Tout l’intérêt de ce film, c’est qu’on s’attache aux personnages principaux, sinon on ne croira pas à l’histoire.
Sincèrement, lorsque je regardais jouer les comédiens, j’avais mal pour eux tellement que j’étais bouleversée par l’histoire des deux personnages principaux. C’est un dosage qui n’est pas mathématique, il se fait par le travail de l’acteur. On tourne par petite tranche. Mais le plus difficile, c’est qu’on ne sait jamais si tout ce que l’on fait va tenir la route, va tenir en haleine le spectateur et, là en l’occurrence, pendant 1h40.

Justement quelle a été la réaction des comédiens lorsque vous leur avez proposé ce scénario ? Etaient-ils réticents?

Pas du tout. Il faut dire que le travail qu’on fait avec Ahmed Bouchaala, qui est co-réalisateur et mon mari, nous amène maintenant à avoir beaucoup de facilité avec les acteurs. Généralement, les comédiens acceptent volontiers de jouer dans nos films. Sans doute parce qu’on fait aussi un gros travail de scénario. On ne donne pas un scénario à lire tant que nous considérons qu’il n’est pas fini. On propose toujours un travail relativement abouti.

Quel commentaire vous suggère la prestation des comédiens ?

On a beaucoup de chance d’avoir des acteurs qui acceptent de jouer avec beaucoup de plaisir et se reconnaissent dans des personnages qui sont fragiles, pleins de fissures. Ils sont formidables et le premier travail remarquable qu’ils ont fait, c’est de lâcher prise, de nous faire confiance. Le montage avec la postproduction a duré environ 3 mois. Durant tout ce temps, on a partagé ensemble d’excellents moments : ils travaillent, nous faisaient rire à chaque fois.

Le sujet s’adresse directement au citoyen marocain. Quelle leçon doit-il en tirer ?

Je voudrais que les spectateurs de 2M passent un bon moment sur un sujet profond, essentiel dans notre vie et sincère. Qu’ils sentent qu’à travers ces personnages, c’est d’eux qu’on parle. Si ce n’est pas d’eux, c’est de leurs voisins.

A quoi ressemble la journée de la réalisatrice que vous êtes en ce mois sacré ?

Beaucoup de boulot. On consacre généralement cette période aux finitions et à la promotion des films. Parce que c’est un mois pour les chaînes de télévision en pleine effervescence où le public exprime une très grande attente. S’il passe beaucoup de temps le reste de l’année à zapper sur des chaînes étrangères, le Ramadan étant sacré, il le consacre aux chaînes marocaines. Il faut honorer ce rendez-vous, lui donner de la qualité et ce qu’il a envie de voir tout en le surprenant. C’est un tournant pour nos chaînes, mais encore plus pour nous.

Des projets?

Après un petit repos, nous comptons poursuivre le travail sur l’écriture du scénario de notre prochain long métrage et sans doute d’autres projets avec 2M ou la SNRT.


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