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Entre 2004 et 2007, 1293 personnes ont été accueillies par le Centre médico-psychologique

Le tissu associatif de Tétouan s’investit dans la lutte contre la drogue


Amel NEJJARI
Vendredi 20 Février 2009

Entre 2004 et 2007, 1293 personnes ont été accueillies par le Centre médico-psychologique
Pour les services de douane, chaque jour apporte son lot de saisies. Il en existe une que l’on surveille plus particulièrement. Ce sont les drogues sous toutes les formes possibles : haschisch, héroïne, cocaïne, psychotropes…
Si le Maroc est considéré comme une plaque tournante de production et de passage des narcotrafiquants, force est de constater que la politique menée par l’Etat marocain est de plus en plus drastique tout particulièrement dans les points de passage sensibles tels que les ports où le taux de saisie est en constante augmentation. Le port de Tanger l’est d’autant plus, puisqu’il constitue un point stratégique de communication entre les continents africain et européen. Mais ces marchés illicites internationaux ne devraient aucunement occulter une autre réalité tout aussi sombre : la consommation des drogues au Maroc où les petits trafics font aujourd’hui de gros dégâts.
Samedi 14 février, a débuté une large opération de prévention contre l’utilisation des drogues à l’initiative du tissu associatif de la ville. Ce sont deux associations, l’Association de protection des consommateurs (APROTEC Tétouan) et la Ligue nationale de lutte contre la corruption, qui ont pris l’initiative de prendre le problème par les rênes de la sensibilisation et de la prévention. Pour cette première journée de campagne, l’idée était de réunir des spécialistes capables de nous donner un aperçu sur la toxicomanie au Maroc et plus particulièrement chez les jeunes.
Les chiffres avancés lors de cette table ronde sont on ne peut plus inquiétants. Selon le ministère de la Santé, représenté par Dr. Fatima Assouab, chef du service des maladies mentales, le phénomène de dépendance aux drogues est en constante augmentation parmi les jeunes de moins de 25 ans. Autre problème épineux, l’âge de la première consommation va en diminuant… Selon une étude du ministère de la Santé réalisée en 2006 sur la Région de Rabat – Salé – Zemmour- Zaër sur une population dont l’âge oscille entre 15 et 17 ans, l’âge moyen de l’usage de toutes les formes de drogues (cigarettes, alcools, cannabis, psychotropes…) est de 11 ans ! Un chiffre qui donne à réfléchir… De plus, il n’y a qu’un pas entre « l’usage » et la « dépendance » qui touche les deux sexes. Toujours selon cette étude, le consommateur démultiplie les types de drogue : kif, haschich, psychotropes, inhalants, solvants, cocaïne, héroïne. Ces deux dernières substances que l’on croyait absentes du paysage marocain, ont fait leur apparition au Maroc de manière insidieuse et dangereuse créant de nouveaux types de toxicomanes : les cocaïnomanes et les héroïnomanes… Ces deux substances, vu la voie d’injection utilisée, sont à la source de la propagation de nombreux virus dont celui du sida. Face à l’augmentation du phénomène de la toxicomanie qui affecte non seulement le jeune mais également le tissu familial et social, le ministère de la Santé a mis en place une stratégie de lutte nationale à travers notamment la sensibilisation et la prévention. Les professionnels de la santé, les médias, l’éducation nationale, la société civile, le tissu associatif sont tous concernés par ce programme qui, par la prise en charge des jeunes, qui par l’information, qui encore par la sensibilisation ou l’encadrement. Un encadrement et une prévention appelés à cibler une population très jeune (9 – 12 ans), étant donné l’usage précoce de certaines formes de drogues. Il s’agirait également  d’étendre le réseau des centres médico-psychologiques à tout le territoire national ; un réseau d’accueil, d’écoute et de prise en charge qui est jugé jusque-là insuffisant à cause du nombre important de jeunes touchés par la toxicomanie.  L’exemple du Centre médico-psychologique de Hasnouna à Tanger est de ce fait fort intéressant, comme le rappelle  Dr. Mohamed Salhi, directeur du centre. Ce dernier a été créé  le 21 mai 2004 dans la capitale du Détroit, l’un des points noirs quant à la circulation et au trafic de drogues (notamment les drogues dures). Entre 2004 et 2007, 1293 personnes y ont été accueillies. Pour l’année 2008, 600 nouveaux cas sont venus s’ajouter à ce chiffre. Malheureusement, ils seraient encore plusieurs milliers à être en dehors du dispositif de prise en charge et de traitement. Si le centre accueille les personnes atteintes de nombreuses formes de dépendance (cigarette, alcools et autres types de drogues), il est à noter que 85% des cas représentent des dépendances aux drogues. La cigarette n’étant pas considérée, dans notre société, comme une drogue. Face à cette idée, les spécialistes contre-attaquent : est considérée comme drogue toute substance naturelle ou synthétique qui crée une dépendance et une toxicomanie.  Les risques encourus suite à la prise de drogue par voie d’injection sont de ceux que l’on surveille le plus. En effet, le partage et l’échange de seringues augmentent les risques d’infection par des virus tels que le sida ou l’hépatite C. A cet effet, l’Association de lutte contre le sida (ALCS) s’est engagé dans un projet visant les usagers de drogues injectables. A travers la section de Tétouan, une étude sur la consommation des drogues dures chez la population des 16 – 25 ans a été effectuée par les volontaires de l’association en 2004. Les résultats ont permis de corroborer d’autres statistiques à l’échelle nationale : l’importance chiffrée de la consommation d’héroïne et de cocaïne. A travers l’évaluation de la situation sur le risque d’infection du VIH en relation avec l’usage des drogues, la quasi-totalité de la population cible déclarait sa consommation d’héroïne au cours du dernier mois précédant l’enquête (178/180 à Tanger et 117/120 à Tétouan). Pratiquement la même proportion était enregistrée quant à la consommation de cocaïne. Parmi les injecteurs, une large proportion (77.3% à Tanger et 63.6% à Tétouan) reconnaissait, à un moment de leur vie, avoir partagé des seringues. D’où la sonnette d’alarme tirée par l’Association qui voit dans ce phénomène de hauts risques infectieux du VIH. Le projet de proximité au profit des usagers de drogues injectables a débuté par la réalisation d’une « cartographie » afin d’identifier « les points noirs » ; autrement appelés les « kharabas » les lieux de consommation collective et d’injections. Il s’agit à Tétouan, du Barrio Dersa et plus particulièrement de Lichara, Barrio Twilah, Barrio Twabil mais également dans les villes de M’diq et Fnideq qui se situent sur la route stratégique de Sebta. Cette cartographie, constamment réactualisée, a permis aux volontaires (qui ont bénéficié d’une formation à Rabat et de stages au centre Hasnouna de Tanger), de prendre contact avec les usagers de drogues injectables afin de leur expliquer le projet. Comme le rappelle Dr. Elalaoui Hasnouni, les usagers de drogue ne doivent en aucun cas être appréhendés par des méthodes policières. L’objectif est de gagner leur confiance et leur adhésion pour mieux faire passer le message auprès de cette population. L’unité devrait, dès cette semaine, cibler les points noirs afin de rencontrer directement cette population malade et non « malade mentale » ; des usagers de drogue qui ont besoin de centres d’accueil spécifiques mais également d’écoute… Le programme de sensibilisation conduit par l’APROTEC et la Ligue nationale de lutte contre la corruption devrait se poursuivre jusqu’à la fin du mois d’avril. Parallèlement aux tables rondes et conférences, comme le rappelle Dr. Younès Ouahbi, responsable de cette association à Tétouan, des rencontres cibleront les jeunes lycéens de la ville. Près de 15 établissements seront visés par cette opération.


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