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Droit des générations futures




Enseignement : heures supplémentaires et supplice des apprenants


PAR MOHAMED ABOULASSE
Mardi 26 Avril 2011

Enseignement : heures supplémentaires et supplice des apprenants
Combien y a-t-il d’élèves et de parents qui pensent que les heures supplémentaires, ou heures de soutien, ne sont pas nécessaires, ou au contraire  obligatoires, pour la réussite aux examens?
Combien y a-t-il d’enseignants qui n’obligent pas, ou qui ne conseillent pas à leurs apprenants de suivre des cours de soutien ?
Ce phénomène a tellement pris de l’ampleur qu’il est devenu chose normale, un fait de nature qui ne choque plus personne, au point qu’on vous traite de naïf si vous osez critiquer ce pseudo-apprentissage. C’est même devenu  une mode et un sujet de fanfaronnade pour les parents aisés, car dire que son enfant reçoit des cours supplémentaires à domicile à 300 DH de l’heure, ou qu’il fréquente telle école privée suffit pour changer de statut social. Les pauvres, eux aussi atteints par cette phobie quasi-générale, évoquent leur impuissance à payer des cours à leurs enfants par des soupirs et des larmes aux yeux, tout en imputant l’échec scolaire de leurs rejetons à l’absence des cours du soir.
Ce phénomène est devenu aussi un vrai commerce, une sorte d’industrie pédagogique qui a enrichi plus d’un enseignant ; une autre source de revenu pour les enseignants qui dépassent de loin le salaire normal, une rente non déclarée, sur laquelle on ne paie ni impôt, ni TVA, ni IGR. Des mafias même se sont organisées et s’ingénient à trouver des astuces et des prétextes accompagnés d’une propagande pour pousser les parents à avoir recours à leurs services.
Mais ces heures supplémentaires sont-elles réglementaires ? Une simple petite arithmétique nous fait savoir que l’horaire devenu presque normal pour nos chers chérubins est devenu plus qu’astreignant, un vrai supplice digne des esclaves de la Rome antique. L’apprenant se lève vers sept heures du matin pour rejoindre la salle de classe de huit heures à midi, puis de deux heures de l’après-midi à six heures du soir, et il a juste le temps de casser la croûte sur le chemin de ces fameux cours du soir jusqu’à vingt-deux heures. Rentré chez lui, exténué, l’enfant a encore des devoirs à faire. Que pense le ministère de ce calvaire infligé à des enfants de tout âge? Quelle mesure prend le ministère pour lutter contre ce crime envers notre enfance, ce tsunami éducationnel ? N’y a-t-il pas un volume horaire imposé par les pédagogues de tous les temps : un volume horaire quotidien, hebdomadaire, mensuel, annuel, pour chaque discipline et chaque trimestre ? Bien sûr que ce volume horaire qui tient compte des capacités et de la santé des enfants à travers tous les âges et tout le long du cursus scolaire de l’apprenant existe depuis que nous sommes sortis du système du M’sid, depuis l’instauration de l’école moderne, mais pourquoi n’est-il plus respecté ?
En conscience, signalons aussi que ce phénomène n’est pas propre à l’enseignement public, mais se trouve répandu à grande échelle dans l’enseignement privé et même à la mission française. C’est le comble de l’absurde : des parents ont opté pour ces deux derniers modes d’enseignement pour garantir à leur progéniture un enseignement de qualité au prix fort puisqu’ils déboursent jusqu’à 3.000 ou 4.000 DH par mois et par enfant, pour se retrouver contraints à avoir recours aux heures supplémentaires, dispensées par des enseignants du secteur public, ces mêmes enseignants méprisés et taxés de tous les maux.
Bien sûr que les parents ressentent le calvaire que subissent leurs enfants et soupirent à leur tour d’impuissance devant ce volume horaire inhumain et le poids des cartables. Mais il est du devoir des pédagogues de leur expliquer que ces heures supplémentaires sont non seulement nuisibles et dangereuses pour leurs enfants, mais considérées par les spécialistes de l’apprentissage comme pédagogiquement sans valeur. Peut-on réellement apprendre à raisonner en mathématiques, à se concentrer après 19 h du soir et après une journée de travail scolaire ?
Non, répondront sûrement les pédagogues. Les professeurs le savent aussi, ils ont bien reçu une formation psychopédagogique. Le soir, pour occuper des élèves surmenés qui n’ont plus la capacité de réfléchir, ils leur donnent des exercices, des séries d’exercices qui se ressemblent et se répètent à l’infini. Résultat : les élèves n’apprennent pas à raisonner, ils apprennent par cœur des raisonnements qu’ils recrachent le jour de l’examen. Quelques mois après, ils oublient une grande partie de ce qui a été emmagasiné dans leur mémoire.
Oui, les statistiques du ministère montrent bien que nos apprenants réussissent aux examens et ils en sont fiers. Bien sûr que les examens ouvrent bien des portes, sont des passeports indispensables, conditionnent tout l’avenir de l’individu, mais ils ne sont nullement garants de la formation intellectuelle ou humaine : la preuve, tous ces diplômés chômeurs, tous ces diplômés « ignorants ». L’individu qui a réussi aux examens et obtenu des diplômes n’a peut-être rien acquis du point de vue psychologique et intellectuel ; il s’est peut-être même déformé.
Déjà, dès la première moitié du siècle dernier, le philosophe et psychologue John Dewey, initiateur des méthodes actives en pédagogie, affirmait que l’individu cherche spontanément à se développer et à atteindre un haut niveau de réalisation personnelle : l’école doit lui fournir les moyens de se réaliser. Sa doctrine est la fameuse «learning by doing», apprendre en faisant et non en écoutant comme le veut la pédagogie traditionnelle : l’enfant doit agir, construire des projets, faire des expériences et apprendre à les interpréter. Il a aussi montré dans «how we think » : qu’on ne peut faire penser qui que ce soit que si on part de son problème, d’un problème qu’il se pose. Si on ne fait pas cela, on lui présente peut-être une démonstration, et il peut même apprendre cette démonstration, on ne lui fait pas comprendre et on ne développe pas sa faculté de compréhension.


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