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En Indonésie, ils risquent leur vie pour l'étain des smartphones


Samedi 14 Janvier 2017

Paci risque sa vie en plongeant au fond de l'océan Indien en Indonésie pour remuer la vase et ramener de l'étain, un composant vital pour smartphones et tablettes. Cette activité illégale et désastreuse pour l'environnement lui rapporte un peu d'argent. Mais pour beaucoup, elle est fatale.
C'est au large des îles de Bangka et Belitung entourées d'eau turquoise que débute la fabrication de produits électroniques dont les ventes ne cessent d'augmenter. Un tiers de l'étain dans le monde provient de cet archipel à l'est de Sumatra.
Tout en bas d'une chaîne internationale opaque pour approvisionner les géants de l'électronique comme Apple ou Samsung, des milliers d'hommes à la recherche du précieux métal blanc grisâtre descendent dans l'océan sans véritable protection, pour quelques euros par jour.
"C'est un travail très dangereux, les risques sont énormes", de noyade et d'accidents, confie Paci à l'AFP, après être remonté à la surface de l'eau avec pour seul équipement des lunettes de plongée et un tube en plastique pour respirer quand il remue le fond de l'océan à la recherche d'étain.
"Mais que voulez-vous que je fasse? C'est ma vie, et ça c'est mon travail", dit-il.
Le bond de la demande d'étain dans le monde, utilisé pour les soudures d'appareils électroniques, incite des particuliers et des pêcheurs à se lancer sans autorisation dans la recherche du précieux minerai, qui rapporte plus que des activités légales.
Une expédition de quatre hommes sur un bateau de pêche réaménagé avec du matériel de dragage peut ramener jusqu'à 30 kilos d'étain les bons jours, ajoute Paci, qui gagne quotidiennement environ 14 euros, une somme non négligeable dans ce pays d'Asie du Sud-Est où près de 40% de la population vit avec moins de deux euros par jour.
Le minerai passe dans de nombreuses mains avant d'arriver dans des fonderies qui exportent le produit raffiné destiné à des gadgets électroniques inabordables pour les chercheurs d'étain comme Paci.
Des dizaines d'équipages tentent la même aventure que lui au large de la côte nord-est de Bangka, proche de l'endroit où un chercheur d'étain de 23 ans s'est noyé en octobre, tandis que d'autres s'aventurent dans des mines illégales.
L'extraction à petite échelle comme la pratique Paci représentait en 2015 environ 75% de l'étain collecté en Indonésie, selon l'ONG américaine Pact.
Cette activité illégale fait au moins un mort par semaine, selon le Groupe de travail sur l'étain en Indonésie, un collectif qui regroupe des sociétés spécialisées dans l'électronique et l'étain, et des défenseurs de l'environnement.
Et, outre son coût humain, elle est nuisible pour l'environnement et les communautés de pêcheurs: remuer des millions de litres de vase détruit les écosystèmes, observe l'ONG de défense de l'environnement Walhi.
Aujourd'hui, la pression s'accroît sur les géants de l'électronique, montrés du doigt pour les deux grammes d'étain nécessaires à la fabrication d'un smartphone - parmi une quarantaine de métaux utilisés.
Des sociétés américaines qui se procurent de l'étain au Congo, pays d'Afrique centrale, sont désormais contraintes par la loi de préciser l'origine du minerai.
Mais en Indonésie, il n'existe aucune législation semblable.
Le Groupe de travail sur l'étain en Indonésie, dont font partie dix multinationales incluant Apple, Samsung, Microsoft et Sony, a promis de ne s'approvisionner à Bangka qu'en étain issu d'activités légales.
D'autres entreprises de technologies sont toutefois réticentes à l'idée d'adopter un projet de certification sur l'approvisionnement, souligne M. Hassink.
Il serait "impossible de tracer" l'étain extrait à Bangka, et le faire entraînerait une hausse des coûts pour les fondeurs, assure le président de l'Association indonésienne des exportateurs d'étain, Jabin Sufianto.
La plupart des géants de l'électronique en ont peu fait jusqu'ici pour s'assurer que l'étain qu'ils utilisent ne soit pas nuisible pour Bangka ou ses habitants, déclare à l'AFP Evert Hassink, de l'ONG néerlandaise Amis de la Terre.
"Certaines sociétés ne savent même pas ce qu'elles achètent. Elles refusent tout simplement d'attaquer en profondeur la chaîne d'approvisionnement", affirme M. Hassink.


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