Emprunter auprès des créanciers internationaux


Une nouvelle ère dans le management de nos villes

Par Mostafa Kheireddine Expert senior en urbanisme M.Sc en urbanisme de l’Université de Montréal
Jeudi 23 Juillet 2015

Avec l’approbation du Conseil de la ville de Casablanca de la décision d’emprunter 200 millions de dollars auprès de la Banque mondiale, une nouvelle ère s’ouvre dans la gestion des villes du Maroc, du moins pour les grandes métropoles  qui ont la capacité de créer de la valeur ajoutée économique pour pouvoir honorer leurs engagements vis-à-vis des créanciers. 
Si la pratique en soi n’est pas nouvelle, dans le sens où les villes réalisent depuis fort longtemps des projets via des emprunts étrangers contractés et garantis par l’Etat, et ce dans le cadre de partenariat ou de concession des services urbains, en revanche, la nouveauté c’est le recours direct de la collectivité territoriale à l’emprunt en prenant de la pesanteur d’une tutelle qui, au fil du temps, a rendu un ordre des autonomies financières impossible. 
Quelle opportunité s’offre-t-elle pour les gigantesques projets urbains lancés par les villes-capitales de région, notamment Casablanca, Rabat, Marrakech, Tanger? 
Quelle gouvernance urbaine pour les villes qui dorénavant vont s’inscrire dans cette dynamique d’emprunt à l’international ? 
Quelle perspective offre-t-il ce transfert de compétence dans la consécration de la régionalisation avancée ?
L’emprunt à l’international-une aubaine pour la réalisation et l’accompagnement des grands projets.
 «Rabat, ville lumières» pour un budget de 9,4 milliards de DH, «Marrakech, ville du renouveau» pour 6,3 milliards de DH,  «Tanger, ville métropole» pour plus de 7,6 milliards de DH, «Casablanca, projet de région»  pour  33 milliards de DH, sont des projets qui nécessitent une capacité financière qui dépasse de loin les budgets de ces métropoles. Si, aujourd’hui, l’Etat intervient dans la réalisation de ces projets urbains via les départements ministériels et les établissements publics à caractère commercial et industriel, le Fonds Hassan II de développement économique et social, et le Fonds de solidarité de l’habitat et de l’intégration urbaine, il est temps que les collectivités territoriales se prennent en charge pour mener à bon port leurs projets urbains en emboitant le pas à l’expérience de la ville de Casablanca.  
D’autant plus que, si en amont, les villes sont appelées à injecter des investissements pour la réalisation de ces projets urbains, elles sont, en aval, sollicitées pour la gestion et l’entretien de ces équipements et infrastructures pour leur assurer la durabilité financière, économique et sociale. Situation, qui avec le temps, devient insoutenable pour le budget de la ville. D’où l’alternative du recours à l’emprunt, à condition de mettre en place un modèle économique capable de réaliser, entretenir et créer de la valeur économique, qui sera réinvestie dans les projets portés par la ville.
D’ailleurs, les expériences sont nombreuses de ces équipements à rayonnement national (complexes sportifs, théâtres et centres culturels, tram,....) qui peinent à se concrétiser, au point de se jeter la responsabilité entre la collectivité territoriale (gestionnaire de l’équipement) et le département ministériel (propriétaire de ce même équipement). 
Le recours à l’emprunt par nos villes doit-il être porteur d’une nouvelle vision résolument axée sur la solidarité entre les territoires de la même ville, l’amélioration des conditions de vie de la population en termes de logement, de mobilité urbaine, d’injection des équipements socio-éducatifs... ?
Par ailleurs, l’argent de l’emprunt doit-il aussi être injecté dans des secteurs à haute valeur économique, notamment la création et la restructuration des zones industrielles, de services, de logistique,  pour relancer la dynamique des villes, source de création de la richesse et de l’emploi ?
L’emprunt à l’international, un défi à relever pour ne pas faire payer la facture aux générations futures, et accentuer la dette intergénérationnelle.
Si la tendance des villes, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale, est vers l’emprunt pour la réalisation de projets urbains dépassant leurs budgets, le choix de cette voie appelle à la prudence, dont notamment la capacité de ces villes à dégager des excédents qui leur permettront de faire face dettes. 
Pour cela, seules les collectivités territoriales pouvant dégager une épargne suffisante grâce à une amélioration de leurs recettes et une maîtrise de leurs dépenses peuvent recourir à l’emprunt et honorer le remboursement de leurs dettes.
S’inscrire dans une dynamique d’emprunt à l’international doit-il être synonyme d’une gouvernance urbaine axée sur l’efficience et l’efficacité pour éviter que la dette intergénérationnelle ne prenne des proportions insurmontables ? Se greffe à cet impératif, le renforcement des principes du contrôle, de la responsabilité et de la reddition des comptes.
L’emprunt à l’international, une brèche dans l’édifice de la régionalisation avancée ?  
Longtemps soumises à la pesanteur d’une tutelle omniprésente à tous les niveaux de la gestion locale, les collectivités territoriales s’offrent une opportunité de taille pour se projeter dans le financement à l’international de leurs projets.
Le développement de nos villes métropolitaines et leur repositionnement au plan international sont tributaires de nouveaux rapports financiers entre l’Etat et les collectivités locales pour une territorialisation durable des politiques publiques. Et par conséquent, il est temps de baliser le sentier des finances de l’Etat et celles des collectivités locales, car, l’ancrage de la régionalisation avancée et son corollaire de politiques publiques ne peuvent s’appuyer sur des recettes fiscales en deçà des attentes et besoins de la population.

 


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