Elisabeth Guigou, présidente de la Commission des A.E à l'Assemblée nationale française : Nous devons relever ensemble le défi du chômage des jeunes


Propos recueillis par Alain Bouithy
Mardi 9 Mai 2017

Elisabeth Guigou a participé récemment au séminaire à mi-parcours sur le jumelage institutionnel Maroc-UE présidé par Habib El Malki, à la Chambre des représentants du Royaume du Maroc. Dans cet entretien, la présidente de la Commission des affaires étrangères à l'Assemblée nationale française revient sur les avancées de ce projet intitulé «Appui à la Chambre des représentants du Royaume du Maroc» et d’autres questions intéressant le Maroc et la France.

Libé : Vous avez participé au séminaire à mi-parcours sur le jumelage institutionnel Maroc-UE. Qu’est-ce qui en ressort, selon vous ?
Elisabeth Guigou: Il en ressort que le projet de jumelage est maintenant une réalité puisque cela fait un an qu’il a été lancé par Rachid Talbi Alami et Claude Bartolone. Habib El Malki a pris le relais et l’a soutenu totalement et de toute son autorité de nouveau président de la Chambre des représentants. C’est donc une réalité puisque, très rapidement, en moins d’un an, une vraie coopération et de vraies réalisations ont été accomplies.
La publication des livrets qui guident les parlementaires, dans le respect mutuel naturellement parce que le Maroc a à la fois sa Constitution, ses lois, ses pratiques parlementaires, mais dans l’esprit de pouvoir établir un dialogue qui puisse enrichir de part et d’autre nos pratiques.
Comme l’ont relevé les deux secrétaires généraux de nos deux Assemblées qui ont mené ce projet, cette collaboration a été vraiment mutuellement bénéfique. Mais au-delà de ces échanges sur la technique parlementaire, les lois de Finances, les procédures législatives et le contrôle du gouvernement, il s’agit d’approfondir l’amitié franco-marocaine et de faire en sorte que l’Union européenne s’intéresse davantage non seulement au Maroc mais également à l’Afrique en général.
Mon engagement constant est que l’UE ne regarde pas seulement vers l’Est, mais que les relations avec notre Sud sont absolument fondamentales. Avec l’Afrique du Nord bien sûr, mais aussi avec l’Afrique subsaharienne, parce que nous avons exactement les mêmes défis à relever; nous avons des intérêts communs et surtout une culture et des liens humains qui sont très profonds et qu’il faut enrichir davantage.
En ce qui me concerne, c’est un bonheur de voir que nous sommes parvenus à traduire le renforcement de ces relations entre les gouvernements, mais maintenant nous allons en profondeur dans les sociétés à travers les Parlements.

Les parlementaires sont très satisfaits du bilan à mi-parcours du jumelage. Etes-vous surprise de ce résultat, un an après son lancement?
Non, je ne suis pas surprise. Parce que je connais la qualité à la fois des parlementaires marocains et du Parlement, puisque ce sont des fonctionnaires aussi qui y travaillent. Je connais les nôtres évidemment, et puis il y avait la volonté politique qui a manifestement contribué à ce succès. Quand les deux sont réunis, c’est irremplaçable.

Les relations maroco-françaises sont au beau fixe. Quels rôles les Parlements pourraient jouer pour éviter la brouille d’il y a trois ans, par exemple?
De toutes les façons, l’intensité des relations via la diplomatie parlementaire est plus forte que tout. Durant cette période de brouille qui remonte maintenant à trois ans et dont la réconciliation a été scellée de façon absolument magnifique lorsque Sa Majesté a invité le Président François Hollande, j’ai eu le bonheur de faire partie de cette délégation. Et je puis vous assurer que c’était vraiment émouvant. Maintenant, c’est du passé. Il est vrai que les relations parlementaires ont joué un rôle essentiel auquel j’ai modestement contribué parce que je suis Marocaine aussi. J’ai fait ce que j’ai pu avec d’autres pour qu’on puisse surmonter cette brouille.

Le Maroc a un nouveau gouvernement. Vous qui êtes très au fait des problèmes de la société, quel regard le nouvel Exécutif devrait porter sur les questions sociétales ?
Ce qui s’est passé montre la solidité des Institutions marocaines. La nouvelle Constitution date de 2011, c’est jeune pour cette Constitution, mais cela montre que les Institutions marocaines fonctionnent admirablement bien et cela est magnifique, parce que c’est la base de tout. Et après, ce sont les forces politiques qui, au gré des élections d’ailleurs, permettent l’alternance dans le respect. Et dans ce cas de figure, c’est un gouvernement de coalition qui a été constitué. Je ne peux que formuler des souhaits. Je suis très heureuse, cette année, qu’il n’y ait pas eu la sécheresse de l’année dernière. On sait très bien que le Maroc est dans une bonne situation économique. Ce que je souhaite, c’est que nous arrivions ensemble, parce que nous avons ce défi commun du chômage des jeunes et nous devons créer des débauchés à tous ces jeunes diplômés aussi et pas seulement. Je pense que c’est un défi que nous devrons relever ensemble, de même que celui du climat ou de la sécurité, puisque nous souffrons des mêmes tragédies.
Nous travaillons ensemble avec des responsables marocains  depuis très longtemps sur ces questions et je pense que le gouvernement poursuivra ces actions. J’espère que les élections en France permettront justement de continuer à progresser dans cette voie.

Le monde a été marqué ces dix dernières années par de nombreux problèmes, notamment  les conflits, le chômage, l’immigration et le changement de climat… Que pense la socialiste que vous êtes de tous ces bouleversements ?
Je crois que le principal défi est immense, à savoir l’ampleur des inégalités. Quand vous pensez que quelque dizaines de personnes sont plus riches que plusieurs milliards d’êtres humains, forcément il y a des déséquilibres fondamentaux qui doivent être corrigés. Je ne suis pas pour l’égalitarisme,  c’est bien normal que ceux qui sont plus entreprenants réussissent, mais là, trop c’est trop. La cupidité de certains et le dérèglement tout simplement de cette financiarisation de l’économie qui nous a amenés d’ailleurs à une grave crise économique en 2008, il ne faut pas que cela se répète. Je pense qu’il n’y a que dans la coopération internationale que l’on arrivera à régler cette mondialisation qui, par ailleurs, apporte beaucoup de choses. Parce qu’elle permet la circulation de l’information, des personnes et des biens, mais nous constatons aussi toutes ces dérives qui creusent le fossé des inégalités, ce qui constitue, pour moi, le problème fondamental.


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