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Driss Lachguar : Le chef du gouvernement n’a pas manifesté la moindre sympathie à l’égard des millions de citoyens déshérités, victimes de la politique gouvernementale


Jeudi 24 Juillet 2014

Driss Lachguar : Le chef du gouvernement n’a pas manifesté la moindre sympathie à l’égard des millions de citoyens  déshérités, victimes de la politique gouvernementale
Voici la traduction du texte intégral de l’intervention du Premier secrétaire de l’USFP :

Nous nous réunissons aujourd’hui pour débattre de la déclaration gouvernementale. Au sein du Groupe socialiste, nous avons eu du mal à ce propos étant donné que nous n’avons pas affaire à un bilan relatant le rendement du gouvernement ou une déclaration en bonne et due forme basée sur des réalisations précises, des critères fondés et des données chiffrées. Au lieu de tout cela, nous avons eu à suivre un discours pompeux pataugeant dans les généralités.
Une fois encore, nous avons été déçus en voyant le chef du gouvernement se comporter de la sorte. Nous avons été déçus en le voyant vider un article constitutionnel de sa substance. Nous avons été déçus parce qu’il n’a fait que ressasser, une fois de plus, le refrain du contexte et du don de la stabilité. Nous avons été déçus car une fois encore, il s’est adressé à nous puisant dans le lexique de la tyrannie et du chantage politique. Nous avons été déçus vu que tout au long de son discours, il n’a pas manifesté la moindre sympathie à l’égard des millions de citoyens déshérités, victimes de la politique gouvernementale qui a porté atteinte à leur pouvoir d’achat et à leur dignité.
Nous déplorons que tout cela nous ait fait rater l’opérationnalisation de l’article 101 de la Constitution et la participation à un exercice démocratique authentique avec un gouvernement qui présente le bilan de son rendement aux représentants de la Nation et une opposition accomplissant son rôle de contrôle et de questionnement.
L’embrouillement a été tel pour le chef du gouvernement lors de la présentation de ce qu’il a pris pour des réalisations à l’actif de son gouvernement qu’il a confondu entre son bilan et celui des gouvernements précédents, entre les attentes et les réalisations, entre l’entame de la préparation des projets, leur exécution et la fin de leur réalisation, entre l’Etat et le gouvernement, et entre son gouvernement dans sa première copie et celui de sa seconde mouture.
Le chef du gouvernement n’a effectivement pas été en mesure de faire la part des choses entre ce qui a été réalisé pendant la période où l’Istiqlal faisait partie de la coalition gouvernementale et ce qui l’a été après que celui-ci s’est retiré, amenant ainsi le RNI à rejoindre la coalition.
Dans  sa  présentation du bilan d’étape de l’action gouvernementale, le chef du gouvernement n’a pas été assez objectif pour reconnaître devant nous que 2013 a été une année blanche au niveau du bilan du gouvernement. Trop narcissique, il a refusé de reconnaître l’impact du retrait d’un parti national du gouvernement et la crise gouvernementale et politique qui s’en est suivie et qui a duré plusieurs mois au point de geler l’action gouvernementale.
Il y a pire, puisque le chef du gouvernement n’a pas mentionné tout au long de son exposé ce fait important qui a secoué son gouvernement et coupé le souffle aux composantes de sa majorité. Il a agi comme si cela ne concernait pas le retrait de la coalition gouvernementale d’un parti national de poids et l’arrivée d’un autre parti dont les dirigeants que pas plus tard qu’hier, il avait qualifiés lui-même de compagnons du mal.
Après avoir soulevé ces importantes remarques, il faut bien relever qu’une bonne partie de ce qui a été appelé bilan est en fait une lecture particulière de ce qui a été considéré comme étant le contexte politico-économico-social qui a pévalu à l’avènement du gouvernement…
Le Maroc, selon le chef de ce gouvernement,  aurait été au bord du gouffre, comme si le pays ne disposait ni d’Etat ni d’institutions.
C’est faux. Nous savons tous  que notre pays a vécu en permanence dans la quiétude et n’a connu ni révolution, ni rébellion, ni chaos. Ses institutions ont toujours gardé toute leur force parce qu’elles étaient rompues à la gestion des protestations et autres formes de contestations ou de militantisme telles les grèves et les manifestations.
Ce n’est sûrement pas ce gouvernement qui serait venu sauver le pays de quelque chaos que ce soit, tel que se le représente le chef du gouvernement.  De tels propos ne sont pas plus qu’une dissertation insignifiante visant tout au plus à justifier un piètre bilan.
Persévérant sur la même voie, le chef du gouvernement  compte parmi des plus grandes réalisations de son gouvernement « la contribution à sortir le pays d’une conjoncture politique délicate vers une nouvelle étape faite de renouvellement et de la consolidation de la confiance à l’égard des institutions ». C’est, pour le moins, archi-faux. Preuve en est toutes ces contradictions contenues dans son bilan. Il avance que  son gouvernement a  réussi à surmonter ce qu’il a qualifié de crise du printemps démocratique et d’avoir instauré une nouvelle culture politique …entre autres exercices de phraséologie.
 La vérité est que ce gouvernement est le plus chanceux dans l’histoire du Maroc, puisqu’il a trouvé le terrain balisé d’acquis constitutionnels pour lesquels le parti du chef du gouvernement n’a pas milité, mais il les a trouvés fin prêts.
Les élections anticipées ont eu lieu après le discours Royal du 9 mars et après l’adhésion des partis politiques, des centrales syndicales, des associations actives et des citoyens dans le chantier de la réforme constitutionnelle et ce dans un climat mature et serein, et non comme le perçoit le chef du gouvernement. Le gouvernement s’était constitué alors que notre pays compte parmi ceux qui jouissent le plus de sécurité et de stabilité, et nous n’avons pas besoin d’expliquer davantage cette situation.
Dans le même ordre, le chef du gouvernement se perd à vouloir justifier la médiocrité de son bilan, la situation dans les provinces du Sud, les évènements de Gdim Izik, considérant que tout cela avait joué un rôle qui avait impacté le rendement du gouvernement. Selon cette logique quel rapport y aurait-il entre ces évènements survenus en 2010 et un Exécutif qui s’était formé en 2012?
Ce type de redondance, nous le trouvons de façon notoire  dans l’évocation du chef du gouvernement d’un sujet  qu’il n’a aucun lien avec le bilan. Il affirme : “Il est nécessaire aussi de s’arrêter sur le tournant que connaît la question palestinienne en général et Al Qods Charif en particulier. La Palestine est la cible de menaces successives à cause des politiques de judaïsation, de colonisation permanente et d’attaques itératives à travers le renforcement du blocus injuste et l’agression en continu sur le peuple palestinien en Cisjordanie et à Gaza”.
Cela a-t-il influencé la politique du gouvernement? Et à quel niveau? Sachant que la position du Maroc est on ne peut plus claire et l’ensemble des gouvernements marocains ont vécu les développements de la question palestinienne. Toutefois, le chef du gouvernement ne nous dit pas les raisons d’avoir évoqué ce sujet dans son bilan en passant à un autre sujet, ce qui donne l’impression qu’il voulait seulement prolonger son intervention.
Ce qui suscite également le profond étonnement est de parler d’initiatives et d’activités Royales dans ce bilan, comme le rôle joué par S.M le Roi  dans le dossier de l’intégrité territoriale ou sa visite aux Etats-Unis d’Amérique. Ce que nous considérons comme une autre tentative de vouloir gonfler le maigre bilan, puisque ces initiatives Royales  disposent de leur cadre constitutionnel spécial et ne peuvent donc être intégrées dans ce bilan.
Nous nous demandons avec stupéfaction comment le chef de la majorité insère les efforts  réussis de la diplomatie Royale dans son bilan gouvernemental.
Nous trouvons ces généralités en continu dans ce qu’est appelé bilan, comme si on voulait parler du renforcement du rôle du Parlement. Ce qui est erroné, car le gouvernement a tout fait pour réduire de l’action de l’institution législative contrairement au rôle que lui avait attribué la Constitution.  Nous pouvons énumérer à ce propos plusieurs exemples à l’instar  de la marginalisation du rôle de l’opposition, la restriction  sur toutes les initiatives législatives, surtout le dossier des lois organiques. Et je citerai un exemple éloquent concernant cette restriction où l’on a usé le dévoiement et la confusion.
Selon les travaux du 10ème Congrès des Instances des affaires de l’Etat publiés sur le site électronique du Centre arabe des recherches  juridiques et judiciaires , relevant du Conseil des ministres arabes de la Justice, tenu du 23 au 25 juin dernier, il paraît que les représentants  du gouvernement marocain avaient annoncé l’existence d’une loi relative à la création d’une Instance des affaires de l’Etat indépendante de l’autorité judiciaire.
Mais en comparant ces déclarations avec la réalité et le plan législatif actuel du gouvernement, il paraît que ces annonces sont dénuées de tout fondement, que ce soit au niveau de la réalité ou celui de l’action gouvernementale.
Au niveau de la réalité, il n’existe aucun projet de loi soumis par le gouvernement qui stipule la création de l’Instance des affaires de l’Etat. Ce qui existe aujourd’hui est une proposition de loi présentée par le Groupe socialiste, opposant du gouvernement, relative à la création de l’Instance des affaires de l’Etat, datée du 18 septembre 2012. Une proposition qui n’a pas bougé d’un iota depuis lors du fait que le gouvernement avait refusé d’en débattre en dépit de sa teneur fondée sur la lutte efficace contre la prévarication et l’instauration d’une gouvernance idoine, étant deux axes fondamentaux dans le programme gouvernemental grâce auquel l’Exécutif a bénéficié de la confiance du Parlement. Malgré cela, le gouvernement a refusé de débattre de cette proposition de loi pour la simple raison qu’elle a été présentée par un Groupe parlementaire de l’opposition. Cela voudrait dire que le gouvernement adopte deux attitudes: la première interne allant dans le sens de combattre toute volonté de réforme émanant de l’opposition et la seconde externe tendant à s’approprier les initiatives de l’opposition à ce sujet.
Au niveau du plan législatif, il apparaît qu’aucun projet de loi ne stipule la création  de l’Instance des affaires de l’Etat. Il s’agit simplement d’un projet de loi modifiant le Dahir du 2 mars 1953 relatif à l’Agence judiciaire du Royaume. L’on est en droit de s’interroger sur la crédibilité de la pratique gouvernementale en comparaison avec ses discours.
De même, les citoyens se rappellent le comportement indécent de certains ministres à l’égard des parlementaires. Une indécence qui avait atteint l’usage de termes qui n’honorent aucunement lesdits ministres. Tout le monde se rappelle également la nervosité et l’agressivité du chef du gouvernement à l’encontre d’un groupe parlementaire qui n’avait rempli que son rôle constitutionnel  quant au contrôle et à la critique de l’action gouvernementale.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs,
Quels sont les autres axes qui nous sont présentés par le chef du gouvernement dans le bilan en guise de réalisations?
La réforme du système judiciaire. Dans ce cas de figure, nous n’avons pas besoin de fournir de grands efforts pour trancher sans ambages que ce chantier primordial dans l’agenda des réformes a été vidé de sa substance. Pour preuve, la forte opposition menée par les avocats, les juges, les greffiers, les notaires, les adouls entre autres. Cela n’était qu’un dialogue formel. Il aurait pu déboucher sur des résultats allant dans le sens de réaliser l’indépendance de la justice, de renforcer le métier d’avocat et de réunir les garanties du procès équitable.
Il en a été de même pour le dialogue national sur «la société civile et ses nouveaux rôles constitutionnels» auquel s’étaient opposées  les importantes associations et organisations, considérant son approche comme étant antidémocratique.
Le secteur de la presse et des médias qui a été marqué  par des  tentatives de faire passer  des conceptions idéologiques,  a eu pour conséquence de geler celui de l’audiovisuel, puisque les cahiers des charges proposés par le ministère de la Communication constitue une sorte de programme d’un mouvement  prosélytique. Le ministère a persisté dans le même sens, et ce malgré l’échec du projet des cahiers des charges.
Après deux années et demie d’existence de ce gouvernement,  rien n’a été réalisé dans ce secteur qui n’a de cesse d’enregistrer des régressions au niveau des budgets relatifs aux médias audiovisuels.
Au 31 décembre 2013,  et au titre des années 2012 et 2013,   les arriérés de la subvention allouée par le Fonds de soutien à la production audiovisuelle à la SNRT  ont atteint  290 millions de DH alors que pour le compte de 2014,  120 millions de DH n’ont pas encore été déboursés. Au cours de 2012 et 2013, le ministère de la Communication a reçu quelque 345 millions de DH, mais n’a reversé à la SNRT que 110 millions. Qu’en est-il du reste?
Bien que le chef du gouvernement se soit engagé à ne pas diminuer le budget de la SNRT après sa décision de décompter 15 milliards de DH du budget d’investissement, ladite société s’est étonnée de voir son budget amputé de 200 millions de DH.
Les pratiques de mainmise du chef du gouvernement ont atteint un degré tel qu’il  commence à considérer les chaînes publiques comme sa propriété. Il organise pour lui-même des programmes spéciaux dans les chaînes publiques, choisit les journalistes pour ses entretiens, sans respect aucun des lois régissant  ce domaine.  Les données fournies par la HACA indiquent clairement la mainmise du gouvernement sur les horaires de diffusion hors des critères convenus. 
Qu’en est-il des droits de l’Homme ?
A titre de comparaison, il suffit d’évoquer la manière dont le gouvernement agit pour mettre fin aux protestations et les propos du chef de l’Exécutif  signifiant que le temps des manifestations et des perturbateurs est révolu. La même arrogance que celle affichée par la super ministère à l’époque des années de plomb après chaque répression de tout mouvement de protestation. Nous nous rappelons, tous, les martyrs de 1981 et les déclarations gouvernementales après chaque étape de lutte: 20 juin ,14 décembre, les événements d’Oulad Khlifa, entre autres.
Nous nous rappelons la manière dont le gouvernement d’alternance  s’est comporté avec  les mouvements de protestations  et l’ampleur des manifestations au Maroc après 1998 et comment nous présentions tout cela à l’opinion internationale.
Comme nous l’avons souligné auparavant, ce qu’a présenté le chef du gouvernement reste des illusions qui n’ont rien  à voir avec la réalité marquée  par l’intensité du phénomène de la répression des manifestants, l’anéantissement du droit à la grève, les agressions commises par les forces de l’ordre à l’encontre des citoyens et la poursuite des violations perpétrées dans les locaux de la police et des prisons, entre autres comportements qui ont  fait l’objet de critiques à l’intérieur du pays et à l’étranger.
Dans le même sens, nous enregistrons la non mise en œuvre de la Constitution (loi sur les partis et loi sur les  syndicats),  la prise de décisions  contre les intérêts de la classe ouvrière dont la dernière en date est celle soulignée dans la note d’orientation du chef du gouvernement dans le cadre du projet de loi de Finances 2014 ne prévoyant  pas d’augmentations des salaires et de promotions et le fait d’imposer de manière unilatérale une réforme de la Caisse marocaine de retraite (CMR) et le gel du dialogue social.
A propos de ce qu’a qualifié le chef du gouvernement de politique publique intégrée relative aux questions de la femme, nous en convenons qu’il lui a accordé de l’intérêt. Pour preuve, sa récente déclaration considérant  les femmes comme des lustres de maison. Ce propos reflète la véritable vision du gouvernement  dont tout le monde connaît le référentiel de pensée relative à la question de la femme. Ceci  est clair dans la politique du gouvernement à plusieurs niveaux. Sans la vigilance des forces modernistes de la société, la situation aurait pris une tendance régressive.
Après ces observations sur le bilan du gouvernement, il est indispensable d’évoquer le slogan qu’il a brandi et dont le chef du gouvernement a fait sa croisade, à savoir lutter contre la corruption. Comment a-t-on lutté contre la prévarication? Le bilan annonce: «Le gouvernent s’est penché sur l’élaboration d’une stratégie nationale pour la protection et la lutte contre la corruption en concertation avec les différentes parties concernées par ce phénomène et profitant des recommandations de la Cour des comptes».  A part ces deux points, rien à signaler. Mais par contre, celui qui suit le discours du parti à la tête du gouvernement croit qu’il lutte effectivement contre la prévarication, la fraude et le clientélisme, alors que tout ce qu’il entreprend ne dépasse guère le niveau du discours.
La lutte contre la corruption  se concrétise par  la promulgation de lois et la prise de vraies décisions, chose qui n’a pas été faite, alors que la Constitution et les larges prérogatives dont dispose le gouvernement et la majorité au Parlement permettent d’avancer de manière effective dans la consolidation des fondements légaux et administratifs pour contrecarrer la prévarication.
Le dossier qui met à nu la contradiction entre le slogan et la réalité est celui de la loi organique relative à la nomination aux hautes fonctions que le gouvernement  a adoptée, pour entreprendre tout le contraire du slogan brandi sur l’égalité des chances et de mérite. Nous ne serons pas les premiers à critiquer ce qui se passe. Nous étions précédés par des fonctionnaires qui ont souffert de cette politique qui a donné lieu à la nomination à ces hautes  fonctions  de membres, partisans et de proches du gouvernement au détriment du mérite et de l’égalité des chances.
Ce qui s’est passé avec la dernière loi de nominations montre clairement le caractère absurade de cette politique.
Pour ce qui est de  l’échec du gouvernement, le plus en vue reste son  incohérence, sa composition débridée, et le chef du gouvernement connaît très bien cela et agit en connaissance de cause. C’est pour cela qu’il a essayé de nous présenter le bilan d’une partie de son gouvernement ou une partie de l’action des ministres sous son contrôle. Pour les autres ministres, il les a mentionnés en termes vagues et dont l’action ne saurait figurer au bilan.
L’évaluation des politiques publiques ne peut être faite qu’à partir des contenus du programme gouvernemental ou à partir des engagements contenus dans les programmes électoraux des partis composant la majorité. Et si on laisse de côté toutes les promesses, les prétentions et les chimères dont regorgent ces programmes électoraux, on retrouvera dans le programme gouvernemental moult énigmes et mystères.
La majorité gouvernementale a prétendu qu’elle va, après la nomination Royale de ses membres, « présenter un programme gouvernemental contractuel reposant sur trois piliers, à savoir  l’action intégrée, l’approche participative et le lien entre la responsabilité et la reddition des comptes », nous constatons  que la pratique de la coalition gouvernementale fragile est loin d’être contractuelle, participative ou basée sur la responsabilité et la reddition des comptes.
 Car le chef du gouvernement, durant son mi-mandat, a présenté au peuple marocain le pire modèle d’éthique politique, quand il a maintenu dans la seconde version de son gouvernement un ministre expulsé de son parti au nom duquel il exerçait cette qualité. Le chef du gouvernement était tenu de nous expliquer, dans la présentation de son bilan, la raison qui dépasse notre entendement pour laquelle il a maintenu un ministre sans appartenance politique dans son gouvernement.
Il s’avère clairement que la majorité gouvernementale actuelle a vite montré la fragilité de son alliance et la faiblesse du pacte qui la fonde. Le dernier exemple qui l’atteste : ce qui est survenu il y a deux mois quand le secrétaire général du PPS et ministre dans le gouvernement s’est opposé aux déclarations du ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement qui a dénoncé les images répréhensibles véhiculées par les programmes et feuilletons diffusés par les médias audiovisuels publics et qui portent atteinte, selon sa vision, aux valeurs éthiques.
Le programme gouvernemental nous promet « d’augmenter l’efficacité de l’action gouvernementale de nature stratégique et atteindre la clarté et l’harmonie dans la responsabilité ». Mais de quelle harmonie parle-t-on quand on voit les chefs des partis de la majorité se plaindre de l’exclusion et la marginalisation de leurs partis dans la prise des grandes décisions du pays ?
De quelle efficacité parle-t-on quand on voit le secrétaire général du MP se plaindre de la méthodologie du chef du gouvernement et de ses décisions unilatérales à tel point qu’il a menacé de se retirer du gouvernement ?
L’absurdité et le désaccord au sein de la majorité ont pris de l’ampleur dans un dossier aussi stratégique que la politique d’éducation dans notre pays et qui est devenu un dossier de surenchères. Ainsi, on a vu que le parti majoritaire a tiré à boulets rouges sur la politique menée par le ministre de l’Education nationale dans le domaine de l’enseignement des langues étrangères et l’instauration d’un bac international. Un autre parti de la même majorité lui a riposté via un communiqué de son bureau politique en lui demandant de « cesser d’idéologiser la question éducative ou d’en faire un sujet de polémique».
Et au moment où votre parti accuse votre ministre de l’Education nationale « d’allégeance au parti de la France et de commettre un crime à l’encontre de ce pays », le bureau politique du Mouvement populaire annonce dans un communiqué que «qu’il salue et apprécie la décision du ministère de l’Education nationale d’adopter cette expérience pionnière qu’est le bac international, de même il s’est étonné de la tentative de certains de donner à cette décision pédagogique judicieuse une dimension idéologique et une charge dont elle s’éloigne complètement».
Quel bilan peut-on attendre de cette majorité gouvernementale unie par des portefeuilles ministériels et désunies par les convictions politiques ? 
L’évaluation de la prestation périodique du gouvernement au niveau économique ne peut être débattue à partir du bilan présenté par le gouvernement, mais il faut revenir d’une part à tous les engagements que le gouvernement avait pris dans le cadre de son programme présenté en janvier 2012 et sur la base duquel il a obtenu le vote de confiance du Parlement. Et d’autre part, à travers une interprétation de la situation économique du pays comme le reflètent plusieurs indices signifiants et essentiels.
Au niveau du programme gouvernemental, il faut rappeler les engagements essentiels suivants :
° Edification d’une économie nationale forte, à multiples affluents au niveau sectoriel et régional, compétitive, productrice  de richesse et de travail décent et une politique économique garante de la répartition équitable du fruit de développement, la réalisation d’un taux de croissance avoisinant 5,5% sur la période allant de 2012 à 2016, et d’un taux de croissance du PIB non agricole avoisinant 6%, la réduction à 8% du taux de chômage, l’augmentation de l’épargne, de l’investissement, la lutte contre le chômage et la promotion du travail notamment dans les rangs des diplômés et des jeunes, la mise en place d’une vision économique nationale intégrée qui redéfinit les priorités, améliore la compétitivité de l’économie nationale, traite d’une manière globale les dysfonctionnements structurels exogènes y compris la situation de la balance commerciale, du compte courant de la balance des paiements, la réduction des disparités territoriales et mettre fin au déficit au niveau des infrastructures.
Qu’en est-il de tout cela?
Quant à l’indice du chômage que toutes les démocraties adoptent pour juger le succès ou l’échec de toute politique économique, une première lecture de cet indice montre que le taux du chômage a grimpé de 8,9% au début de 2012 à 10,2% à la fin du premier trimestre de 2014, soit une augmentation de 1,3 point, ce qui signifie que 163.000 personnes ont nouvellement intégré les rangs des chômeurs au lieu de prendre part au développement du pays, et ce depuis l’investiture du gouvernement actuel. Ce chiffre est un nouveau record pour l’économie nationale qu’aucun gouvernement n’a réalisé.
Quant au taux de chômage des jeunes, il a enregistré un nouveau record avoisinant 20,3%, alors que celui des diplômés  chômeurs a atteint 17,5%.
Les principaux secteurs productifs, au lieu de produire de la richesse, sont devenus source de perte des postes de travail comme les secteurs du BTP et de l’industrie. 71.000 postes de travail ont disparu dans le secteur du BTP seulement au cours des deux dernières années et 20.000 dans le secteur de l’industrie durant la même période, ce qui indique la faiblesse des projets sectoriels sur lesquels parie l’économie nationale.
° La dernière période a enregistré un fort glissement de la dette publique par son aggravation qui a avoisiné 65% du PIB à la fin du deuxième trimestre de 2014, soit une augmentation de 20% depuis l’arrivée du gouvernement.
° La consommation des ménages durant la même période a connu une régression à cause de la diminution du pouvoir d’achat suite aux augmentations répétitives au niveau des produits de première nécessité et des prix du carburant.
° Quant aux taux d’investissement national et d’épargne, ils ont enregistré respectivement un recul de 2% et de 5% ces deux dernières années. La même période a enregistré le recul du rôle économique du secteur du BTP. Ainsi la consommation du ciment a chuté de 8% en 2012 et 2013, recul jamais atteint depuis 26 ans, ce qui confirme la crise profonde que connaît ce secteur notamment la construction de logements à cause de la pression fiscale qui frappe ce secteur à travers les nouveaux impôts imposés par le gouvernement.
-Les deux dernières années ont été, également, marquées par une baisse de 14% des avoirs extérieurs en devises, une régression du volume de l’encours des crédits à l’économie que ce soit pour les entreprises ou les particuliers à hauteur de 46% par rapport à la période précédente.
Elles ont également enregistré un fléchissement de 38% des dépôts bancaires par rapport à la même période et une baisse de 18% de l’indice de la Bourse des valeurs de Casablanca.
 - En ce qui concerne le tissu entrepreneurial, les statistiques  disponibles montrent qu’il y a eu une montée du nombre des entreprises défaillantes estimées à 12000 au premier semestre de l’exercice en cours. Les  données disponibles montrent également que le tissu entrepreneurial national est exposé  à de nombreux risques dus à la régression de la demande intérieure  et extérieure.
Situation que nous avons constatée à travers les difficultés financières que rencontrent ces entreprises au niveau de leurs trésoreries ainsi que le recul de leur capacité à honorer leurs créances. Cela est en mesure d’augmenter les fermetures d’entreprises et les licenciements du personnel.
Sur le volet de l’amélioration du climat des affaires, il y a lieu de constater  la lourdeur et la complexité des procédures d’autorisation  qui font perdre à  notre économie de fortes potentialités d’investissement.
- La même période a connu l’aggravation des disparités régionales. Les récentes statistiques ont d’ailleurs mis en lumière le fait qu’un nombre restreint de régions participent  au développement économique  au moment où le rôle des autres régions se réduit de plus en plus.
D’après ces indices et  conclusions on peut confirmer que la situation économique reste précaire, peu résiliente, et ouverte sur toutes les éventualités et les dérives. Ce que prétend le gouvernement dans son bilan concernant le renforcement et le réajustement des bases de l’économie et la sortie de cette dernière de la phase critique n’est qu’une illusion et des extrapolations inexactes et non fondées sur une analyse objective de la situation réelle de l’économie nationale.
- S’agissant de la réforme de la Caisse de compensation, elle n’a pas été faite dans le cadre d’une stratégie claire mais plutôt dans le cadre de mesures  fragmentées et en dents de scie.  De ce fait,  ce dossier est lié aux fluctuations  des cours mondiaux des produits alimentaires et énergétiques, ce qui a été confirmé par le rapport de la Cour des comptes.
- Au niveau fiscal, le gouvernement a, à l’occasion de chaque loi de Finances, noyé l’économie dans de nouvelles mesures fiscales à même de créer un autre fardeau fiscal pour l’économie et porter atteinte au pouvoir d’achat des citoyens. Dans ce cadre, plus de 32 nouvelles mesures fiscales ont été recensées et qui n’ont fait qu’augmenter la pression fiscale sur les entreprises et  les ménages au moment où il fallait adopter une réforme fiscale rationnelle qui contribuerait à améliorer la compétitivité  de l’économie et drainer d’avantage d’investissements.
 De par cette lecture, il s’avère que le gouvernement est incapable de tenir les engagements contenus dans la déclaration gouvernementale et particulièrement, en ce qui concerne l’amélioration du niveau de croissance économique et la remédiation aux dysfonctionnements structurels.
Il s’avère, également, que les plans et stratégies sectoriels restent en deçà du niveau escompté.
Le gouvernement est incapable, après  deux ans de gestion, de parvenir à une recette adéquate  dans le domaine de  l’emploi et de l’amélioration de la compétitivité et de la mise en place d’une véritable stratégie pour permettre le développement de l’investissement intérieur et extérieur.
Tout en critiquant ce faible bilan, permettez que nous rappelions certaines réalisations et les résultats qui ont suivi de manière à permettre aux Marocains de procéder à une comparaison et pour que l’opinion publique soit juste dans son jugement ; tout en ayant une vision claire à propos de ce qui s’est passé hier et de ce qui se passe aujourd’hui.
Prenons, pour exemple, la dette extérieure qui, après avoir été de l’ordre de 24 milliards de dollars, a été ramenée à 9 milliards de dollars en 2006.
De l’aveu même de feu Hassan II, le Maroc frôlait la crise cardiaque à cause des recommandations et des conditions du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, et les conséquences dramatiques dont a pâti le Maroc durant les années 80 et le début des années 90. Tant de drames et de victimes et tant d’opportunités de développement manquées.
 Aujourd’hui, ce gouvernement est en train  de reproduire le même scénario, et ce en appliquant, sans conditions, les directives  des institutions  financières internationales. En fait, tout ce qui compte pour les partis au  gouvernement est de se maintenir au pouvoir, sans se soucier nullement  de l’économie plombée par les dettes, qu'elle va léguer aux  générations futures.
Grâce au gouvernement d’alternance, et malgré les années de sécheresse, le taux de croissance a atteint 5%, entre 1999 et 2007.  Avant 1998, les investissements étrangers ne dépassaient pas 5,5 milliards de dirhams, et ont pu atteindre les 30 milliards de dirhams, sans parler des recettes  de privatisation.  Le taux de pauvreté qui était de 16,2% a connu une forte baisse, le ramenant  à 9%. Quant au taux d’inflation, il est resté entre 1 et 2%.
Mieux que cela, l’Etat a remboursé l’ensemble de la dette intérieure, qu’il ne reconnaissait même pas auparavant. Il a également remboursé 5,5 milliards de dirhams, sous forme de crédits contractuels. L’Etat a, par ailleurs, remboursé 5,5 milliards de dirhams à Bank Al-Maghrib et injecté un montant de  11 milliards de dirhams dans les  caisses de retraites.
Certains  établissements étatiques, qui étaient à la dérive, ont ainsi pu être sauvés. Certains d’entre eux étaient déjà  en faillite, d’autres étaient sur le point de l'être, tels que le Crédit Agricole, le CIH, l’ONCF, la Société marocaine des tabacs, l’OCP, l’ONEP et les Etablissement régionaux d’aménagement et de construction (ERAC).
Ces réformes économiques ont été accompagnées par d’autres réformes, d'ordre politique et institutionnel.  Le Maroc a également réalisé de grandes avancées, en ce qui concerne la langue amazighe, ainsi que certains secteurs  exclus  ou marginalisés. Sans parler de sa grande réconciliation avec la politique et avec l’Histoire.  L’image de marque  de notre pays s’est améliorée, et c'est ainsi que le peuple marocain a réalisé de grands acquis dans le domaine des libertés et des droits de l’Homme. Le pays a été mis sur la voie de la modernisation ; les revenus individuels se sont améliorés ; les salaires des employés ont doublé et le Maroc a connu l'émergence  d’une classe moyenne.  Cette classe qui est aujourd'hui malmenée par le gouvernement qui tente, par tous les moyens, de l'appauvrir et de s'en prendre à ses  acquis.
Et vous n'êtes pas sans savoir le rôle historique de la classe moyenne dans l'édification des sociétés modernes, dans les transitions démocratiques, ou dans l'épanouissement  économique et la modernisation, aussi bien des structures de la société que des mentalités. Paradoxalement, cette classe moyenne constitue aujourd’hui la principale cible des politiques de paupérisation menées par le gouvernement actuel.
Je tiens donc à  réaffirmer, au terme de cette intervention, que nous sommes actuellement face à une politique gouvernementale qui a conduit le pays à une régression globale. Et le plus grave, c'est qu'elle porte atteinte au processus démocratique lui-même. En effet, les principes et les règles démocratiques, stipulés par la Constitution, n’ont pas été opérationnalisés.  Il en est ainsi des prérogatives du chef du gouvernement, de la séparation et l'équilibre des pouvoirs, du respect des libertés et des droits de l'Homme, des règles de la démocratie participative, du renforcement du rôle de l'opposition et de la société civile et de la participation des citoyens. Sans parler de la mise en œuvre de la loi sur la transparence, du droit d'accès à l'information publique, de  l'amélioration de la qualité des services publics, et autres principes régissant l'Etat de droit.
Le bilan que nous venons d'évoquer est fort décevant. Ce qui nous pousse à aller de l'avant dans  notre rôle d'opposition, car il est de notre responsabilité, vis-à-vis du  peuple marocain, de tout mettre en œuvre pour  préserver l'avenir de ses enfants et de faire face à cette politique de l'absurde, qui a fait perdre un temps précieux à notre pays, et qui nous a empêchés de continuer d'avancer en matière de réformes, dans le cadre de la Constitution, et de renforcer les chantiers de développement entamés par le gouvernement de l'alternance.
Nous restons cependant persuadés que, grâce à notre engagement et à notre militantisme,  nous dépasserons cet automne politique marocain et ses multiples retombées.


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