Devenu réfugié, l'acteur syrien Jihad Abdo rêve de Hollywood

La carrière du comédien a pris un nouveau départ


Mercredi 4 Janvier 2017

La notoriété de l’artiste provient
de la série "Bab Al-Hara", qui a attiré
plus de 50 millions de téléspectateurs par épisode.


C'est une histoire bien banale à Hollywood: un acteur au chômage vivote grâce aux maigres dollars gagnés comme livreur de pizzas, rêvant de décrocher le rôle qui va faire de lui une star. Pour Jay Abdo, elle a un goût plutôt amer. Cet acteur syrien était l'une des plus grandes stars de cinéma du monde arabe avant que la guerre civile dans son pays ne le transforme en un réfugié anonyme parmi plus de quatre millions d'autres. Au temps de sa splendeur, il ne pouvait déambuler dans les rues d'un quelconque pays du Moyen-Orient sans être assailli par une foule de fans. Avec 43 longs-métrages à son actif et plus d'un millier d'épisodes d'un feuilleton télévisé à l'eau de rose très populaire, il était admiré non seulement pour ses talents d'acteur mais également pour ses prises de position. "J'avais une vie plutôt belle. Les gens m'aimaient, à l'écran et dans les émissions où je prenais la parole pour parler de culture et d'opinions", raconte à l'AFP l'acteur de 54 ans, de son vrai nom Jihad Abdo. Sa notoriété provient de la série "Bab Al-Hara" (La Porte du quartier), qui a attiré jusqu'à 50 millions de téléspectateurs par épisode. Son périple jusqu'à Los Angeles a débuté en 2011 lorsque les tensions enflaient en Syrie dans le sillage du Printemps arabe ayant déjà emporté la Tunisie et l'Egypte. Son épouse, la peintre et avocate spécialisée dans les droits de l'Homme Fadia Afashe, occupait un poste de haut rang au sein du ministère syrien de la Culture. Elle a dû fuir le régime du président Bachar Al-Assad après une rencontre en France avec des opposants syriens. Elle a alors entrepris des études universitaires à Minneapolis, dans le nord des Etats-Unis. En parallèle, l'acteur s'est lui-même attiré les foudres du régime pour avoir refusé de participer à des manifestations et à des émissions télévisées pour soutenir Assad. Mais c'est un entretien au Los Angeles Times lors d'un séjour à Beyrouth qui scelle son sort: il accuse les services secrets syriens de torturer et d'être corrompus.
A son retour en Syrie, il explique avoir été menacé, avoir eu les vitres de sa voiture brisées et avoir été poussé maintes fois à présenter des excuses télévisées au président. Avec certains amis emprisonnés ou disparus, il décide de s'enfuir en octobre 2011 pour Minneapolis. Abandonnant quasiment toute sa fortune et ses biens. Le couple demande l'asile aux Etats-Unis et s'installe à Los Angeles, afin que l'acteur puisse trouver du travail devant les caméras. "J'ai rencontré énormément de gens qui étaient choqués parce que je m'appelle Jihad", se souvient-il, pour justifier son prénom Jay. "Ils ignoraient que c'est chrétien et que j'ai été prénommé en hommage à un avocat chrétien de Damas, un très bon ami de ma famille", déplore l'acteur. Mais même avec un prénom moins dérangeant, il enchaîne plus d'une centaine d'auditions infructueuses. Le couple survivait alors avec trois dollars par jour. Il lui a fallu plus d'un an pour trouver un emploi chez un fleuriste et un autre de livreur de pizzas, et gagner 300 dollars par semaine. C'est le réalisateur allemand Werner Herzog qui lui donne son premier rôle à Hollywood. Et quel rôle: il côtoie la star australienne Nicole Kidman.
Le film "Queen of the desert", qui sort au printemps, raconte l'histoire de l'archéologue britannique Gertrude Bell et compte également à son générique James Franco et Robert Pattinson. "Toutes mes scènes sont avec Nicole. Je ne peux assez la complimenter. Elle est très gentille, extrêmement professionnelle, une femme au grand cœur, très intelligente et à l'esprit vif. Surtout, elle m'a aidé dès la première minute", souligne Jay Abdo. Le réalisateur a expliqué avoir pris conscience de l'immense célébrité de son acteur syrien en visitant un souk à Marrakech pendant le tournage au Maroc. "Tout le monde voulait une photo avec lui. Les marchands nous ont fait moitié prix", a-t-il confié au Wall Street Journal. Signe que la Cité des Anges aime les fins heureuses, la carrière de Jay Abdo a pris un nouveau départ: il apparaît dans la série "The Patriot" sur Amazon et dans "Bon voyage", un court-métrage du réalisateur suisse Marc Raymond Wilkins en course pour les nominations aux Oscars.
Il est aussi aux côtés de Tom Hanks dans la comédie "A Hologram for the King", sortie en début d'année. Bouleversé par l'horreur de la situation en Syrie qui n'a fait qu'empirer depuis son exil, il ignore s'il y retournera un jour. Mais il a la conviction qu'il n'aurait pu être en meilleur endroit. "Hollywood n'était pas mon objectif", dit-il. "Je n'ai jamais prévu de venir ici. C'est le destin qui m'y a conduit".
 


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