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Des vacances à l'air pur au Portugal, loin des radiations de Tchernobyl

La radioactivité, un mal invisible


Jeudi 3 Septembre 2015

Des dunes à perte de vue, une villa blanche à deux pas de la mer, Anya, 16 ans, passe ses vacances au Portugal, loin de son village natal de Mussïki, situé à une quarantaine de kilomètres de la centrale nucléaire de Tchernobyl.
Elle n'était pas née en 1986 quand l'un des quatre réacteurs de la centrale ukrainienne a explosé, rejetant dans l'air des millions de radioéléments, équivalents à l'intensité d'au moins 200 bombes d'Hiroshima.
Hébergée par sa famille d'accueil à Peniche sur la côte ouest du Portugal, Anya fait partie des 34 enfants de Tchernobyl à avoir quitté pendant un mois l'Ukraine pour se ressourcer au Portugal, y respirer l'air pur et réduire la quantité de césium radioactif dans leur organisme.
"J'ai découvert la mer ici, son odeur si singulière, je ne me lasse pas de la regarder", dit-elle, le regard pétillant, la chevelure noire épaisse, dans un portugais quasi-parfait. Pour un temps, elle laisse derrière elle les rivières contaminées de la zone de Tchernobyl.
Grâce au projet "Eté bleu", créé en 2008 par les collaborateurs d'une compagnie d'assurance, Anya vient au Portugal depuis sept ans pour voir Maria Joao et Hernani Leitao, sa "deuxième famille". Régulièrement suivie par des médecins, elle souffre de problèmes cardiovasculaires et respiratoires.
"Un mois de vacances au Portugal leur procure entre un et deux ans d'espérance de vie en plus", assure Fernando Pinho, responsable du projet, citant une étude réalisée par des médecins de l'hôpital d'Ivankiv, à 45 km de Tchernobyl, rapporte l’AFP.
Soleil, plage et nourriture saine, voilà les remèdes prescrits aux enfants de Tchernobyl pendant leur séjour au Portugal, mais aussi en France, Allemagne, Espagne, Italie, Belgique et Irlande, où ils sont plusieurs centaines à se rendre chaque été.
Si "l'Eté bleu" finance le transport et l'assurance santé, les familles prennent en charge l'hébergement, à l'instar de nombreuses associations en Europe qui accueillent des enfants défavorisés d'Ukraine, du Bélarus et de Russie.
Pour Bogdan, 9 ans, c'est le premier voyage au Portugal. Visage rond, sourire timide, il ne parle pratiquement pas un mot de portugais, mais il arrive à communiquer par gestes avec son nouveau camarade de jeu, Jonas, 11 ans.
Originaire d'Ivankiv, Bogdan a atterri à Santa Iria de Azoia près de Lisbonne. Les premiers jours, "il était un peu renfermé, mais le contact avec nos chats a permis de briser la glace", raconte la mère de Jonas, Anabela Pereira, 43 ans.
Atteinte d'un cancer de la thyroïde en 2007, elle est particulièrement sensible au risque des retombées de Tchernobyl. "La radioactivité est un mal invisible mais qui fait des ravages", relève-t-elle.
Dans les environs de Tchernobyl, plus de 6.000 cas de cancers de la thyroïde ont été recensés chez les enfants et ce nombre ne devrait cesser d'augmenter, d'après l'UNSCEAR, un comité scientifique de l'ONU.
Plus de 29 ans après la catastrophe, l'air, l'eau et les sols dans les zones proches de la centrale sont toujours contaminés par la radioactivité.
Selon les médecins sur place, la liste des maladies qui guettent les enfants est longue: pathologies du coeur, du foie, altérations du système immunitaire, malformations du système nerveux, leucémies, cataractes...
Chez elle, à Mussïki, Anya consommait les fruits et salades cultivés dans les champs entourant la maison modeste qu'elle occupait avec sa mère et sa petite soeur Anastasiya, jusqu'à ce qu'elle parte étudier à Kiev.
Un peu plus loin, une centaine de milliers de personnes avaient été évacuées de la zone dans un rayon de 30 km autour de la centrale, qui reste toujours interdite.
L'hôte d'Anya, Hernani Leitao, 63 ans, membre actif d'"Eté bleu", s'était rendu sur place en 2010. "J'ai vu des bourgades désertes où règne un silence de mort, avec des salles de classe abandonnées dans lesquelles s'entassent livres et poupées délaissés par les enfants", raconte-t-il.
Il se penche avec Anya sur des photos montrant Pripiat, ville fantôme figée dans le temps, à 3 km de la centrale et désertée du jour au lendemain par ses 50.000 habitants.
L'oncle de l'adolescente, Anatoli, continue à travailler dans la centrale, en attendant la fin des travaux visant à recouvrir définitivement le réacteur accidenté d'un sarcophage d'acier.
Quant à Anya, elle ne voit pas son avenir en Ukraine. "Après mes études, je reviendrai au Portugal pour travailler dans le tourisme", dit-elle avec un large sourire. A Tchernobyl, le tourisme se limite à quelques visites guidées de la centrale.


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