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Des écoles fantômes en Chine

Héritage de la politique de l'enfant unique


Mercredi 8 Juillet 2015

Des écoles fantômes en Chine
Des classes vides condamnées par des cadenas rouillés, de vieux papiers jonchant des couloirs poussiéreux, et le silence: une école de Rudong, ville pionnière du contrôle des naissances en Chine, témoigne des défis du vieillissement de la population, résultat de la politique de "l'enfant unique".
Dans la province orientale du Jiangsu, Rudong avait très tôt décidé d'imposer localement des stérilisations forcées, des avortements et une surveillance étroite des femmes - et ce, avant même que le Parti communiste n'établisse la limite d'un enfant par couple à l'échelle du pays, au début des années 1980.
Mais la municipalité, longtemps citée en exemple par le gouvernement pour sa sévérité, doit désormais payer le lourd prix de décennies de rigorisme démographique.
Le Collège technique numéro 2, bâti sur huit étages, a dû fermer ses salles de classe les unes après les autres à mesure que s'effondraient les effectifs d'élèves.
Pékin s'efforce aujourd'hui d'assouplir les restrictions pour relancer les naissances, dans un pays hanté par le spectre du vieillissement.
Pour autant, à Rudong, ceux qui ont jeté il y a un peu plus d'une génération les bases d'un contrôle démographique draconien disent ne rien regretter.
"Pas un seul professeur de notre école n'avait plus d'un enfant", se souvient fièrement Shi Dejun, médecin retraité, responsable de la surveillance du personnel féminin du collège aujourd'hui abandonné.
"Rudong était un modèle pour le planning familial et notre école était un modèle pour Rudong", ajoute-t-il en parcourant un ancien terrain de jeux couvert de détritus et de mauvaises herbes qui poussent dans les fissures du bitume.
Reprenant les arguments longtemps martelés par la propagande officielle, le Dr Shi reste persuadé que la politique de l'enfant unique a été un facteur déterminant dans l'insolent décollage économique du pays ces trois dernières décennies.
"La plupart des jeunes gens ont l'opportunité d'aller travailler dans des métropoles développées comme Shanghai ou à l'étranger parce qu'il y a eu cette politique", affirme-t-il, rapporte l’AFP.
Les experts chinois estiment désormais que la population active en Chine - en âge de travailler - va diminuer d'environ 40 millions de personnes d'ici à 2030.
En 2050, 30% des Chinois auront 60 ans ou plus, selon des estimations de l'ONU, contre 10% seulement en l'an 2000. Soit bien davantage que la moyenne de 20% attendue mondialement.
Dans la ville de Rudong elle-même, un cinquième de la population d'un million d'habitants a déjà plus de 65 ans. La commune a été la première en Chine à être classée pour sa forte proportion de personnes du "4e âge".
Rudong compte une université pour les seniors, à l'image de milliers d'autres établissements similaires qui ont vu le jour en Chine dernièrement. Tout s'y enseigne, même les technologies de l'information les plus modernes.  A trois heures de Shanghai, capitale économique du pays, Rudong a subi une hémorragie de ses jeunes adultes, partis travailler vers des lieux plus dynamiques. Et laissant souvent leurs enfants à la garde de leurs parents.
Les sorties d'écoles ressemblent ainsi à une rencontre à grande échelle entre bambins et personnes âgées, une situation courante ailleurs en Chine. M. Wang, croisé devant la grille d'une école de Rudong, en témoigne. "Mon enfant travaille beaucoup pour subvenir à nos besoins. C'est dur, mais ainsi va la vie en Chine aujourd'hui", dit-il.
Au Parc du peuple, de jeunes mariés se font photographier. "Nous venons de nous installer ici, mais nous n'avions pas réalisé combien rares étaient les gens de notre âge dans cette ville", confie le jeune homme.
Seul un tiers des jeunes de Rudong par
tis étudier ailleurs reviennent une fois diplômés, selon une étude récente.
Photographe de mariage, Sun Yang confirme la chute de sa clientèle: "Je tournais avant avec une moyenne de 1.000 couples par an. Désormais le rythme a presque chuté de moitié", dit-il.
Nantong, la municipalité qui englobe Rudong, a annoncé l'an dernier qu'elle allait mettre en place 4.200 lits destinés à des retraités.
Mais en Chine, ces places coûtent cher et si le fils, traditionnelle source familiale de revenus, vient à manquer, la situation peut devenir catastrophique.
Zhang Yufang, une agricultrice de 69 ans du village rizicole voisin de Wuzong, a ainsi perdu son fils, emporté par une maladie à 33 ans. "Nous subissons une terrible pression financière", se désole-t-elle en essuyant ses larmes.
Mme Zhang a bien eu ensuite une fille, dans le plus grand secret. Mais celle-ci soutient financièrement ses beaux-parents, avec son mari, comme le veut la coutume en Chine. La pauvre femme ne peut pratiquement plus compter que sur l'aide de la veuve de son fils, qui rapporte un maigre salaire mensuel de 2.000 yuans (300 euros) en vendant des cosmétiques.
Aujourd'hui, Mme Zhang regrette amèrement de ne pas avoir eu de troisième enfant. Un garçon, de préférence. Mais les autorités veillaient. Peu après la naissance de sa fille, la mère a été stérilisée de force.
"Je n'ai rien pu faire pour l'empêcher", relate-t-elle en décrivant le moment où son époux l'a traînée à la clinique, sous l'oeil des chefs locaux.


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