Claude Le Roy, le doyen des “Sorciers blancs”


Vendredi 13 Janvier 2017

Claude Le Roy, le doyen des “Sorciers blancs”
Au XIXe siècle, il aurait été explorateur, missionnaire ou administrateur colonial. Le sélectionneur Claude Le Roy perpétue la tradition de ces Français amoureux de l'Afrique où ils ont leurs entrées dans les palais présidentiels, à l'heure de participer avec le Togo à sa neuvième coupe d'Afrique des Nations de football (CAN), un record.
Au Gabon, Le Roy, 68 ans, retrouve son disciple Hervé Renard, l'entraîneur du Maroc à qui il a fait découvrir le continent. Dans le même groupe, les deux équipes partagent le même hôtel. A la veillée, Le Roy pourra raconter à son ex-adjoint au Ghana ses 1001 anecdotes africaines.
"L'Afrique est venue très tôt dans ma vie. J'ai été élevé dans un milieu d'intellectuels de gauche. Mon père a pris position pour l'indépendance de l'Algérie et du Congo", raconte Le Roy à l'AFP.
"L'histoire d'amour" commence en 1985 au Cameroun. L'ancien joueur (Rouen, Ajaccio, Avignon, Laval) n'a pas 40 ans. "Le peuple ne voulait pas de moi: laisser le patrimoine national à un jeune blanc-bec sans expérience, cela paraissait presque incongru".
Il dispose cependant du soutien du président Paul Biya et du président de la Fédération, un certain Issa Hayatou, depuis patron à vie -ou presque- de la Confédération africaine de football (CAF).
Avec la génération dorée des Lions indomptables (Roger Milla, Thomas N'Kono...), Le Roy décroche la CAN-88. Il devient aussi le premier "sorcier blanc" en interdisant le vestiaire aux marabouts et aux féticheurs.
"J'ai décidé qu'ils n'interfèreraient pas dans mon métier. J'ai ajouté que j'étais Breton et que le premier vrai marabout, c'est Merlin dans la forêt de Brocéliande. De là l'expression de sorcier blanc".
Le Sénégal, le Cameroun de nouveau lors du Mondial-98, le Ghana, la RD Congo à deux reprises, le Congo et le Togo: entre deux contrats en Europe ou ailleurs (Malaisie, Oman, Syrie), Le Roy revient poser ses valises en Afrique depuis plus de 30 ans.
L'un de ses retours en France se solde par un désastre et un procès, à la tête du Racing club de Strasbourg, entre 1998 et 2000. Mauvais résultats, racisme des "Ultras", graffiti-anti Le Roy...: "Ça m'est insupportable. J'ai été accueilli à bras ouverts par des gens qui n'ont pas la même couleur que moi. La différence de couleur est une notion que je n'intègre plus", fulmine-t-il à l'époque.
L'aventure en Alsace va le poursuivre jusqu'à sa condamnation en septembre dernier à 15.000 euros d'amende pour complicité d'usage de faux dans une affaire de transferts douteux. Le procureur avait requis six mois de prison ferme.
"Une blessure terrible. Cette instruction m'a empêché d'être heureux pendant dix ans. Je voulais juste qu'on sache une chose: je n'ai jamais pris dans ma vie un franc qui ne m'appartienne pas", commente aujourd'hui le coach.
Soulagé d'avoir évité le pire, Le Roy peut pleinement se consacrer au Togo voire à l'écriture d'un livre sur ses rencontres extra-sportives.
Nelson Mandela, l'ex-président du Sénégal Leopold Senghor, Aimé Césaire...: le coach doué d'une vraie culture politique a aussi côtoyé les présidents des six pays où il a exercé, des plus démocrates (Abdou Diouf au Sénégal, John Kufuor au Ghana) jusqu'à ceux qui ont des difficultés avec l'alternance.
Prompt à s'inquiéter de l'élection de Donald Trump et du programme libéral-conservateur de François Fillon en France, l'homme de gauche reste très prudent sur les questions de démocratie en Afrique, au nom du principe de non-ingérence dans les pays où il travaille.
Le maintien de la CAN-2017 au Gabon après les violences électorales, et alors que l'opposant Jean Ping conteste toujours la réélection d'Ali Bongo? "Je me souviens de Jean Ping quand il était aux affaires du pays avec Omar Bongo à l'époque du parti unique".
Et les présidents qui s'accrochent au pouvoir dans les pays où il a exercé (Paul Biya au Cameroun, Denis Sassou N'Guesso au Congo, Joseph Kabila sommé de partir par l'opposition en RD Congo) ?
"Je sais où je suis capable d'aller travailler maintenant et où je n'irai plus travailler non plus", commente-t-il. "J'ai travaillé en RDC avec un jeune chef d'Etat, Joseph Kabila, que je voyais souvent, qui voulait ouvrir son pays. Quand j'y suis retourné (2011-13), je le voyais bien moins souvent car oui j'ai vu une certaine transformation, c'est sûr".
Et le globe-trotter de rappeler qu'il a quitté son poste en Syrie au début de la guerre civile en 2011. "Hors de question que j'aille voir Bachar el-Assad".


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