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Citoyens marocains à l’étranger et prochaines législatives


*Par Abdelkrim BELGUENDOUZ
Vendredi 15 Juillet 2011

L’urgence d’une formule démocratique

Citoyens marocains à l’étranger et prochaines législatives
La Constitution adoptée à une écrasante majorité par le peuple marocain le 1er juillet 2011, ouvre une ère institutionnelle et politique nouvelle au Maroc. Elle constitue une percée significative en matière de démocratisation du pays et une avancée indéniable dans le domaine de l’Etat de droit.
Ces progrès tangibles par rapport au texte de septembre 1996, se manifestent non seulement au plan général dans de nombreux domaines, mais également dans les développements particuliers, consacrés d’une part aux étrangers au Maroc, d’autre part aux citoyens marocains à l’étranger, dans le cadre d’une approche globale et intégrée de la problématique migratoire en termes de droits humains.

Les étrangers au Maroc

Commençons par les étrangers au Maroc. La nouvelle loi suprême du pays, leur reconnaît les libertés fondamentales que consacre le texte aux citoyennes et citoyens marocains, conformément à la loi. Il y a de ce point de vue égalité de traitement, conformément aux droits de l’Homme tels qu’ils sont perçus universellement. On aurait souhaité qu’il soit fait référence également aux droits économiques, sociaux et culturels qui sont les grands absents dans la loi 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières, adoptée par le parlement en 2003.
A travers la nouvelle Constitution, le Maroc prend aussi l’engagement de bannir et de combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque et de proscrire toute incitation au racisme, à la haine et à la violence.
Le nouveau texte consacre également le droit d’asile qui protège les étrangers qui craignent pour leur vie dans leurs pays respectifs. Ce droit fera l’objet d’une loi, attendue depuis bien longtemps, qui établira une procédure nationale de détermination du statut des réfugiés, permettant notamment d’avoir une carte de séjour et d’accéder au marché du travail, ainsi qu’aux services publics (éducation, santé, social) et privés.
De même, selon la Constitution rénovée, les conditions d’extradition des étrangers sont définies par la loi, ce qui constitue une protection réelle et une garantie de l’application de la légalité.
Enfin, une autre avancée est enregistrée au niveau des droits politiques des étrangers résidant au Maroc qui peuvent désormais, selon l’article 30, participer aux élections locales en vertu de la loi, de l’application de conventions internationales ou de pratiques de réciprocité, comme c’est le cas déjà pour les Marocains en Belgique, aux Pays-Bas ou au Danemark, qui participent aux élections locales dans ces pays depuis bien longtemps.

Les citoyens marocains à l’étranger

Là aussi, pour la première fois dans une Constitution marocaine, la question de la protection des droits et des intérêts légitimes de la communauté marocaine à l’étranger, évaluée en 2011 à quelques cinq millions de personnes, est largement abordée dans quatre articles importants et complémentaires.
L’article 16 définit d’abord les émigrés marocains non pas comme les «Marocains du monde», mais comme des citoyennes et citoyens marocains résidant à l’étranger. L’Etat s’y engage à œuvrer à la protection de leurs droits et de leurs intérêts légitimes, conformément aux lois en vigueur dans les pays d’accueil et dans le respect de la législation internationale, régie notamment par la Convention internationale des Nations Unies pour la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles, adoptée faut-il le préciser, par la plupart des pays du Sud dont le Maroc, mais non encore ratifiée par aucun pays d’accueil du Nord.
Dans ce même article, l’Etat marocain accorde toute son attention au maintien et au raffermissement des liens humains des citoyens marocains à l’étranger avec leur pays d’origine le Maroc, en particulier au plan culturel, qui constitue une très forte attente.
Par ailleurs, si la nouvelle Constitution reconnaît désormais la bi-nationalité, en parlant des citoyens marocains à l’étranger qui peuvent être «aussi citoyens» dans leurs pays d’adoption, ouvrant ainsi la porte à la notion très importante de citoyens ici ET là-bas, elle n’insiste pas moins néanmoins sur la nécessité également de la «préservation de l’identité nationale» des citoyens marocains à l’étranger, barrant ainsi la route à toute idée d’abandon par l’Etat marocain de la nationalité marocaine par rapport à ses ressortissants binationaux, comme le souhaiteraient certains milieux politiques dans les pays d’immigration.

Citoyenneté pleine  et entière

La citoyenneté marocaine pleine et entière des Marocains résidant à l’étranger, est l’objet de l’article 17, à travers notamment la consécration du droit de vote et d’éligibilité.
Pour ce qui est du droit à l’éligibilité, les citoyens marocains à l’étranger peuvent se porter candidats aux élections au niveau des listes et des circonscriptions électorales locales, régionales et nationales.
Concernant la représentation de la communauté marocaine à l’étranger au parlement, celle-ci n’est pas prévue à la Chambre des Conseillers, tel que ceci ressort de l’article 63, fixant la composition de la Chambre des Représentants. Dans ce cadre, «les conditions et les modalités de l’exercice effectif du droit de vote et de candidature à partir des pays de résidence» sont déterminées par la loi, en l’occurrence ici le code électoral et la loi organique concernant la chambre des députés.
Renouant avec le discours royal du 6 novembre 2005, qui avait pris la décision de faire représenter la communauté marocaine à l’étranger à la Chambre des représentants, à travers des circonscriptions électorales législatives de l’étranger, cet article 17 met ainsi fin à la polémique sur l’opportunité de la représentation des citoyens marocains à l’étranger à la Chambre des représentants, à travers des opérations électorales organisées à partir des pays de résidence.

La démocratie participative

Dans le cadre du déploiement sur le terrain de la démocratie participative, relevons l’importance de l’article 18 de la nouvelle Constitution, qui énonce l’engagement des pouvoirs publics à assurer la participation des citoyens marocains à l’étranger à toutes les instances consultatives culturelles, économiques ou sociales, et celles de bonne gouvernance déjà existantes de par la loi, ou créées par la nouvelle Constitution. Celles-ci couvrent un spectre très large. Signalons notamment les organismes suivants :
- Conseil économique, social et environnemental ;
- Conseil consultatif de la famille et de l’enfance ;
- Conseil consultatif de la jeunesse et de l’action associative ;
- Conseil national des droits de l’Homme ;
- L’autorité chargée de la parité et de la lutte contre toutes les formes de discrimination ;
- Conseil de la concurrence ;
- Instance nationale de probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption ;
- Fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l’étranger, créée en juillet 1990 par la loi 19/89.
Enfin, le Conseil de la communauté marocaine résidant à l’étranger, créé le 21 décembre 2007, est constitutionnalisé à travers l’article 163, en lui assignant notamment la mission «d’émettre des avis sur les orientations des politiques publiques permettant aux Marocains résidant à l’étranger le maintien de liens étroits avec leur identité marocaine, de garantir leurs droits, de préserver leurs intérêts et de contribuer au développement humain et durable de leur pays d’origine et à son progrès».
Il reste  maintenant à concrétiser sur le terrain les dispositions généreuses consacrées par la nouvelle Constitution en matière d’immigration étrangère au Maroc et de communauté marocaine à l’étranger. Ceci nécessite bien entendu du temps pour intégrer ces éléments dans de nouvelles politiques et à travers la mise à niveau du dispositif institutionnel. Cependant, pour des raisons de calendrier et du fait que certaines questions demeurent posées depuis bien longtemps, il y a urgence à s’en emparer tout de suite pour trouver la solution.

Une urgence

Il en est ainsi des modalités concrètes de l’exercice effectif par les citoyens marocains à l’étranger du droit de vote et d’éligibilité à partir des pays de résidence pour les toutes prochaines élections législatives.
La démarche dite «progressive» ou «graduelle» suivie par le gouvernement depuis le 16 juin 2006, se doit d’aller jusqu’au bout pour le tout prochain scrutin législatif. On ne peut se permettre d’attendre encore cinq autres années pour le faire. Pour contribuer à faire mûrir très vite la formule démocratique appropriée, le ministère de l’Intérieur qui gère le dossier électoral, se doit à notre sens, de formuler des propositions concrètes aux acteurs politiques dans le cadre du projet de code électoral à soumettre aux partis politiques lors des concertations préalables.
Voilà pourquoi, il y a lieu tout d’abord de relever que l’adoption de la Constitution avec la consécration du droit de vote et d’éligibilité à partir de la Chambre des représentants, doit amener chacun à se soumettre aux dispositions de la nouvelle Constitution.
On regrettera ensuite qu’en lieu et place, des poches de résistance font tout au contraire pour continuer à mettre en relief la soi-disant impossibilité technique et matérielle de réaliser ces élections à partir de l’extérieur. Les arguments invoqués ne tiennent nullement objectivement. Il en est ainsi de la supposée interdiction des pays de séjour d’organiser ces élections sur leur territoire, alors que la toute dernière expérience référendaire apporte un démenti cinglant à ce genre d’assertion. Les mêmes milieux réfractaires à la participation électorale législative des citoyens marocains à l’étranger à partir de leurs pays de résidence invoquent à tort d’autres arguments inconsistants, tels le coût financier de l’opération, le parasitage de l’intégration dans les pays d’accueil, la double nationalité, les conflits inéluctables avec la double allégeance etc  Bref, au lieu que les responsables de cette institution nationale consultative orientent leurs efforts sur l’éclosion de formules démocratiques pratiques (ce qu’ils n’ont pas fait depuis près de quatre ans), ils font tout au contraire pour que cette démarche constructive ne soit pas suivie, l’objectif étant de la retarder au moins pour cinq ans supplémentaires…
Concernant la représentation parlementaire des citoyens marocains à l’étranger, dès les prochaines législatives, à partir des pays de résidence, il serait hautement souhaitable qu’un arbitrage royal ait lieu.

*Universitaire, chercheur en migrations


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