Chamseddine Maya : L’économie verte est une économie aux couleurs de l’espoir


L’écologie et le social sont désormais deux paramètres qui font la paire.

Propos recueillis par Abdelali Khallad
Lundi 29 Juin 2015

Le point de vue du professeur-chercheur et chef du département des sciences économiques et de gestion à la Faculté polydisciplinaire de Safi.

Chamseddine Maya : L’économie verte  est une économie aux  couleurs de l’espoir
Libé : Qu’est-ce qu’il faut pour qualifier une économie ou une initiative entrepreneuriale de verte?
Chamseddine Maya :
Une économie ou une initiative entrepreneuriale est qualifiée de verte, lorsqu’en plus de sa rentabilité économique, elle est environnementalement viable. Il s’agit concrètement d’une part de rationaliser l’utilisation des entrants : les ressources naturelles en tant que matières premières, les consommables, l’énergie et l’eau. D’autre part, faire en sorte de gérer les produits non intentionnels générés : les déchets solides, les effluents liquides, les émanations atmosphériques, les maladies professionnelles et les nuisances, afin de minimiser les impacts sur l’environnement. En tant qu’initiative, le système de management environnemental selon la norme ISO 14 001 : 2004 par exemple, prévoit l’identification, l’évaluation et la hiérarchisation des impacts environnementaux des différents secteurs d’activités de la structure. La signification de son impact environnemental exige une action qui doit permettre de remédier à l’utilisation irrationnelle des ressources ou la gestion de la pollution. De même, les performances de la structure ne se limitent pas seulement aux résultats purement économiques, mais aussi environnementaux. A titre d’exemple, un processus de production peut avoir comme indicateur de suivi de performance le volume produit, mais aussi le respect en termes de standard du volume des entrants utilisés et les produits non intentionnels générés. Il s’agit d’inciter les acteurs économiques à avoir un comportement respectueux de l’environnement. L’Etat a un rôle primordial à jouer pour promouvoir une économie verte, via la fiscalité environnementale, les écotaxes à titre d’exemple. Par le biais aussi, des subventions qui œuvrent à financer des initiatives respectueuses de l’environnement, c’est le cas du FODEP, le Fonds de dépollution industrielle. Les audits environnementaux, les études d’impacts, la comptabilité environnementale, le marketing environnemental, entre autres, sont des instruments économiques environnementaux qu’une économie peut adopter pour protéger son environnement naturel. Le dumping environnemental, c’est-à-dire, un avantage comparatif qui se base sur le non-respect de l’environnement d’une économie, est tenu en compte au niveau des échanges commerciaux par l’Organisation mondiale du commerce.

Est-ce que vous pensez que le contexte institutionnel, juridique et économique national est favorable à une intégration fidèle et saine du concept “ économie verte”?
La charte environnementale nationale prévoit des principes, des valeurs et des objectifs ambitieux. Mais le problème réside dans les moyens de leur déclinaison au niveau sectoriel. Nous avons besoin de dispositifs et d’engagements palpables pour déployer cette charte de l’environnement. La variable environnement naturel est une donnée transversale de l’ensemble des départements ministériels. Est-ce que les stratégies sectorielles tiennent compte de cette donne? Le ministère de l’Environnement peut être considéré comme un département ministériel de second plan. 
Le Conseil économique, social et environnemental a recommandé l’importance de l’économie verte. Il faut mentionner que le secteur des énergies renouvelables connaît des projets encourageants. Sur le plan juridique, le Maroc a ratifié plusieurs conventions internationales relatives à la biodiversité, au réchauffement de la terre et autres. De même, parmi les références en termes de droit de l’environnement, des Dahirs qui régissent la protection de l’environnement, des lois comme celle relative à l’eau, la loi 10/95 ou la loi sur les déchets 22/08 et d’autres, des décrets et des arrêtés existent, mais leurs applications font défaut et il y a besoin de les étoffer par des arrêtés spécifiés et la promotion de la jurisprudence environnementale. Quant au volet économique, les instruments économiques susmentionnés, leur application reste limitée. La majorité des structures certifiées ISO 14 001 : 2004, émanent d’un donneur d’ordre externe, c’est le cas de l’appartenance à un groupe étranger ou bien les produits ou services destinés à des marchés extérieurs. C’est lorsque parmi les attentes des parties prenantes (clients, actionnaires, personnel, pouvoirs publics, collectivités locales, riverains, banques et assurances), les exigences en termes de respect de l’environnement seront suscitées, que la structure satisfera ce besoin. 

Qu’est-ce qui distingue une entreprise certifiée ISO d’une autre qui ne l’est pas?
Les normes ISO relèvent des référentiels adoptés par l’Organisation internationale de normalisation. Cette dernière fait partie des instances internationales des Nations unies. Son siège est à Genève. Il s’agit des normes de systèmes de management. Les principales normes actuelles sont : l’ISO 9001 relative au système de management qualité et l’ISO 14 001 relative au système management environnemental. Ce  sont des exigences qui consistent à déployer les valeurs et les principes de la qualité et/ou de l’environnement au niveau des différents éléments du système de management de la structure : engagement de la plus haute autorité ; objectifs et indicateurs de suivi de performance ; management des ressources ; système documentaire ; production du produit et/ou préparation du service ; analyse environnementale; actions correctives et actions préventives ; actions d’amélioration ; revue de direction et autres éléments. La certification des systèmes par rapport à ces normes ISO constitue une reconnaissance des organismes certifiés et une garantie pour les parties prenantes. Les enjeux de l’élaboration, la mise en place et la certification des systèmes sont multiples : financiers, économiques, environnementaux, réglementaires, technologiques, organisationnels et humains.

Estimez-vous que les entreprises marocaines ont fait le nécessaire pour faire aboutir le processus, désormais obligatoire, de leur mise à niveau ?
Les facteurs qui peuvent motiver les entreprises marocaines à adopter des instruments 
économiques environnementaux sont l’importance des enjeux financiers et économiques et le retour sur investissement de chaque démarche environnementale. C’est pourquoi les managers d’entreprises et les parties intéressées doivent être tenus informés des opportunités financières et économiques et de leur dépendance aux objectifs et cibles. De même, les efforts sont immédiats alors que les résultats ne sont observés qu’à moyen ou à long terme.
L’intégration de la variable environnementale peut être perçue par l’entreprise comme étant du travail en plus, beaucoup de papier, la non protection de l’environnement, c’est l’autre et ne s’applique qu’à certains ou c’est l’affaire de spécialistes. D’où le besoin de faciliter, vulgariser et faire acquérir ces instruments économiques de l’environnement par les structures et leurs parties prenantes. L’économie verte, c’est une économie aux couleurs de l’espoir.
 


Lu 2301 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.







L M M J V S D
1 2 3 4 5 6 7
8 9 10 11 12 13 14
15 16 17 18 19 20 21
22 23 24 25 26 27 28
29 30          


Inscription à la newsletter



services