Catalyser le développement humain du Maroc par la préservation culturelle


Par le Dr Yossef Ben-Meir *
Mercredi 31 Décembre 2014

Catalyser le développement humain du Maroc par la préservation culturelle
Le Maroc est salué aujourd'hui comme un pays de stabilité dans une période et une région troublées. Si l'avenir est imprévisible, il y a certainement des facteurs spécifiques qui ont contribué à cette situation importante.
Trois facteurs en particulier sont bien connus : la démarche participative adoptée par le Royaume pour promouvoir le développement humain; son processus de décentralisation du pouvoir et ses véritables efforts pour parvenir à la justice sociale, pour ceux qui ont été des victimes politiques et pour les femmes à qui ont été systématiquement refusées les opportunités les plus élémentaires.

Célébrer la diversité culturelle
Il y a cependant un autre modèle marocain qui mérite une attention particulière, et même d’être reproduit à l’intérieur de ses frontières et au-delà. Le pays possède en effet une culture spécifique, issue de son histoire et de sa géographie, qui se caractérise à la fois par la diversité ethnique et religieuse et par l'unité des relations entre les différents groupes. L'approche de ses dirigeants, qui encouragent la préservation et la célébration de cette culture, ne constitue pas seulement un objectif en soi, mais elle vise en plus à favoriser le développement humain pour la population.

Les défis ruraux
Le Maroc, et en particulier ses régions rurales, est en proie à des défis découlant de la pauvreté systémique ancrée dans les pratiques agricoles de subsistance, comme par exemple celle de la culture de l'orge et du maïs, qui ne génèrent que 10 à 15% des recettes agricoles alors qu’elle occupe 70% des terres agricoles.
Comment l’éducation de la jeunesse marocaine à propos de sa culture ancienne et unique pour créer véritablement le développement durable et fournir la clé pour parvenir à une large prospérité ? Voici un exemple :

La contribution de la communauté juive
La plantation d’arbres fruitiers est un élément essentiel de tout projet visant à mettre fin à l'agriculture de subsistance. L'intensification de la demande actuelle des familles d'agriculteurs pour les arbres ayant fait augmenter les prix de manière significative, le pays se consacre aujourd’hui à la plantation de millions d'arbres dans le cadre du Plan Maroc Vert et d'autres initiatives. Par conséquent, la demande a incroyablement augmenté pour les terrains destinés à l’aménagement de pépinières communautaires.
En même temps, et comme initiative culturelle, SM le Roi Mohammed VI a lancé un projet, aujourd’hui presque achevé, de préservation des cimetières du pays. Cela a ouvert des perspectives, qui ont inspiré la communauté juive marocaine en la poussant à créer de véritables greniers sur des terrains vacants et potentiellement arables adjacents à ces lieux de sépulture, pour ceux qui en ont le plus besoin.
Il y a eu une importante présence juive dans cette partie d'Afrique du Nord pendant environ deux mille ans (bien que cela ait significativement diminué au siècle dernier de sorte qu'aujourd'hui, comme pour la communauté chrétienne, les juifs représentent moins de 1% de la population totale). Dispersés dans environ 600 points à travers tout le Royaume, il y a des cimetières et des sanctuaires plus isolés où des saintes et des saints juifs ont été inhumés.
Ainsi, la communauté juive du Maroc a conclu un partenariat avec la Fondation du Haut Atlas, une association maroco-américaine, pour travailler avec les communautés paysannes musulmanes économiquement défavorisées.
Des terrains sont prêtés à la Fondation, généralement pour une période de cinq ans, pour y construire des pépinières d'arbres fruitiers et des plantes médicinales cultivés biologiquement, sans pesticides. Le premier terrain est situé dans le village d’Akrach, en dehors de Marrakech, à côté du lieu de sépulture de Rabbi Raphael Hacohen. Sur ce terrain, 50.000 plants de figuiers, grenadiers, amandiers et citronniers mûrissent et seront bientôt distribués gratuitement aux ménages d’agriculteurs locaux.
Au début de 2014, la Fondation du Haut Atlas a fêté la plantation de son millionième arbre au Maroc. A ce jour, la communauté juive, aux côtés des ministères, des universités, des écoles, des communes, des coopératives et des particuliers, a prêté 10% de la superficie totale actuellement utilisée à cet effet. Cinq contrats ont déjà été conclus avec la communauté juive de Marrakech-Essaouira et une nouvelle proposition est en passe d'étendre ce projet à travers le Royaume.
Sur la base des résultats du projet pilote d’Akraich, cet accord avec la communauté juive, s’il est adopté à l'échelle nationale, pourrait générer des centaines de millions d'arbres et de plantes qui sont nécessaires pour surmonter le fardeau intense de la pauvreté rurale.

L’éducation mène au développement humain
Pour boucler la boucle, la Fondation du Haut Atlas forme, éduque la jeunesse marocaine sur la diversité de sa culture. L'exemple le plus notable est celui d’Essaouira, où un projet de restauration des cimetières historiques des trois groupes religieux présents dans la ville, musulmans, chrétiens et juifs, a récemment été achevé et mis à disposition pour des séminaires éducatifs spéciaux destinés aux jeunes de la région. Outre l'avantage culturel évident, il s’agissait là d’une occasion pour ouvrir les yeux, les cœurs et les esprits d'une nouvelle génération au potentiel pratique même de petites superficies de terrain vacant.
Par ailleurs, l'expérience nous montre que si les actions indépendantes d'éducation interreligieuse et culturelle sont des éléments essentiels d'un processus pour favoriser la paix et la stabilité, c’est lorsque ces actions mènent au développement humain à travers des objectifs bien définis.
Le Souverain du Maroc et le peuple marocain sont courageux. Espérons que leurs actions ne seront pas simplement réalisées à l’échelle du Royaume, mais qu’elles deviendront la norme dans la région maghrébine.

* Sociologue, est le président de la Fondation du Haut Atlas.


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