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Bassou … le solitaire du barrage Bin El Ouidane


Mustapha Elouizi
Jeudi 11 Septembre 2014

Bassou … le solitaire du barrage Bin El Ouidane
Seul au monde ! Ou presque. Bassou ne s’en plaint pas. Il semble bien accepter son mode de vie. Son sort, en quelque sorte. Heureux ? L’on ne saura jamais s’il l’est vraiment, vu ses traits inexpressifs. Hormis ce sourire bien accueillant et cette modestie du paysan marocain, son visage ne dit presque rien. Tout ce que l’on sait, c’est qu’il n’a toujours pas été étonné par le nouveau mode de vie des riverains du lac, les petites gens de son ancienne communauté.
Bassou reste pourtant bien connu des professionnels du tourisme de la région. Sa modeste demeure constitue un relais dans le cadre de ce qu’ils appellent «tourisme solidaire»… Parfois, il est averti par téléphone si le réseau est disponible, sinon  depuis la cime du mont, il voit arriver ses convives… Sa femme et sa fille ont largement le temps de tout préparer. Du thé, des amendes, de l’huile d’olive, du miel et du pain traditionnel. Sa petite et magnifique terrasse est ornée d’un tapis multicolore et d’une petite table.
Las après une grimpette sur un chemin caillouteux, les invités de Bassou oublient vite leur fatigue. Un petit tour de découverte, puis chacun s’installe comme il peut. L’on commence à apprécier cette superbe vue panoramique et à contempler la distance parcourue ... Les groupes se succèdent … les questions sont presque les mêmes… Bassou habitué qu’il est, a toutes les réponses sur le bout des lèvres! Seule l’idée du retour impose dans quelques instants un petit silence … Une cotisation du groupe laisse une bonne bourse, de quoi subsister … en attendant le prochain groupe… Bassou est de nouveau seul !
Bien que beaucoup de ses voisins aient, au fil du temps, effectué cette traversée difficile, il n’a jamais été tenté pour autant. Il campe toujours sur cette haute colline, tout près de la tourelle de contrôle des Aït Ahensal. Son père, toujours en vie et d’une grande mémoire, luttait contre l’occupant français, Bassou au corps résistant, lutte, lui, contre l’hostilité de la nature, le climat rigoureux, les affres de la pauvreté et l’isolement. Mais omment résister au nouveau train de vie?  
Jusqu’ici, il préfère le calme, loin du village le plus proche de sa maison. Si ce n’était la lumière qui jaillit la nuit de l’autre côté du lac Bin El Ouidane, et n’étaient les quelques embarcations en rade de ce côté du plus ancien barrage du pays, l’on dirait qu’il n’y a pas de vie dans ce terroir inclément… Et pourtant, c’est là où il puise son revenu modique. Le quinquagénaire tire, en effet, profit de la vente des pierres dédiées à la construction… « De l’autre côté du lac, on en a beaucoup besoin ces temps-ci», dit-il. Le parcours n’est pas du tout facile, la difficulté du sentier rivalise avec le danger auquel l’expose son embarcation de fortune. A quelque chose malheur est bon, ses nombreux voyages lui permettent de jouer aux dames, aux cartes et au foot avec les jeunes de cette petite commune. « Je jouais toujours comme défenseur;  même avec ma taille moyenne et mon âge, j’arrive toujours à stopper les attaquants les plus rapides et les plus dangereux », dit-il fièrement.
Et tes enfants, veux-tu qu’ils mènent la même vie que la tienne ? Bassou qui n’a jamais mis les pieds dans une école, n’a pas l’ombre d’un doute. Il est bien conscient des impératifs des temps qui courent. « Deux de mes filles étant déjà mariées, le garçon de 8 ans, lui, continue ses études au village de Ouaouizaght et je veillerai à la scolarité du deuxième enfant… La vie étant dure, ils ne doivent pas rester là où je suis », dit-il en souriant … mais sur un ton très sérieux.  


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