Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager

Aux Philippines, une prison à ciel ouvert sur une île paradisiaque


AFP
Samedi 2 Août 2014

Aux Philippines, une prison à ciel ouvert sur une île paradisiaque
Des détenus armés de machettes au sein d’une vaste prison sans murs, sur une île paradisiaque des Philippines: ce ne sont pas des émeutiers, mais des ouvriers de ferme pénitentiaire, approche originale de la réinsertion dans un pays miné par la violence.
Deux gardes, le fusil en bandoulière, se reposent à l’ombre en surveillant mollement un groupe de détenus affairés à désherber une rizière sur l’île de Palawan (ouest de l’archipel).
Arturo a déjà passé 21 ans en détention depuis sa condamnation à perpétuité pour meurtre. Il n’a aucune envie de s’échapper. En cas de bonne conduite, il espère voir sa peine commuée ou même obtenir une grâce.
“Je ne veux pas vivre la vie d’un rat, à me terrer dans un trou à chaque fois que je croise un policier”, assure à l’AFP le détenu de 51 ans dont le nom ne peut pas être dévoilé.
Ceints par une épaisse forêt côtière de palétuviers, une chaîne de montagnes et une grande route, les 26.000 hectares — deux fois Paris — font d’Iwahig l’une des plus grandes prisons ouvertes au monde.
Un seul garde est en faction à la grille, pour le principe: il laisse entrer les visiteurs sans aucun contrôle, et nul mur ne sépare les 3.186 prisonniers du monde extérieur.
A seulement 14 kilomètres se trouve Puerto Princessa, une des destinations les plus touristiques du pays réputée pour ses sites de plongée sous-marine et ses plages. Un flot constant de touristes locaux et étrangers visitent la prison Iwahig au charme désuet, notamment les bâtiments de l’administration datant du début du 20ème siècle et sa boutique artisanale où sont vendus des objets créés par les détenus.
Une centaine d’hectares du terrain est consacrée aux plantations de riz s’étendant de chaque côté d’une allée en terre battue. Des animaux broutent ou paissent tranquillement dans les champs fraîchement moissonnés.
Les colons américains ont fondé Iwahig en 1904 pour les prisonniers politiques et les grands criminels de l’archipel philippin. Iwahig était alors un no man’s land à 600 kilomètres au large de la capitale, où les bagnards devaient travailler, enchaînés. Aux Philippines, la plupart des établissements pénitentiaires réservent encore aujourd’hui à leurs détenus un traitement sévère et des conditions de vie difficiles.
Mais à Iwahig et dans quatre autres fermes pénitentiaires, les autorités ont eu l’idée d’utiliser les grandes plaines pour améliorer les chances de réinsertion des détenus.
“Cette ferme les prépare à la réinsertion dans une société libre une fois qu’ils sont relâchés”, explique l’intendant supérieur de la prison, Richard Schwarzkopf.
Les détenus de Iwahig viennent pour la plupart de la prison principale de Manille, Bilibid. Un centre de détention bien plus exigu qui accueille pourtant 22.000 prisonniers.
Au lieu des cellules surpeuplées de Bilibid, les quartiers de nuit de Iwahig sont des bâtiments faiblement gardés, plus larges que des terrains de basketball et entourés de barbelés à la place de murs en métal.
Une cinquantaine de détenus ont la chance de bénéficier de cabanes en bambou. Ils sont affectés à la surveillance des récoltes et des tracteurs.
Seuls 150 détenus particulièrement surveillés sont obligés de travailler à l’intérieur et demeurent dans un environnement plus sécurisé.
Les autres, et parmi eux des meurtriers, peuvent prétendre à un régime ouvert s’ils ont effectué la moitié de leur peine et sont bien notés par les surveillants.
Selon Richard Schwarzkopf, ces établissements — courants en Scandinavie par exemple — ont fait la preuve de leur efficacité.
Moins de 10 pour cent des prisonniers de Iwahig récidivent après leur libération, la prison n’a aucun antécédent d’évasion collective ou d’émeute, et une seule évasion individuelle depuis 2012.
Gamay, un ancien vendeur de poisson de 39 ans condamné à 30 ans pour trafic de drogue, apprécie de travailler dans les champs car, dit-il, cela lui permet de ne plus penser “aux mauvaises choses”, à sa femme qui l’a quitté pour un autre homme.
“L’expérience du travail vous aide à tenir debout... J’ai envie de revendre des poissons et épargner pour pouvoir construire ma propre maison”, jure-t-il. 


Lu 809 fois

Nouveau commentaire :

Votre avis nous intéresse. Cependant, Libé refusera de diffuser toute forme de message haineux, diffamatoire, calomnieux ou attentatoire à l'honneur et à la vie privée.
Seront immédiatement exclus de notre site, tous propos racistes ou xénophobes, menaces, injures ou autres incitations à la violence.
En toutes circonstances, nous vous recommandons respect et courtoisie. Merci.

Dossiers du weekend | Actualité | Spécial élections | Les cancres de la campagne | Libé + Eté | Spécial Eté | Rétrospective 2010 | Monde | Société | Régions | Horizons | Economie | Culture | Sport | Ecume du jour | Entretien | Archives | Vidéo | Expresso | En toute Libé | L'info | People | Editorial | Post Scriptum | Billet | Rebonds | High-tech | Vu d'ici | Scalpel | Chronique littéraire | Billet | Portrait | Au jour le jour | Edito | Sur le vif | RETROSPECTIVE 2020 | RETROSPECTIVE ECO 2020 | RETROSPECTIVE USFP 2020 | RETROSPECTIVE SPORT 2020 | RETROSPECTIVE CULTURE 2020 | RETROSPECTIVE SOCIETE 2020 | RETROSPECTIVE MONDE 2020 | Videos USFP











Flux RSS
p