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Autorisations accordées aux salariés étrangers : Il y a chiffres et chiffres

Le ministère du Travail parle de 4000. Pour la CNSS, c’est six fois plus


Hassan Bentaleb
Jeudi 14 Novembre 2019

4.464 autorisations de travail ont été accordées jusqu’en septembre dernier aux entreprises qui cherchent à employer des salariés étrangers, a indiqué un rapport du ministère du Travail et de l’Insertion professionnelle présenté récemment devant une commission parlementaire permanente.  
Les Français arrivent en tête avec 1.296 autorisations suivis des Chinois (481) et des Indiens (202) ainsi que des Philippins (167), des Américains (163) et des Sénégalais (139).  En sixième place, figurent les Algériens (131) suivis des Espagnols (130), des Tunisiens (123), des Congolais (121) et des Turcs (85).  
Des chiffres qui semblent, néanmoins, être en contradiction avec ceux de  la Caisse nationale de la sécurité sociale rapportés par le Conseil économique social et environnemental (CESE) dans son rapport intitulé « Migration et emploi » et qui indiquent que le nombre de travailleurs migrants enregistrés à la CNSS s’élevait à 23.055 personnes en 2015, à 24.684 en 2016 et à 26.283 en 2017.
Selon les données de ladite Caisse, les Français ont été les plus nombreux en 2017 avec 5.346 salariés, suivis des Sénégalais (4.958), des Espagnols (2.722), des Tunisiens (964), des Philippins (905), des Ivoiriens (899), des Algériens (770), des Américains (667), des Turcs (664) et des Chinois (626).
Y a-t-il contradiction entre les deux sources ? Le rapport du CESE ne répond pas et se contente de préciser que les données fournies par l’autorité en charge de l’emploi et par les différentes institutions ne portent pas sur les travailleurs migrants non déclarés ni sur ceux qui opèrent dans le secteur informel.
En outre, le rapport du CESE a révélé que la majeure partie des travailleurs migrants (9.578) exercent dans le secteur des services, suivi par celui du commerce (3.779), des industries manufacturières  (2.689) et de la construction (2.410). Par contre, le secteur de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche ne compte que 354 travailleurs migrants.
L’essentiel de ces travailleurs installés au Maroc sont des cadres supérieurs dont près de 1.300 occupent des postes de directeurs généraux et de directeurs et un peu plus de 800 sont des cadres. Ils sont suivis de près par les ingénieurs, cadres et consultants ainsi que par les techniciens et les animateurs. Les contrats des cadres supérieurs concernent essentiellement les Européens, les Chinois et les Turcs. Les Subsahariens (Sénégalais, Congolais, Ivoiriens et Camerounais) travaillent notamment dans les métiers de l’offshoring (essentiellement les centres d’appel).
De son côté, Franck Camara, membre du syndicat ODT Immigrés, estime que la faible présence des Subsahariens dans ces classements est due au fait que le taux de chômage reste fort parmi cette population dans un pays où ce taux avoisine les 10% voire plus. «Le marché de l’emploi est saturé au Maroc, ce qui laisse peu d’opportunités de travail aux migrants en quête d’emploi. La construction, la pâtisserie, l’artisanat, le commerce ambulant demeurent les secteurs les plus accueillants des migrants subsahariens en situation administrative régulière, mais il y a un afflux sur les centres d’appel qui préfèrent recruter des migrants puisqu’ils maîtrisent mieux les langues étrangères. Ceux qui ne sont pas recrutés par ce secteur tentent, par tous les moyens, de survivre alors que d’autres ont choisi tout simplement de rentrer chez eux ou de partir en Europe, notamment au cours de ces  dernières années marquées par le renforcement de la politique sécuritaire envers les migrants », nous a déclaré notre source. Une enquête du ministère des MRE et Affaires de la migration datée de 2016 avait précisé que 59% de migrants en immigration ou en transit au Maroc ne disposent pas de ressources financières, 2% ont un emploi régulier, 12% des emplois saisonniers et 19% vivent de la mendicité.
Pourtant, Franck Camara a tenu à préciser que l’emploi de ces migrants n’est pas un long fleuve tranquille. « En tant que syndicat, nous recevons beaucoup de plaintes qui pointent du doigt des conditions de travail non conformes à la législation du travail (non-paiement des salaires, conditions de travail inhumaines, absence de contrat de travail, licenciements abusifs…). Le hic, c’est que ni les employeurs ni les inspecteurs du travail ne jugent nécessaire de répondre à ces plaintes.  Même les tribunaux ne prêtent pas main forte à cette catégorie de plaignants puisqu’ils doivent attendre des mois ou parfois des années l’enrôlement de leurs dossiers et, du coup, ils finissent par abandonner », nous a-t-il affirmé.
La mise en place de la nouvelle politique de migration et d’asile en 2013 et le lancement de la stratégie nationale de migration et d’asile en 2014 n’ont pas apporté de changements majeurs aux conditions de travail des étrangers. « Des avancées significatives ont été enregistrées dernièrement comme c’est le cas pour  la décision du ministre du Travail et de l’Insertion professionnelle n°1/Taechir/2019 du 1er juillet 2019 qui dispense certains salariés étrangers de l’attestation délivrée par l’ANAPEC. Mais le vrai problème pour nous reste celui des conditions dans lesquelles travaillent  ces migrants et on estime que la situation est devenue plus compliquée après la disparition du département des affaires de la migration », a conclu Franck Camara.
Pour sa part, Mohammed Khachani, professeur à l’Université Mohammed V de Rabat, nous avait affirmé à ce propos (Cf. notre édition du lundi 21 mars 2016) que les migrants subsahariens constituent une chance pour l’économie marocaine. Notamment pour les secteurs qui ont des difficultés à recruter. Selon lui, plusieurs employeurs ont du mal à embaucher de la main-d’œuvre dans les domaines de l’agriculture, du bâtiment, des travaux publics et du personnel domestique alors qu’il y a une vraie demande puisque beaucoup de jeunes Marocains refusent d’exercer ces métiers.  Ceci d’autant plus que cette population migrante a un âge moyen de 27,7 ans. Les jeunes de moins de 36 ans représentent 95,4% alors que les mineurs âgés de 15-17 ans représentent 0,7%. 48,5% des migrants ont un niveau supérieur au primaire, 32,4% sont de niveau secondaire et 16,1% sont d’un niveau supérieur. «C’est une population plus instruite que la nôtre puisque le taux des diplômés marocains du supérieur ne dépasse pas les 16% alors qu’il est de 21% parmi les migrants recensés dans le cadre de l’opération de régularisation menée dernièrement par notre pays», avait-il conclu.


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