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Au milieu des mouches, l'enfer des hôpitaux vénézuéliens


Samedi 3 Décembre 2016

En se cassant la jambe à mobylette, Freddy ne pensait pas attendre 17 jours pour être opéré, ni repasser 13 fois entre les mains du chirurgien pour nettoyer les bactéries. Mais tel est l'enfer des hôpitaux vénézuéliens, privés de tout et où volent les mouches.
Neuf mois après son accident, ce plombier de 41 ans est assis sur son lit, dans une chambre aux murs sales et humides qu'il partage avec 14 autres patients.
Sa jambe, brisée en quatre, est désormais stabilisée mais Freddy Herrera n'est pas serein: "J'ai peur, je ne veux plus monter en salle d'opération car à chaque fois je reviens en pire état".
A l'hôpital public de Coche, dans la banlieue de Caracas, la crise sanitaire se traduit par des coupures d'eau quatre jours par semaine, des odeurs pestilentielles et une prolifération de mouches dans les couloirs. Un bloc opératoire sur trois est fermé pour raisons d'hygiène.
C'est l'un des effets du naufrage économique dans lequel a sombré le Venezuela avec la chute de ses recettes pétrolières et qui affecte une grande partie des 320 établissements publics du pays.
A Coche, l'insalubrité et le manque d'antibiotiques pourraient avoir des conséquences dramatiques pour la jambe droite de Freddy: "Ma crainte, c'est qu'après avoir tant lutté on vienne me dire qu'il faut m'enlever la jambe car les bactéries ont mangé l'os", confie-t-il.
Il n'est pas le seul dans ce cas, selon l'interne en traumatologie Efraim Vegas : "Nous avons des personnes qui ont fini amputées par manque d'asepsie au bloc chirurgical".
Totalement démuni, l'hôpital ne compte que 18 médecins alors qu'il en faudrait le triple. Il doit réutiliser les tubes respiratoires, dont plusieurs attendent d'être lavés, à côté d'un bistouri électrique jetable.
Efraim Vegas raconte avoir vu mourir, en se tordant de douleur, un jeune homme touché au genou par un tir de fusil. "Il n'y avait ni sérum, ni produits sanguins, ni sang, ni morphine", se rappelle tristement le médecin de 29 ans.
Dans ces conditions, "je ne peux pas soigner, je soulage et j'aide à mourir", déplore-t-il.
L'hôpital de Coche couvre une zone de 150.000 habitants, la plupart dans des quartiers à forte criminalité.
Faute de place dans les morgues, les cadavres de victimes de fusillades sont laissés dans la chambre mortuaire de l'hôpital, où s'entassent jusqu'à une douzaine de corps alors que la place est prévue pour seulement quatre.
"Parfois, les corps restent là 72 heures et ils explosent. C'est horrible car tout sent la putréfaction. C'est un hôpital de guerre", se lamente l'interne Vegas.
Selon l'Observatoire vénézuélien de la santé, 81% des services hospitaliers manquent de matériel chirurgical et 76% de médicaments. Le pays aurait besoin de 100.000 lits d'hôpital, mais seuls 15.230 sont opérationnels.
Pour le président socialiste Nicolas Maduro, il ne s'agit que d'un problème ponctuel, en voie d'être résolu. Quand le pays pétrolier était riche grâce à la flambée des cours du brut il utilisait cette manne pour importer 90% du matériel chirurgical. Désormais, le Venezuela doit apprendre à en fabriquer, et à produire des médicaments. Le gouvernement assure avoir investi 250 milliards de dollars en 13 ans dans la santé, notamment via l'envoi de médecins - cubains pour la plupart - dans des quartiers populaires.
L'hôpital de Coche a bien reçu de l'argent, mais aujourd'hui une grande partie des équipements ne sert plus, par manque de pièces de rechange. En pédiatrie, service quasiment fermé faute de personnel, une couveuse et des lits neufs sont recouverts de poussière.
Sur trois ascenseurs, seul un fonctionne, dans des conditions d'hygiène épouvantables.
"C'est par là que montent les repas, les patients, les défunts, les victimes de fusillades, les ordures, les déchets biologiques", s'inquiète l'opératrice Rosa Herrera, 61 ans, selon qui les moustiques pullulent dans la cage de l'ascenseur, inondée.


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