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Au Cambodge, l’industrie de la soie marche sur un fil


AFP
Samedi 2 Mars 2013

Au Cambodge, l’industrie de la soie marche sur un fil
Dans un petit atelier du centre de Phnom Penh, des techniciens de laboratoire s’affairent autour de myriades de petits insectes blancs. Sur ces bombyx du mûrier aussi frétillants que fragiles reposent l’avenir de la soie cambodgienne en perdition.
Le pays asiatique, entouré de grands spécialistes du métier - Chine et Inde, mais aussi Thaïlande et Vietnam - tente de ne pas laisser mourir complètement sa production de soie, notamment via l’assistance à la reproduction des insectes et la prévention des maladies.
Dans les années 70, le régime marxiste totalitaire des Khmers rouges avait tiré un trait sur ce secteur traditionnel, qui peine aujourd’hui à retrouver sa grandeur séculaire face à des concurrents rompus aux techniques les plus modernes.
“La maladie tue plus de 50% des vers à soie”, explique Mey Kalyan, directeur du programme soie au Cambodge de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
“Ceux qui survivent font le tiers de la taille des autres producteurs régionaux”, ajoute-t-il. “Pour faire court, les éleveurs ne travaillent plus, les tisserands ne tissent plus et les plantations ont cessé de cultiver” les mûriers dont se nourrissent les insectes.
Les superficies réservées à la baie noire ont chuté, passant de 6.000 hectares dans les années 1940 à environ 40 aujourd’hui, selon l’expert.
Dernier espoir, le centre de production de Phnom Penh mis en place par la FAO fait partie d’un programme de reconstruction de l’industrie mis en place en septembre 2009 avec un budget de 475.000 dollars.
Les insectes sont examinés par les techniciens équipés de gants de latex, qui les associent deux par deux pour les pousser à s’accoupler. Après entre 4 et 6 jours, la femelle est isolée pour pouvoir pondre ses oeufs qui seront ensuite stérilisés et incubés.
Sept fermes ont ainsi été ouvertes dans le pays et des formations ont été prodiguées. Mais trois ans après le début du programme, les fonds sont épuisés et les investisseurs tardent à se manifester.
Les volumes chutent à un rythme inquiétant. Cinq tonnes produites en 2009, quatre seulement aujourd’hui. Le prix du fil de soie locale augmente à toute vitesse et le Cambodge en importe désormais 400 tonnes par an, pour environ 10 millions de dollars.
Ven On, une tisserande de 60 ans fidèle à la soie locale, ne gagne que 50 dollars par mois avec des sarongs et écharpes trop chers pour la plupart des clients. Si ses sarongs se vendent entre 120 et 150 dollars, elle ne touche que 10% du prix. “Je ne peux faire vivre ma famille”, se lamente-t-elle.
L’avenir est d’autant plus sombre que la soie cambodgienne est de qualité moyenne par rapport à ses concurrents, en raison d’un procédé manuel qui produit un tissu trop grossier pour le marché du luxe.
En Inde et en Chine, où est produite 90% de la soie mondiale, les bobines modernes produisent un fil de meilleure qualité en beaucoup moins de temps.
“L’industrie de la soie cambodgienne est en difficulté”, admet Eric Raisina, un créateur malgache de prêt-à-porter qui a ouvert des magasins à Phnom Penh et Siem Reap (nord), mais utilise principalement une soie importée de Thaïlande et de Chine.
“C’est dommage pour un pays qui jouissait auparavant d’une grande réputation avec un unique cocon de soie jaune, qu’on surnommait la ‘soie d’or’”.
Au centre de la FAO, un espoir est né il y a quelques jours.
L’espoir de maintenir en vie une tradition vieille du XIIIe siècle repose sur l’obtention par les chercheurs, après trois ans de travail, d’une espèce hybride à haut rendement qui ne se nourrit que de manioc, une pousse présente partout au Cambodge à l’inverse des mûres.
“C’est trop tôt pour le dire (...) mais les bénéfices pourraient être énormes”, veut croire Mey Kalyan.


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