Attitudes négatives face à l’évaluation scolaire


Les contrôles scolaires doivent être considérés comme partie intégrée dans l'acte éducatif et non une « sanction »

Une attitude rigide est signe de paralysie (mentale) dit S. Jerzy Lech. Les causes du succès ou de l’échec relèvent de l’attitude mentale affirme W. Scott.

Azergui Mohamed Pr universitaire retraité
Lundi 1 Juillet 2013

Attitudes négatives face à l’évaluation scolaire
A la fin de chaque année scolaire les scores et notes obtenus par les élèves deviennent pour un moment le tourment de tous (enseignants, élèves, parents, familles sociétés, presses, l’Etat) Tout le monde en parle souvent en mal et ce, dans les villages lointains, les bidonvilles de misère et même dans les riches demeures de nantis citadins malgré leur hypocrisie coutumière.
Les accusations fusent de partout, les uns responsabilisant les autres sans se responsabiliser soi-même en tant que parents élèves ou étudiants ou responsables. La méfiance et la défiance ouvertes sont de mise rarement la confiance à divers niveaux. La majorité des parents et des élèves dénigrent l’Ecole publique et le système d’évaluation en vigueur et sa mise en pratique surtout au niveau du lycée Ils jettent l’opprobre et le discrédit sur les enseignants et les accusent explicitement de favoritisme.
Tout est oublié, le suivi scolaire quotidien est négligé, jusqu’à la même époque de l’année suivante pour réentendre de nouveau presque les mêmes litanies. Le lourd système de contrôles, le temps scolaire consacré à évaluer les élèves, les efforts des enseignants (préparation des exercices, correction de dizaines, voire de centaines de copies) n’auraient ainsi servi en fin de compte qu’à mettre des chiffres alchimiques, sans âme, sur le bulletin scolaire au terme du semestre.
Des familles l’exhibent par orgueil et spectacle social Elles sont fières des performances de leurs rejetons, rêvent d’avenir meilleur et de monter vite dans la hiérarchie sociale. D’autres familles le dissimulent par déception ou le déchirent par révolte contre l’Etat et ont honte de leurs rejetons. Ils leur en veulent car ils n’ont pas réussi avec brio là où ils ne sont pas arrivés ou là où ils ont échoué eux même bien avant. Ils n’ont pas satisfait leur égocentrisme blessé par la vie amère et la réussite enviée des fils des autres  Les attentes et par là les attitudes envers l’évaluation pratiquée à l’Ecole publique sont soit indifférentes, laxistes ou surchargées de passions et non de raison.
Ainsi pour les classes sociales démunies des bidonvilles et des villages lointains, les parents envoient leurs enfants à l’Ecole coranique et Publique par Tradition Religieuse et Obéissance séculaire à l’Etat. Ils savent que leurs enfants vues leurs conditions de vie n’auront jamais de brillantes notes surtout dans les disciplines décisives (maths, français).
Leurs enfants fréquentent l’Ecole en attendant d’être assez grands pour travailler Ils ne donnent aucune valeur à l’évaluation.. Pour les classes nanties leurs progénitures fréquentent les Ecoles privées de haut standing. Les élèves ici n’ont aucun souci avec l’évaluation scolaire. Leurs scores sont élevés en classe et dans les examens régionaux et nationaux gérés et certifiés par le ministère de tutelle (MEN).  Les parents nantis tout en étant très occupés par leurs affaires sont assurés, ils ont bien payé.
 Ce sont les parents des classes moyennes c'est-à-dire pratiquement tout le monde (fonctionnaires, cadres, enseignants, artisans, commerçants) qui investissent à fond matériellement et affectivement dans les études de leurs filles et fils.
L’Ecole est ici considérée comme le seul Arbre de Salut. Les parents et les élèves des classes sociales moyennes sont sensibles à l’évaluation scolaire. Les enjeux de l’évaluation scolaire sont donc soit ignorés, sous-estimés ou surestimés mais rarement évalués à leur juste mesure. L’essentiel de l’évaluation pédagogique n’est pas dans une note finale et borgne, portée au bas d’un bulletin de fin d’année. Ce qui est important c’est que les uns et les autres aient des attitudes positives, constructives face à l’évaluation scolaire et non des postures négatives, délétères et destructives comme c’est le cas depuis des décennies au Maroc
L’Ecole Publique se doit d’abord d’aider l’Education des générations à venir à s’approprier les savoirs-être universels (Cultures, Religion, Sagesse, Santé, Valeurs Humaines, Ecologie.) Ensuite par l’Instruction elle transpose et transmet l’essentiel des savoirs savants acquis et accumulés par l’Humanité (Langues, Histoire, Géographie, Sciences, Techniques) Enfin, elle participe à la Formation des jeunes, les assiste pour acquérir des savoir-faire et la construction des compétences utiles pour leur vie et leur société. S’il est facile de mesurer les acquis de l’Instruction et de la Formation ce n’est pas le cas pour ceux de l’Education. Le système de mesure et évaluation scolaire en théorie du moins, se veut cependant de jauger avec le plus d’objectivité possible le degré des effets de l’enseignement subi à l’école publique et privée. Il est en fait tenu de donner, des jugements justes pour permettre de prendre des décisions de remédiassions souvent nécessaires et les exécuter. Il se doit surtout repérer les lacunes de connaissances, les erreurs de raisonnement de l’apprenant Il faut en plus déceler les obstacles épistémologiques qui entravent sa marche vers la maîtrise des savoirs. Ainsi l’élève peut se donner seul ou avec l’aide du maître et des parents des stratégies adéquates et personnalisées lui permettant d’avancer selon son rythme propre guidé par l’évaluation.
C’est l’évaluation formative qui aide et oriente sans stresser, ni dévaloriser ni bloquer l’élève. De fait il ne s’agit pas ici d’encenser les bons élèves et les porter aux nues ou de sanctionner, inférioriser, culpabiliser et de bannir d’autres. L’évaluation scolaire est un acte pédagogique intégré à l’ensemble des actes d’enseignement-apprentissages, elle vise à les perfectionner Mais dans la réalité marocaine l’évaluation scolaire est en fait, une batterie de contrôles qui finissent par des examens-bilans (évaluation sommative), elle informe, sanctionne sans former. En plus elle est devenue objet de passions, de tensions, et d’attitudes négatives à tous les échelons de responsabilité.
L’Etat est obligé par la population, l’économie, les organismes internationaux de scolariser le plus d’enfants Il y engage le tiers de son Budget.
Il suit par les multiples contrôles scolaires continus et examens l’application des programmes imposés à tous les scolarisés dans le pays. Par la PPO les contrôles scolaires, il vise à les stéréotyper sur modèle Moyen
Orient médiéval (Intolérance religieuse, déracinement de l’amazighité, ancrage forcé de l’arabité islamiste). Via la PPC et contrôles il prépare une main d’œuvre qualifiée au service des classes nanties. Par ces contrôles il freine les flux des cohortes scolaires pauvres envahissantes et menaçantes.
Plus les masses des élèves issus de classes défavorisées avance le long du cursus scolaire plus cela coûte cher au Budget et effraie le Pouvoir. Les contrôles et examens deviennent de plus en plus sévères et s’érigent en obstacles infranchissables par les venus de milieux pauvres. Leurs chances de réussite aux examens et concours diminuent vite et s’éteignent à jamais.
Ils sont découragés par les scores-sanctions et échec-choc. L’espoir d’ascension sociale s’éteint. Ils quittent pour toujours l’école publique marocaine, leader mondial de la déperdition scolaire. L’Etat, en crocodile, affirme que ses outils de contrôles scolaires sont valides fiables, neutres. Il se pavane de transparence via les NTIC et exhibe les statistiques mijotées dans ses officines En fait il contrôle l’aliénation des esprits à l’Ecole et régente la résignation des corps ailleurs Le système de contrôles scolaires omniprésent à tous les niveaux n’est au fond pas neutre. C’est un autre outil de sujétion au service des riches et de l’Etat conservateur qui les protège Ce système de contrôles scolaires s’installe tôt dès le Primaire.
Les enfants s’habituent tôt à la servitude, fanatisme, chauvinisme, le tout est noté, encensé et avalisé par les agents de l’Etat. Si tel enfant a de mauvaises notes c’est qu’il est minable de fait, car maintes fois certifié tel par les Maitres assermentés et bénis d’En-Haut. Le dictat des examens est vécu en verdict des Autorités donc du Destin. Des milliers d’élèves dégoûtés s’émancipent de cette aliénation de l’Ecole Publique, gérée par son système d’évaluation.
Ils la laissent sans regrets. Souvent par la suite ils réussissant à merveille leur vie par le labeur continu et ce malgré les prédictions de mauvais augure des pratiques évaluatives des enseignants.
L’attitude de la légion enseignante eu égard à l’évaluation scolaire est soit laxiste, autoritaire, ou démocratique Ainsi certains enseignants ne considèrent pas l’évaluation comme un acte pédagogique intégré dans l’apprentissage Pour eux, c’est une besogne stérile et une obligation administrative dont il faut se débarrasser vite.
       A l’imprévu et au dernier moment ils informent leurs élèves de la date proche du contrôle. Ils ne se donnent pas la peine de fabriquer des exercices adéquats avec ce qu’ils ont enseignés réellement dans leur classe et ce que les élèves auraient appris de fait.
 Ils ont recours à un mélange d’exercices faciles et difficiles tirés des annales des examens.
Cette stratégie modérée leur permet de distribuer des notes proches de la moyenne à tous les élèves et gratifier les bons élèves par des notes supérieures. Ils évitent ainsi des révoltes des élèves, les ennuis avec les parents, les remontrances de l’administration et
les tracasseries de l’inspection. D’autres enseignants se donnent une réputation d’austères qui n’hésitent pas à utiliser les contrôles comme actes punitifs, ils sont sadiques sur les bords.
Ils sont dignes des écoles jésuites d’antan où la sévérité, l’émulation sont de mise en classe et aux contrôles. Ils usent des exercices et problèmes difficiles tirés de leurs vieilles archives des annales des examens. Plus ces épreuves sont longues ombiliquées et pleines de pièges, et plus ils en sont satisfaits. Ils s’arrangent pour en trouver des solutions exhaustives toute faites dans les mêmes annales.
 Forts de ce savoir plagié ils distribuent les scores bas sans se soucier des effets néfastes sur la personnalité de leurs élèves. Ils sanctionnent et terrorisent leurs élèves en autoritaristes La note remplace la férule du fquih mais avec des conséquences psychologiques plus néfastes
(émulation, mépris, jalousie).
Les parents se demandent si ces enseignants n’ont pas besoin urgent des soins de S. Freud et Cie. Rares sont les enseignants démocratiques en classe et en matière d’évaluations scolaires.
Ce sont ceux et celles qui fabriquent les exercices qui évaluent ce qu’ils ont enseigné en classe et ce que leurs élèves en ont retenu et noté. Ils se donnent des règles simples de notations transmises aux élèves par soucis de transparence. Ils prennent le temps d’évaluer à leur juste valeur la production de chacun de leurs élèves. Ils font avec l’aide des élèves une correction complète.
Ils tirent ensemble des conclusions quant aux stratégies didactiques de l’enseignant et aux stratégies d’apprentissages des élèves. Les attitudes des élèves face à l’évaluation varient selon qu’ils soient faibles, moyens ou forts. Ils sont tous, tenus de rapporter de bons scores et un bon bulletin (butin) scolaire à la maison. C’est la manière moderne de payer leur subsistance, d’avoir l’estime et l’affection des parents.
Pour les faibles tous les moyens sont bons pour cette fin (falsifier des notes, les dissimuler, détourner le bulletin, dénigrer l’enseignant, l’accuser de partialité et de népotisme flagrant). Ils s’initient ainsi à l’école à la dissimulation, au mensonge et à la basse hypocrisie sociale. L’attitude normale consiste à s’attribuer soi-même son insuccès à se diagnostiquer (pré requis insuffisants, erreurs, difficultés, obstacles
épistémologiques, mauvaises méthodes de travail).
Délaissés à eux-mêmes, ils se résignent, se culpabilisent fuient dans le tabac, la drogue, alcool. Ils se révoltent, se démotivent, s’absentent et abandonnent ce calvaire scolaire dû à ces scores. Les élèves qualifiés de forts se comportent souvent en vaniteux et sans discrétion, ils exhibent leurs bulletins scolaires ou jouent la fausse modestie affirmant ne pas être satisfaits.
 Certains superstitieux craignant le mauvais-œil cachent leurs notes pour éviter la concurrence. Ils dissimulent leur travail acharné pour se maintenir à un haut niveau. Ils disent à tous et partout ne pas avoir trop travaillé pour insinuer qu’ils sont intelligents de nature alors qu’ils sacrifient leur jeunesse pour conserver leur image de marque au regard de tous. Ils flattent les enseignants, font du charme à l’Administration et s’initient par-là, à la haute hypocrisie sociale.
Les élèves dits moyens sont ceux qui profitent sans stress ou passion de l’évaluation scolaire. Ils la considérant comme un diagnostic, un guide pour mieux apprendre et ils s’améliorent. Finalement ce sont les élèves moyens qui paraissent avoir une attitude normale envers les contrôles scolaires qu’ils ne sous-estiment pas ou surestiment. Ils font ainsi lentement et sûrement leur petit chemin et ils vont souvent loin. Les élèves réputés forts en classe sont souvent bien surpris par la suite dans leur vie d’adultes de voir ces « ex élèves à peine moyens » occuper des positions avancées dans la société.
« Rien ne sert de courir il faut partir à point »  aurait dit la sage tortue à l’impulsif et fougueux lapin dans la fable de J. de La Fontaine Mais les parents n’ont pas toujours la sagesse des animaux d’Esope et son disciple La Fontaine. Face aux résultats scolaires les parents sont soit défaitistes, indifférents et certains sont actifs. Les parents analphabètes ignorent souvent les mauvais scores scolaires de leurs enfants.
Informés, ils se voient désarmés, ils savent qu’ils ne peuvent pas aider leurs enfants et qu’ils ne peuvent rien faire face au verdict cautionné par les maîtres et donc par le Makhzen. Ils attendent que leurs enfants soient exclus de l’Ecole et ils les envoient faire un petit métier. D’autres ignorants ou non sont convaincus que l’école ne mène plus à un avenir meilleur et ils sont alors indifférents aux résultats des contrôles et de l’évaluation scolaire.
 Pour eux, leurs enfants doivent rester le plus longtemps possible sur les bancs de l’Ecole publique ou Privée pour qu’ils apprennent à lire, écrire et calculer, sans aucun autre but. Ils regardent à peine le bulletin. Il y a enfin des parents conscients et responsables qui font le suivi scolaire de leur fils et filles. En général ce sont des parents enseignants, ouvriers, petits commerçants et cadres moyens. Il y a presque toujours dans ces cas des mères instruites ou non, mais décidées à faire avancer leurs fils dans la vie à faire émanciper leurs filles et par là les libérer du joug du futur mari.
 Ces pères et mères conscients et responsables sont très sensibles à l’évaluation scolaire. Ils sont actifs et positifs. A cet égard, ils vont voir les enseignants et leur demandent des conseils. Ils ne culpabilisent pas leurs enfants mais ils se sacrifient pour leur assurer confort, soutien scolaire et affection indéfectible. Dans ce cas les enfants et les adolescents travaillent à fond pour ne pas décevoir leurs parents, prennent eux aussi une attitude positive face à l’évaluation.
Dans les familles nombreuses il arrive que l’un ou deux de la fratrie soient de bons élèves et les autres moyens ou faibles. Là, l’attitude des parents face aux scores des uns et des autres doit être juste et pleine d’amour Souvent l’enfant performant exhibe son bulletin, le moyen le montre timidement et le faible le dissimule. La bonne attitude et le bon sens consistent à aider le faible à devenir moyen, le moyen à devenir fort et le fort à se maintenir. Mais souvent dans ce cas les familles encensent les bons, négligent les moyens, réprimandent les faibles.
Il en résulte des situations de mauvaise émulation de jalousie au sein de la fratrie et de la société. L’attitude de la société marocaine face à l’évaluation scolaire est basée sur l’intérêt immédiat Ce qui l’intéresse, c’est juste la note moyenne pour passer d’un niveau et d’un cycle à l’autre. En terminale le but c’est une note finale gonflée, sésame pour accéder aux bonnes Institutions. Peu importe les apprentissages réalisés, les compétences développées, la personnalité formée. Les parents, les familles et la société démissionnent de leur fonction de contrôles
éducatifs.
La société doit contrôler si l’Ecole transmet nos valeurs millénaires (amazighe, arabe) ancrées dans notre subconscient collectif. La société laisse les générations montantes subir des années durant les diktats des contrôles scolaires gérés par l’Etat qui utilise une multitude de contrôles portant sur des matières ciblées : (islamisme, arabisme, histoire glorifiée du Moyen Orient, histoire tronquée du Maroc) pour sacraliser l’aliénation des jeunes à une culture fermée et non assurer leur émancipation et ouvrir leur esprit aux Cultures du Monde et à l’Avenir de l’Homme.  PPO défunte pédagogie par objectifs PPC : pédagogie par compétence au service du capital NTIC nouvelles technologies de l’information
et de la communication.


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