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Après avoir appelé au débat sur l’héritage et la polygamie, Driss Lachguar excommunié par la Salafya jihadya


Narjis Rerhaye
Mardi 31 Décembre 2013

Après avoir appelé au débat sur l’héritage et la polygamie, Driss Lachguar excommunié par la Salafya jihadya
Nabila Mounib: Il faut avoir le courage intellectuel d’ouvrir de tels débats
Amina Bouayach : Il y a régression dans les choix politiques et culturels de la société
 
 
«Les voix de ces ignorants autoproclamés imams et gardiens de la religion s’élèvent et menacent pour nous faire taire à jamais et tuer toute forme de débat dans ce pays». Ce lundi matin, Nabila Mounib, la secrétaire générale du PSU, a du mal à cacher sa colère. La vidéo qui excommunie le Premier secrétaire de l’Union socialiste des forces populaires fait, depuis vendredi 27 décembre, le tour des réseaux sociaux. 
On y voit un apprenti sorcier érigé en prêcheur de la Salafya jihadya y déverser sa haine contre Driss Lachguar qu’il traite d’apostat et d’athée. «Lachguar est un apostat. Son parti propage l’apostasie et l’athéisme depuis plusieurs années déjà», crache ce salafiste barbu et vêtu de noir qui, dans la foulée, affirme ne reconnaître aucune institution religieuse du pays. Le crime du leader socialiste ? Avoir demandé, devant les militantes ittihadies réunies en congrès, l’ouverture d’un débat autour de l’héritage au nom de l’égalité, l’interdiction de la polygamie et du mariage des filles mineures et enfin la criminalisation de la violence à l’encontre des femmes. 
« La femme est au centre de tous les projets de société. Et il faut avoir le courage politique et intellectuel de lancer le débat sur l’héritage, la polygamie et tout ce qui aliène la Marocaine et la place sous tutelle. Un tel débat ne peut être que salutaire pour que nous avancions vers la modernité. Et il doit avoir lieu entre modernistes et ultra-modernistes.  Le sujet est encore plus vaste que cela. Car il est temps pour nous de débattre de la place de la religion dans l’Etat, de la laïcité, de l’Etat séculier», soutient la responsable politique à gauche de la gauche, Nabila Mounib. « Pas question d’avoir peur de ces ignorants qui s’érigent en imams», poursuit notre interlocutrice.
Dans son enregistrement excommuniant Driss Lachguar, le salafiste, illustre inconnu en quête de son quart d’heure de gloire, entend justement terroriser ceux et celles qui militent pour faire avancer la société marocaine. Le ton est calme mais la menace pèse de tout son poids sur le propos de celui qui dénonce « les ennemis de l’Islam », citant pêle-mêle et dans un désordre inoui, Mehdi Ben Barka, Ahmed Assid, El Abed Jabri ou encore Abdallah Laroui. Les militantes usfpéistes, elles,  sont traitées de prostituées.  Dix minutes de haine, de menace, d’appel au meurtre au cours desquels le salafiste en profite pour interpeller  Ahmed Toufiq, le ministre des Habous et Affaires islamiques. «Alors Monsieur le ministre des Affaires islamiques, que faites- vous devant ces apostats? Vous nous avez imposé le silence, alors qu’ils sont libres d’insulter, d’attaquer et de diffamer le Coran et de mener leur guerre contre l’Islam… une guerre menée par procuration pour leurs maîtres français, américains et sionistes… Nous savons que vous n’allez rien faire, car tout ceci se fait en coordination avec vous». Ni le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane,  ni le ministre de la Justice, Mostafa Ramid, pourtant responsables de la loi et de son application, n’ont été sollicités par cet extrémiste en guerre contre Lachguar et tous les autres.
En découvrant  sur la Toile la vidéo d’excommunication, la secrétaire générale de la FIDH, Amina Bouayach,  n’était pas vraiment surprise. « Je m’attendais à une telle réaction des fanatiques », lâche-t-elle.
Pour cette activiste, ancienne présidente de l’Organisation marocaine des droits humains, il y a une forme de régression sur le contenu des  choix politiques et culturels de  la société marocaine. « On constate une telle régression depuis trois ans. La dynamique politique n’a pas réussi à capitaliser tout le débat engagé depuis l’adoption de la nouvelle Constitution. « Il faut bien le dire, la majorité actuelle n’arrive pas à gérer le pluralisme politique dans notre pays. Parce que cette majorité est justement liée à un courant qui  symbolise la régression. Et au-delà du politique, l’un des obstacles au développement de la société marocaine est le refus de l’opinion divergente. Dès que quelqu’un a un avis différent du nôtre, il est immédiatement traité de traître, d’apostat, d’athée. Si on n’arrive pas à gérer ces points de vue différents, nous allons vivre des années de plomb culturelles ».
Faut-il considérer cette vidéo comme un acte isolé, signé d’un salafiste aussi anonyme qu’illuminé ? Pas sûr. Au lendemain du discours de Driss Lachguar devant les femmes ittihadies, les réactions du Mouvement Unicité et Réforme, MUR, le bras religieux du PJD, le parti du chef du gouvernement ont été presque aussi violentes, en tout cas d’une intolérance. «Que se cache-t-il derrière les attaques contre les constantes de la Oumma?», avait titré «Attajdid» le 24 décembre courant. Quelques jours plus tard, un salafiste et son discours extrémiste apportait réponse à l’éditorial du journal porte-parole des islamistes au pouvoir.
 


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