Approche ascendante globale à l’horizon 2030


Par Yossef Ben-Meir *
Jeudi 19 Mai 2016

Il y a un dénominateur commun entre les projets réussis de développement humain, que ce soit dans le domaine de l'éducation, de la santé, de la croissance économique, de la préservation culturelle ou de l'environnement, à savoir que les bénéficiaires eux-mêmes ont participé à la conception, à la gestion et au contrôle global des projets.
Après des décennies, voire des siècles, d’interventions de développement et de mise en œuvre de stratégies visant à promouvoir les services dédiés à la population, le monceau de preuves accumulées à travers le monde indique clairement la participation de la population comme principal déterminant d’un développement durable réussi.
La définition de la durabilité elle-même a évolué depuis sa conception initiale à la fin des années 1980. Au lieu de simplement insister sur les niveaux insoutenables de consommation des ressources naturelles, elle s’est élargie pour inclure une multiplicité de facteurs (économiques, politiques, culturels, techniques, financiers, historiques, climatiques, etc.) qui influent sur la longévité des projets de développement.
La méthodologie participative est une approche inclusive, non seulement en vertu de sa facilitation avec les communautés locales afin de leur permettre d’identifier et de déterminer les projets et d’élaborer des plans d'action pour leur mise en œuvre, mais aussi parce qu’elle permet la prise en compte de la vaste gamme de facteurs susmentionnés.
Les principales stratégies utilisées permettent de catalyser les réunions communautaires à base élargie dans des contextes ruraux et urbains. Il faut fondamentalement reconnaître que les animateurs du dialogue communautaire sont indispensables pour garantir que les réunions locales enregistrent une large participation, que toutes les voix puissent s’exprimer et de se faire entendre et que les données communautaires ainsi générées soient classées et mises à la disposition des populations locales afin qu'elles puissent prendre les décisions les plus éclairées possibles. Sans animateurs, les cruciales réunions communautaires et la hiérarchisation et la mise en œuvre in situ des projets seront pratiquement impossibles.
Etant donné que le développement durable nécessite la participation et que celle-ci nécessite la facilitation, les recommandations suivantes visent à créer des mouvements ascendants de développement participatif à la base, mus par des projets appartenant à la collectivité et par des partenariats diversifiés.
1-Les animateurs de la planification communautaire participative peuvent être littéralement tous ceux qui ont la possibilité d'interagir avec les membres de la communauté et qui sont acceptés dans ce rôle d’intermédiaire ou de tiers.
Les animateurs peuvent être, entre autres, des enseignants, des organisateurs de la société civile, des techniciens ou des élus locaux, des femmes et des jeunes dévoués, des membres de coopératives, des salariés du secteur privé, des chefs de village ou des volontaires du Corps de la paix ou d'autres organisations.
L'efficacité des animateurs est grandement accrue lorsqu’ils participent à des ateliers de renforcement des capacités axés sur l'apprentissage par l’expérience en milieu communautaire.
2-Le développement communal qui est destiné à être lancé et soutenu dans les communes, les provinces et les régions, prospérera avant tout dans un contexte de décentralisation.
Le Maroc devrait être félicité pour son exceptionnelle initiative de régionalisation. Néanmoins, pour que cela devienne un système souple et pleinement opérationnel à travers le Royaume, les enjeux à long terme doivent être pris en compte.
   a.La régionalisation est un état d'esprit. Même si les fonctionnaires au niveau local détiennent le droit de consacrer des ressources au développement humain local, l'habitude prise pendant des décennies de consulter Rabat est si profondément ancrée qu’ils n'exercent bien souvent pas le pouvoir qu'ils possèdent.
  b.La régionalisation pourrait aussi avoir pour effet d'accroître les inégalités au niveau local, si la condition préalable à la pleine participation communautaire, qui garantit des conditions sociales équitables, n’est pas effective et appliquée.
c.Enfin, la régionalisation pourrait tout simplement devenir une structure promulguant et reprenant une pensée archaïque et inutile si elle ne s’accompagne pas d'ateliers axés sur l'autonomisation et la pensée libre et créative.
3.Le pouvoir devrait être transféré au plus près possible des citoyens - au Maroc, il s’agit du niveau communal. Le Royaume a également instauré un bel exemple en modifiant sa Charte communale en 2009, pour exiger que les élus locaux élaborent des plans de développement communal avec la participation directe de la population. Ainsi les activités et les objectifs de ces représentants devraient être axés sur les véritables besoins de la population, tels qu'exprimés dans les réunions communautaires, plutôt que biaisés en faveur de groupes d'intérêts restreints.
Même si cette importante obligation légale est hautement progressiste, elle n'a malheureusement pas été accompagnée par les formations nécessaires pour que les représentants locaux puissent s’en acquitter comme il se doit. D’innombrables plans de développement communal ont par conséquent été élaborés sans tenir compte des bénéficiaires ou des particularités locales.
Par conséquent, sans une indispensable formation par l’expérience à l'application de la méthodologie participative au niveau des gouvernants, la régionalisation effective et l’élaboration de plans de développement communal viables resteront inatteignables.
Il serait utile de voir que la mise en œuvre de projets communautaires résultant d'un processus participatif fait non seulement avancer les objectifs de l'après 2015, mais contribue également à édifier un système décentralisé en matière de prise de décision et de gestion.
Les collectivités locales se réunissent pour évaluer leurs besoins et assurer le suivi de projets qui atteignent les résultats qu’ils jugent importants, et ce par le biais de divers partenariats. Dans ce processus, ils établissent également des relations productives et des canaux de communication qui peuvent et doivent être constamment revisités afin de faire avancer le développement productif. Ces voies, qui produisent des avantages mesurables pour les populations locales, constituent donc le système décentralisé lui-même. En outre, exiger que les communes soient plus proches des citoyens pour l’élaboration des plans participatifs contribue à former une structure et des processus dynamiques de régionalisation. En somme, pour que l'après 2015 tire pleinement parti de son potentiel en termes de développement humain et de changement social, il doit exploiter le potentiel des millions de villages et quartiers périurbains de notre planète, ce qui nécessite de leur octroyer le pouvoir. Cela requiert l'apprentissage appliqué des animateurs afin qu'ils puissent organiser des réunions communautaires et surtout, cela requiert le financement et l'exécution des innombrables plans d'action élaborés par les populations locales pour améliorer leur vie. En définitive, il est impératif de décentraliser, former aux méthodes participatives, financer des projets déterminés par les communautés et surtout savoir que le temps presse!

 * Le Dr Yossef Ben-Meir est
sociologue et président de la Fondation du Haut Atlas, une association
maroco-américaine de développement.    


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