“Missa” : L'absurde dévoilé



Amereeka de Cherien Dabis : Mère courage palestinienne aux USA


Mohammed Bakrim
Vendredi 19 Juin 2009

Amereeka de Cherien Dabis : Mère courage palestinienne aux USA
Comment  décliner son identité  aux postes frontières quand on vient d'un  pays qui n'existe pas encore? Mouna qui vient de réaliser son rêve en débarquant à New York pour assurer à son fils, jeune adolescent, une éducation et une formation adéquates, répond d'abord aux questions des policiers par un sourire contagieux en parlant de la Palestine, ce territoire de nulle part car sous occupation israélienne. Mouna c'est le personnage principal du premier long métrage, Amereeka,  de la Palestino-américaine de Cherien Dabis présenté à Cannes dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs. Le film construit son argument dramatique de base sur cette rupture originelle avec l'espace d'appartenance politique qu'est la nation, Dabis propose cependant une approche plus large, on démarre avec le drame d'une famille palestinienne pour  s'ouvrir sur une question plus universelle, celle du rapport à l'autre dans un environnement de découverte culturelle. Le thème du film c'est l'altérité au sens large car Mouna est certes une Palestinienne qui rejoint une partie de sa famille dans la diaspora mais son récit est celui de toutes les personnes qui sont appelées à évoluer dans un contexte qui n'est pas le leur: on suit alors son aventure que nous découvrons dans ces multiples facettes: non seulement en tant qu'immigrée mais aussi en tant que femme et en tant que mère. C'est la force du film, celui de transcender un drame spécifique vers la question large de l'acculturation au sens étymologique du mot: aller vers l'autre. C'est alors un double voyage: un voyage physique dans l'espace et la géographie, ici on quitte la Palestine vers les USA et un voyage symbolique vers l'autre dans sa différence linguistique, sociale et comportementale. La polémique politique est évacuée au bénéfice d'une approche plus nuancée, plus tragique; ce sont les jeunes entre eux au lycée qui se livrent à des empoignades autour de thèmes politiques à partir des questions d'actualité (la première guerre du Golfe), les adultes, eux, abordent cela d'une manière plus grave, plus profonde dans leurs actes quotidiens…
Le film réussit à nous rendre ce transfert à travers l'évolution d'un personnage fort, emblématique de la culture de la région où la mère est omniprésente dans la sphère privée comme dans la sphère symbolique. Le film s'ouvre sur une séquence en Palestine où nous découvrons les aléas quotidiens d'une vie sous l'occupation mais pas seulement. Il y a aussi les aléas de la vie tout court puisque Mouna vit séparée de son mari parti avec une autre. Elle élève seule son fils quand elle reçoit un jour un courrier qui va bouleverser sa vie: une réponse positive des services américains de l'immigration. Elle n'hésite pas une seconde. Pour elle, l'avenir de son fils passe par cet exil vers cet ailleurs, l'Amérique qui fait rêver et où se trouve déjà sa sœur.   Mais c'est une rupture radicale soulignée au niveau de la mise en scène par le formidable contraste entre la composition plastique des plans filmés en Cisjordanie et  ceux filmés au Midwest américain: couleurs chaudes, rougeâtres… Quasi-désertiques d'un côté et de l'autre, couleurs froides,  bleus et blancs arides, rouges  saturés…Mais la démarche n'est pas manichéenne:  Mouna traverse cette initiation à la culture de l'autre par la force de la générosité et de la bonne humeur. Une occasion de souligner l'interprétation formidable de Nisreen Faour qui a littéralement adhéré au programme de son personnage le portant haut et loin. Le film a décroché à Cannes le Prix de la critique internationale.


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