«Amazir», roman de Mustapha Bouhaddar : Les aventures d’un libre-penseur


ALAIN BOUITHY
Vendredi 25 Juin 2010

«Amazir», roman de Mustapha Bouhaddar  : Les aventures d’un libre-penseur
«Pourquoi n’écrirai-je pas un livre pour immortaliser les histoires que m’a racontées mon grand-père jadis, (lui qui) ne savait ni lire ni écrire; (mais qui) connaissait ces histoires de mémoire?»
C’est la question que s’est posée Mustapha Bouhaddar avant de plonger dans l’écriture de son roman. Il l’intitule “Amazir” («Homme libre» en berbère), en souvenir certainement de ses origines berbères.
Publié aux Éditions Publibook (2009), “Amazir” est une sorte de «roadmovie» à la marocaine dans lequel les lecteurs croiseront «des vieux aigris par la vie, des sans gênes, des pauvres, des rebelles et des riches sans scrupules. On y croise aussi des êtres qui ont l’intelligence du cœur, des êtres exceptionnels », confiait récemment le romancier marocain dans un entretien paru dans un journal canadien.
Passionné des mathématiques et de littérature, l’auteur propose une œuvre construite autour d’une écriture «souveraine», dégagée des contraintes formelles. A travers le personnage d’”Amazir”, un «libre penseur», l’auteur livre des histoires profondément inspirées des contes berbères dont certaines ont assurément bercé son enfance.
En effet, «quand j’étais petit, mon grand-père, qui résidait à Tafraout dans l’anti-Atlas marocain, me racontait tous les soirs, des contes berbères. On dormait sur le toit de la maison qui faisait terrasse, et j’écoutais les histoires de mon grand-père. Le ciel était pur et magnifique à tel point qu’on avait la possibilité de compter les étoiles», se souvient-il.
Au gré des souvenirs qui émergent et qui en appellent d’autres, un autoportrait se dessine, se profile, se crée. «Entre le Paris des années d’étude et le Maroc des racines, de mésaventures sentimentales en réminiscences des histoires d’antan, “Amazir” donne corps à une intériorité... Une âme plurielle, jamais totalement fixée et inamovible, se perdant dans les maths tout autant que dans les romans de Dostoïevski, contemplative et réflexive, forgée surtout par ces amours trop vite éclos, trop vite partis», décrit le synopsis.
Si les contes berbères occupent une place réelle dans ce roman, on ne peut douter de l’omniprésence de l’homme berbère dans la pensée de l’auteur. Et pour cause : «Les Berbères sont des gens qui ont été élevés à la dure. Ils vivent dans les montagnes où sévit un climat rude. Ce sont des personnes hors du commun. Ils ne se plaignent jamais et acceptent leur condition. Il leur manque le rationalisme et le pragmatisme européens, pour eux le pire n’est jamais déçu. Ils croient au destin, au «mektoub. Mais quoi qu’il arrive, ils restent dignes, ce sont des «Amazirs» des hommes libres», comme l’est le personnage que l’auteur invite le lecteur à suivre dans ses aventures et ses voyages. Un roman à lire.
Mustapha Bouhaddar se passionne de la littérature française à Paris où il a suivi tout son cursus scolaire. Détenteur d’un doctorat en mathématiques à Jussieu et d’un DEA de littérature à l’université Paris VIII, il est l’auteur de deux mémoires : “L’Ecriture du désastre” dans l’œuvre de Stéphane Mallarmé et “La Mort” dans l’œuvre de Villiers de l’Isle Adam.

Extrait du livre

«(…) Ce qui me rebute ce sont les préjugés, et la non acceptation de l’Autre. La tolérance c’est bien mais accepter l’Autre, aller vers lui est encore mieux. Quand j’étais petit, j’entendais souvent des gens mal informés dire que les femmes maghrébines sont dominées par leurs maris!
C’est très relatif. J’ai observé les mères marocaines à commencer par la mienne et j’ai constaté que contrairement aux idées reçues, ces dernières commandent dans le secret de leur cuisine. Les hommes font semblant de prendre des décisions.
Elles élèvent leurs fils dans une culture de virilité, faite de violence, de mépris. Elles leur apprennent à n’aimer qu’une seule femme : elle, la mère. Elle est abusive, castratrice, sans doute un peu folle, mais n’abandonnera jamais ses enfants et son mari quoi qu’il advienne. En effet, certaines vérités sont quand même bonnes à dire et non l’inverse... ».


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