Ainsi parlait Abdallah Laroui …


Par Mounir BENSALAH
Mercredi 13 Janvier 2010

Ainsi parlait Abdallah Laroui …
Il est difficile de parler de l'œuvre de Laroui, et de surcroît, du dernier livre. Ce qui distingue Abdallah Laroui est sa capacité à donner la thèse et l'antithèse, ses représentations dans l'histoire, jusqu'à ce qu'on se perde dans son orientation, avant qu'il tranche dans son choix. Ce déterminisme dans la théorie n'a d'égal que la déception du lecteur du fait qu'il ne tranche pas aussi simplement pour prendre une position donnée de l'action, surtout politique. Remarquons que Laroui avise dans l'introduction de son livre le lecteur à ce sujet : « Ce qui importe au journaliste c'est la réponse et non les références, les conclusions et non les introductions. Peut-on comprendre la réponse sans introductions ? ».
Il vient à l'esprit, après une première lecture du texte de Laroui, qu'on a besoin d'une grille d'analyse nouvelle, à travers laquelle, nous pourrons, en tout cas, nous essayerons, de déchiffrer les réponses de Laroui à propos de la réalité politique marocaine. Il se peut que d'autres aient une autre grille d'analyse qui n'aboutirait pas nécessairement aux mêmes remarques et conclusions.

Remarques de forme

Le lecteur fait plusieurs remarques de forme de l'ouvrage. Ce dernier s'étale sur environ 150 pages et se présente sous forme d'un dictionnaire simple d'un ensemble de concepts. Cette forme vient après que Laroui a commencé par exposer sa thèse dans « L'idéologie arabe contemporaine », puis il avait senti qu'il ne fut pas compris, ce qui l'avait acculé à publier la série des livres de « concepts » comme formule de simplification de sa vision et de sa thèse. Et nous, de nous demander : le nouveau livre résulte-t-il d'une incompréhension des concepts qui a conduit l'auteur à simplifier le simplifié, ou c'est le public à qui il s'adresse, c'est-à-dire le politique, l’acteur et l’observateur, qui ont fait que le langage soit plus simplifié ?
L'ouvrage se compose, selon la classification de son sommaire, de plusieurs chapitres, contenant chacun un ensemble de micro-concepts (pour ne pas confondre avec les œuvres des « concepts » de l'auteur). Il évolue du chapitre des « instincts » aux chapitres de la réforme et de l'espace politique, en passant, en milieu de l'ouvrage, par les chapitres de l'éducation. Cette évolution résumée est le cœur de l'idée de l'auteur : passer du « l'Homme penchant vers l'animal » avec ses instincts, à l'Homme civilisé, moderne vivant dans l'Etat démocratique. L'idée du passage des traditions à la modernité à travers l'éducation. Paradoxalement, l'ouvrage pourrait facilement être lu d'une autre manière, de la fin au début, de la modernité à la tradition, de la réforme aux instincts, de l'Homme civilisé à « l'Homme animalier ». Quoique l'auteur dise que le sens inverse est possible, que le retour  en arrière est plausible, Laroui a choisi l'optimisme, en écrivant dans le sens où l'ouvrage se présente aujourd'hui.

les circonstances
 politiques de l'ouvrage

« Min Diwane Assyassa » est le premier livre de Laroui discutant de l'espace politique dans l'ère du Roi Mohammed VI. Après « Le Maroc de Hassan II », où Laroui a dit ce qu'il avait à dire sur la période du règne du défunt Roi, ce nouvel ouvrage coïncide avec les 10 ans du « nouveau règne », le retour aux dires « disparition du printemps démocratique marocain » et « l'étroitesse de l'horizon démocratique », et le retour insistant des demandes des réformes de la Constitution. On a posé la question en 2008 à Laroui s'il considère toujours que « le Maroc est le pays arabe le plus prédisposé à la modernité ». Et lui de répondre avec sa manière tranchée habituelle : « Je serai aujourd'hui sans doute moins affirmatif. Notre pays n'est pas une île et notre société est devenue tellement poreuse. Mais je m'accroche à l'espoir que la tradition, chez nous, n'est pas complètement une néo-tradition ». C'est ainsi qu'il tient à exposer  l'histoire : « Mohammed V hérita d'un trône sous tutelle étrangère. Il n'avait point de pouvoirs sur aucun des instruments de l'Etat … il ranima alors les rituels de la bay'a (Allégeance) en lui donnant un nouveau concept. Les nationalistes, dans leurs écrits, l'appelaient le « pacte sacré ». Il prêta serment d'œuvrer, avec les autres, à recouvrer l'indépendance et l'établissement de la constitution … dans la vie de Mohammed V se réalisa l'indépendance et la constitution ne fut autre que promesse. Puis vint son successeur Hassan II et se comporta, pour des raisons internes et externes, comme s'il y avait opposition entre les deux. Il prodigua la constitution, puis il l'annula, ensuite il l'a amendée afin qu'elle ne touche rien à sa monopolisation de l'initiative … Nous sommes donc, perpétuellement, entre peur et espoir, entre marée haute et basse, … La royauté est unique, la monarchie a plusieurs types. L'image est unique, le contenu diffère d'une ère à une autre et d'une société à une autre ».

Le besoin d'une révolution culturelle impliquant le matricide

Pour qui écrit Laroui son dernier ouvrage ? écrit-il pour conseiller le gouvernant, comme ce qu'il avait fait auparavant, où vise-t-il l'élite déçue et perdue ? L'ouvrage  est-il destiné au public de par sa simplicité apparente ou à ceux qui peuvent agir dans le domaine politique ?  Le livre propose-t-il une thèse pour l'après « marge démocratique » ou parle-t-il du long terme ? Nous essayerons de toucher toutes ces questions importantes, et d'autres, à travers une lecture minutieuse du texte. Avant la parution de cet ouvrage, Laroui avait déjà commencé à donner fin 2008 des débuts de réponses : « Le recul des institutions au Maroc aujourd'hui, je l'appellerai plutôt recul des  espérances institutionnelles. J'ai toujours exprimé le souhait de voir le pays se diriger, lentement mais sûrement, vers un régime de monarchie véritablement constitutionnelle et parlementaire, où le Roi règne, guide, conseille, influe, mais ne s'implique pas dans la direction des affaires courantes, même pas par le biais de l'action caritative, car celle-ci laisse croire qu'il dispose d'un trésor inépuisable. Tout cela pour sauvegarder son autorité morale. Il doit avoir tous les moyens pour être et rester le Roi du Maroc et des Marocains. Mais ceci est mon souhait ; il ne compte pour rien ». , avant de les compléter dans le présent ouvrage : « Sous l'analphabétisme, la politique est prépondérante et basse. Dans le système démocratique, son espace est étroit et sa valeur est grande ». Ceci apparaît comme une réponse à la classe - élite politique entière, qui « parle » beaucoup de la politique, des réformes, … et ne fait que peu pour ce but qu'espère Laroui et dont nous nous attendions tous dans le camp moderniste. Je crois véritablement que « Min Diwane Assyassa » est destiné à l'élite, politique et intellectuelle, dans tous ses spectres : carré réduit de gouvernance, « prêcheurs » du roi, opposition, …
« Il n'y a point de démocratie avec l'analphabétisme … au niveau de l'Etat-nation. Toutes les bases de cet état contredisent l'analphabétisme, c'est-à-dire la culture de la mère (en arabe, Aloummya, analphabétisme, vient de la même racine que Oum, mère) » dit l'auteur. « En ce moment commence la politique en tant que théorie et se distingue de la politique en tant que gestion spontanée. Ainsi l'humanité s'éloigne-t-elle de l'animalier ». Pour réaliser le « sevrage » escompté, Laroui observe le rôle important de l'enseignement et de l’éducation. Leur rôle est justement de faire passer l'Homme de la culture de la mère - analphabétisme - à la culture démocratique, de l'animal à l'Homme. La langue de Laroui peut paraître dure, mais elle est centrale.

Chez nous, l'éducation a un seul but : la fidélité

Le nouveau dictionnaire de Laroui, comme indiqué plus haut, part des instincts, de ce que nous avons en commun avec l'animal, comme introduction à la compréhension de la façon de passer de la tendance maternelle ou “maternaliste” à la gestion du vécu commun, ce qui veut dire la démocratie.  
L'auteur fait sa critique de la langue, ou des langues, de l'éducation et l'enseignement, comme maillon perdu dans la transition escomptée. Dans le même sens, il avait exprimé dans la même interview susmentionnée son opinion sur le sujet : « L'éducation a chez nous un seul but, la fidélité ; elle continue ce qu'a commencé ou doit avoir commencé, la famille, la zaouïa, le clan, etc » comme si elle cherchait à produire un modèle unique de l'individu, avec des caractéristiques bien déterminées, faisant fi des nécessités de la société dans son développement ici et maintenant. C'est l'éducation salafiste, analphabétisante. Et le penseur d'ajouter : « Imaginons-nous maintenant un autre environnement politique, celui qui répond à mes souhaits, où les pouvoirs sont constitutionnellement délimités, où ceux qui les détiennent les remplissent de la manière la plus satisfaisante : dans ce cas, la plus grande partie de l'éducation civique se fera en dehors de l'école publique qui n'aura plus qu'une mission, former l'homme le plus utile (économiquement s'entend) à la société ».
Ainsi apparaît l'opposition sur laquelle se base l'auteur. Entre l'analphabète qui « demeure encore dans les bras de sa mère, parle son langage, se caractérise par ses caractéristiques, cherche à la satisfaire, vit dans sa protection et ne dépasse jamais l'horizon de sa vie à elle-même quand il émigre loin d'elle » et l'Homme moderne, « dans un domaine nouveau, où il est nécessaire pour nous d'instaurer une éducation différente, voire opposée, à celle de la mère. C'est l'éducation de la cité. Cette éducation cristallise nécessairement des expériences autres que celles de la mère ». Il ne faut pas comprendre dans les propos de Laroui une description de tout individu séparément. C'est une opposition entre la société traditionnelle et l'Etat moderne. Laroui apporte ici un exemple, ses remarques lors d'une réunion où il a demandé à l'assistance, composée des 'Chrif' (descendants du Prophète), du disciple, du professeur, du médecin, de l'ingénieur, … « si parmi l'assistance, celui qui connaît d'où vient sa subsistance, ce qui le fait manger dans le propre sens du terme ? ». Laroui ajoute que si tu demandes à l'un d'entre eux, « il te répondra par quoi satisfaire ta cervelle et conscience. Il te répond par sa langue, alors qu'au fond de lui-même, … il écoute au langage de la mère … il lit la subsistance à l'organisation, le grade et la fonction, et non pas à la production  et ses outils ». On ne parle pas ici de libéralisme - socialisme - féodalisme … on discute du fait de savoir si l'individu est conscient  de son appartenance à la société, et sa relation avec son économie et ses échanges. La mère donne et ne comptabilise pas. La société comptabilise. C'est pour cela que le sevrage est nécessaire, le matricide symbolique. « L'élite politique se renouvelle théoriquement par l'élection. L'élection politique a une procédure et un but (comptabilité, la récompense ou la punition). Elle s'élève à un jugement. Alors que l'élite sociale est régie par la nature, par les instincts et par le biais de l'éducation de la mère. Elle est marquée de continuité ».

Vers une interprétation moderniste de la Constitution

Dans une interview en 2005 avec le journal Le Matin, Laroui révèle : « Je rêve comme tout intellectuel moderniste d'un Maroc libre, harmonieux, éduqué, démocratique, accueillant, productif, etc. (Quelqu'un a dit que je parlais comme si je vivais en Suède). Comme je ne suis pas sûr que tout ceci puisse être atteint en deux ou trois générations, comme je me demande parfois si la majorité des Marocains le souhaitent vraiment, craignant de devoir en payer le prix en sacrifices, en efforts, en désarroi affectif, en déséquilibres sociaux, alors je me fais une raison. De quel droit irais-je perturber à la moindre occasion, la quiétude des gens au nom de ce qui me paraît, à moi, inéluctable ? », puis donne du contenu dans le nouveau livre à ces propos : « Il n'existe de gouvernance sauf celle du public … On a vu que certains disaient : le public est mineur. Nous, l'élite intellectuelle, conscient et leader, l'administrions. Nous organiserons ses états, l'éduquerons, l'enseignerons, l'entretenons jusqu'à ce qu'il atteigne sa maturité … c'était une tentative héroïque … mais elle a échoué et la voix de ses adeptes s'est tue … nous n'entendons plus que : le public est le public …nous ne le traitons pas par opprobre de minorité, nous ne le décrivons non plus de maturité … nous nous suffisons de le représenter avec son consentement ». Comme cela expose Laroui le concept de la représentativité et nie le principe de la tutelle. En même temps, il ne dit pas seulement de la nécessité « d'éduquer » le public, il expose le possible :  réaliser de la réforme, c'est l'art de la politique.

La même dualité continue de régir la pensée de l'action
politique marocaine

A l'aube de l'indépendance, et même à travers la formation du mouvement de libération nationale, il y avait deux groupes : celui qui veut l'indépendance pour que le Maroc soit meilleur que ce qu'a apporté le protectorat, et celui qui voulait le faire revenir à l’époque d'avant le protectorat. « Ainsi vint la Constitution accordée en 1961, elle ne rétablit pas ce qu'il y avait avant, ni ne fut une réalisation de ce dont rêvaient les nationalistes. Elle était une description fidèle de l'état des lieux ». Cette même dualité continue de régir la pensée de l'action politique marocaine qui ne dévie guère du fait d'insérer l'authenticité dans la modernité, comme slogan d'un non choix. « Cette dualité n'a jamais disparu … même s'il s'unifie dans la personne du Roi ». Laroui critique vivement ce non-choix en disant : « Je rappelle que les deux concepts, tradition et modernité, ne coexistent que dans les discours, pas dans les faits … A moins qu'il ne s'agisse d'un dualisme d'un genre particulier: le corps est moderne et le cerveau traditionnel. Dans ce cas, il s'agit bien d'un regard (traditionnel) qu'on jette sur une réalité (moderne) ». « La Constitution marocaine est identique à une réalité … elle porte deux lectures : légitimiste ( char'ya ) et démocratique ». Pour le penseur marocain, la réalité est telle. Le public est le même. L'art du possible, c'est l'interprétation démocratique de la Constitution accordée. C'est le début de réponse à la question de Lénine « Que faire ? ». Et Laroui d'ajouter : « Ce qui est demandé, dans le cadre de l'interprétation démocratique de la Constitution Royale, c'est bien une nouvelle position de l'autorité locale, avec une vision futuriste … Nous disons que ce qui est dur à résoudre au niveau du centre, trouverait facilement sa voie au dénouement au niveau local … L'allégeance s'élève au contrat dépassant le fait de confier, et s'arrime avec la citoyenneté ». Il va encore plus loin pour donner l'application réaliste : « Nous conserverons l'Etat de la minorité … le symbole de l'unité est par définition le Roi. La deuxième Chambre est son conseil consultatif et exécutif … les Wilayas (régions) y sont représentées d'une manière égalitaire à côté d'autres organismes de non profits …  elle est le Conseil consultatif par excellence, replaçant les sous-conseils multiples … tous les autres Conseils seraient annulés. Il n'y aura plus besoin d'un cabinet spécial ou d'un makhzen, … Avec son institution, on en finit avec la politique de l'ombre, qui est la politique du sultan. Le Roi est arbitre. Coordinateur entre l'Etat-nation et les différentes Wilayas, et il a besoin d'un organisme efficace. La deuxième Chambre est cet organisme, constitutionnellement ». A part cela, « le Roi est un citoyen. Il parle, conseille, travaille, investit, gagne ou perd comme tous les autres citoyens. Il fait cela à travers des agents ou des adjoints, en plein jour, entouré de respect ». « L'interprétation démocratique consiste essentiellement à la libération de la politique, la sauver de tout ce qui n'est pas d'elle … la séparer de toute logique qui ne lui convient pas ».
De l'ouvrage de Laroui l'on a tiré deux grandes conclusions : le besoin pressant de réaliser le sevrage et la rupture avec la culture de la mère, et d'œuvrer à interpréter démocratiquement (le possible) la Constitution. Laroui a contribué à la rédaction du texte « L'option révolutionnaire » de Mehdi Ben Barka, qui parle des trois erreurs mortelles dans la partie de l'autocritique. 40 ans après, Laroui écrit sur « le Maroc de Hassan II » pour présenter, avec une vision de l'historien, de l'acteur, du contemporain et de l'intellectuel, une critique de l'ère de Hassan II, des hommes de cette ère, y compris les farouches opposants. Ce qu'écrit Laroui aujourd'hui porte des extraits politiques du « Min Diwane Assyassa » (à traduire par précis politique) des Arabes, et dessine les contours du possible de la nouvelle ère, où « l'analphabétisme est toujours prépondérante » et « la politique toujours en dégénérescence ».
L'ouvrage est destiné à l'élite apte à l'action politique. Il lui parle et lui donne son avis sur le possible : Pousser à une interprétation démocratique de la Constitution et œuvrer au sevrage culturel, la rupture avec la langue de la mère, avec le patrimoine, comme il l'a déjà explicité dans ces ouvrages. Il ne le dit pas clairement, mais on peut facilement le lire à travers ce nouveau livre : « Nous avons les gouvernants que nous méritons ». Dans un précédent ouvrage, Laroui disait que Hassan II était notre victime comme nous l'étions pour lui. En ce moment, faisant un rappel à la remarque de forme sus-citée : le livre peut être lu à l'envers, de la réforme et la démocratie aux instincts et la culture de la mère. La décadence est plausible, avertit l'intellectuel et l'historien. La Constitution, même amendée ou réformée, ne sortira plus jamais du squelette de la « constitution accordée » ou prodiguée en 1961; donc ce qui est possible, c'est la réformer et l'interpréter démocratiquement.
Cet ouvrage est-il le testament de Laroui ? Est-il un conseil à l'Emir ? L'élite politique écoutera-t-elle l'intellectuel ? … Ce sont généralement des questions proposées au débat et à l'histoire. On peut être d'accord ou pas avec ce qu'a écrit Laroui, certes; mais nous ne pouvons pas dire qu'il n'a pas parlé et qu’il est resté cet intellectuel invisible de la polémique politique difficile. J'espère que cet ouvrage prendra la place qui est la sienne dans le débat sociétal. Il contient des idées dignes de réflexion.


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