Ahmed Amine Touhami Ouazzani: “Le projet de loi 88-12 est une tache noire dans l’histoire de la législation marocaine”


Naîma Cherii
Lundi 21 Avril 2014

Ahmed Amine Touhami Ouazzani: “Le projet de loi 88-12  est une tache noire dans l’histoire de la législation marocaine”
Libé : Après que le projet de loi régissant l’activité des agents d’affaires a été rendu public, les notaires ont tenu des sit-in pour protester contre ce texte. Qu’est-ce qui expliquerait, en fait, cette inquiétude ? D’aucuns pensent que ce projet de loi - s’il est adopté -, pourrait nuire à la profession.

Ahmed Amine Touhami Ouazzani : Effectivement, on est toujours contre ce projet à 100%. Pourquoi ? Ce n’est pas parce que cette loi va nuire à la profession. Du tout. Car la profession de notariat est une profession institutionnelle qui a une sphère internationale et qui est bien instrumentée dans le monde. L’Union internationale des notaires compte aujourd’hui quelque 86 pays dont notamment  la Chine et le Japon qui n’ont que l’acte notarié. Même nos voisins algériens n’ont que l’acte notarié. Ils n’ont jamais fait d’actes sous seing privé.
Lors d’un point de presse à la MAP, le ministre de la Justice avait déclaré que ceux qui sont inscrits ne dépassent pas 60 agents d’affaires. Mais on n’a jamais vu dans l’histoire de la législation une loi qui régit on ne sait même pas qui? On ne définit même pas ces gens. Est-ce qu’ils existent ou non? Ces personnes ont-elles un diplôme ou non? Ont-elles déjà pratiqué ? Bref, c’est grave ce qui se passe. On ne peut pas venir aujourd’hui créer une profession de nulle part et dire que ces gens vont commencer à rédiger des actes sous seing privé. Certes on est contre l’adoption de ce projet, mais cela ne nous dérange pas. Car on sait très bien que ces agents d’affaires ne vont pas assurer la garantie que le notaire assure. Ils n’ont pas les dépôts des conciliations des fonds à la CDG comme les notaires, ils n’ont pas une assurance de responsabilité civile comme le notaire et  leur accès n’est pas basé sur un diplôme universitaire. De même qu’ils n’ont pas la qualité des pratiques notariales sur les actes.  C’est vous dire que ce projet ne nous dérange absolument pas. Nous n’avons pas peur de cette concurrence. Ce dont on a réellement peur, c’est que le citoyen marocain et l’investisseur aient un vrai problème de garantie de leurs transactions. Et on a peur, aussi que cela modifie l’ensemble des juristes qui dressent ces actes. C’est pour cela que l’on est contre cette loi. Et cela, on le déclare haut et fort.

Mais au département de la justice, on affirme que les professionnels dont les notaires ont été consultés…
 
Ce n’est pas vrai. Jamais on n’a été consulté. Nous n’avons appris l’existence de ce projet que le jour où il est passé au Conseil de gouvernement. Il faut dire qu’on ne s’y attendait vraiment pas. Pour nous, c’est un projet de loi qui ne pourrait jamais passer par le Secrétariat général du gouvernement. De plus ce projet est anticonstitutionnel.  On ne peut pas venir dire au notaire qu’il doit avoir une licence en droit, passer un concours, faire quatre ans de stage et avoir fait des formations, et de l’autre côté venir dire à une personne qui n’a qu’un simple certificat administratif qu’elle a –non pas les mêmes responsabilités que nous- mais les mêmes compétences, sans les responsabilités. C’est plus qu’anticonstitutionnel. C’est pourquoi nous dénonçons le fait de vouloir faire aboutir ce projet.

Que comptez-vous entreprendre pour faire entendre votre voix ?
 
On a demandé aux parlementaires et au gouvernement que cette loi soit retirée du circuit législatif. Car si elle est adoptée, elle va freiner le développement économique au Maroc. La loi 88-12 va être une tache noire dans l’histoire des juristes et des parlementaires marocains. A titre d’exemple, le Tchad, qui est un pays sous-développé, n’a que l’acte authentique et pas d’acte sous seing privé. Tous comme d’ailleurs les autres Etats de l’Union internationale de notariat. Dans ces pays, il n’y a jamais eu d’actes sous seing privé. Au Togo, dois-je le souligner, un projet de loi régissant ces actes d’affaires était passé au parlement de ce pays. Ces agents d’affaires avaient même commencé à exercer leur activité. Mais, après quinze jours seulement, le gouvernement togolais s’est rendu compte que c’était très grave ce qui se faisait. Il n’a donc pas hésité à annuler cette loi, bien que  les agents d’affaires se soient déjà installés. C’est ce qu’on doit faire chez nous aussi. On doit retirer ce projet du Parlement. 

D’aucuns estiment que les honoraires des notaires au Maroc restent très élevés. Qu’en  pensez-vous?
 
Quand on assure une transaction dont le montant se chiffre par millions, on ne peut pas dire que nos honoraires sont chers. A noter qu’il y a un texte qui va réglementer les honoraires, mais il n’a pas encore vu le jour. Ce qui veut dire que jusqu’à aujourd’hui, les honoraires des notaires au Maroc ne sont pas encore fixés. On ne peut donc pas dire que nos honoraires sont chers. Tout dépend en fait de la responsabilité du notaire


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