​Regards croisés sur les questions migratoires


Propos recueillis par Hassan Bentaleb
Mercredi 3 Juin 2015

​Regards croisés sur les questions migratoires
La question de la migration fait l’actualité.  Naufrages en Méditerranée, quotas de migrants, rapatriement des migrants
 irréguliers, procédures d’asile obligent. Pourtant, si cette question figure à l’ordre du jour des politiques des gouvernements des deux rives de la Mare Nostrum,  il n’en  demeure pas moins que les priorités, les objectifs et les approches pour mieux gérer cette problématique ne sont pas les mêmes; d’où l’importance des débats qui ont été consacrés à cette problématique
 par le Comité Migration de l’Internationale socialiste qui a tenu, lundi dernier, une réunion extraordinaire à Rabat.


 

Paulina Lampsa, responsable des relations extérieures du PASOK et ex-conseillère de Papandréou : Ce n’est pas normal que seuls les pays qui se trouvent aux frontières de l’UE se chargent des questions des réfugiés

​Regards croisés sur les questions migratoires
Libé : Que pensez-vous des « quotas de migrants » dans l'Union européenne ? 

Paulina Lampsa : En principe, c’est une bonne décision puisqu’elle va permettre de partager le fardeau entre les pays européens  et  pousser ces derniers à assumer leurs responsabilités face à un problème qui est commun. Ce n’est pas normal que seuls les pays qui se trouvent aux frontières de l’UE se chargent des questions des réfugiés. Mais malheureusement plusieurs pays européens ne comptent pas respecter cette disposition, et c’est d’autant  triste de constater que des pays comme la Jordanie qui compte 6 millions d’habitants accueille, à elle seule, deux millions de réfugiés syriens. Donc, on voit qu’il y a deux poids deux mesures. 

Qu’en est-il de la situation actuelle des flux migratoires  vers la Grèce ? 
La Grèce se trouve dans une situation identique à celle de l’Italie même si elle accueille un nombre un peu  inférieur de migrants. Nos deux pays ont reçu 230.000 personnes fuyant les guerres et     cherchant de la protection internationale.  Il reste que le cas de la Grèce demeure moins médiatisé que l’italien bien qu’il s’agisse d’un sérieux problème. 

Comment  la Grèce arrive-t-elle à gérer ces flux dans un contexte de crise économique ?
La crise économique ne permet pas de mobiliser les fonds nécessaires pour faire face  aux flux de plus en plus importants de migrants. Le gouvernement  essaie de gérer cette question en respectant  la dignité humaine mais il y a des questions pratiques et quotidiennes qui restent insolvables comme c’est le cas pour les centres d’accueil qui souffrent aujourd’hui d’encombrement vu le nombre important d’arrivants.   
C’est vrai que l’actuel gouvernement regroupe le parti de la gauche radicale Syriza et celui des Grecs indépendants qui ont une vision totalement opposée de la migration. Cependant, le ministre chargé de cette question essaie de prendre des mesures  positives comme celles consistant à rétablir la possibilité d’accorder la nationalité aux enfants des migrants. Une décision qui a été annulée par le gouvernement précédant   qui était de droite.    

​Abdrahamane Sylla, ministre des Maliens de l'extérieur La migration, une source d’échanges humains et d'investissements culturels et sociaux

​Regards croisés sur les questions migratoires
Libé : Quid  de la question migratoire au Mali ?
Abdrahamane Sylla : La question de la migration n’est pas nouvelle au Mali qui est un vieux pays d’immigration. Les flux de migrants ont été  toujours importants à l’intérieur comme à l’extérieur du pays et il y avait beaucoup d’échanges historiques avec le reste du monde. Aujourd’hui, les Maliens sont présents partout. Ce qui est nouveau, ce sont l’émergence et l’amplification de la migration irrégulière.  Un phénomène qui trouve ses racines dans le durcissement des conditions d’accès à l’Europe et la fermeture des frontières. 
Le Mali n’échappe pas à ce fléau. Et beaucoup de jeunes Maliens ont péri en Méditerranée  ou dans le désert.   D’ailleurs, parmi les victimes des derniers naufrages, on trouve beaucoup de Maliens (Ndlr. En avril dernier, le naufrage d’un bateau de fortune en Méditerranée a fait 800 morts par noyade dont plus de 200 Maliens selon des sources officielles et près de 300 d'après d’autres  sources)

Comment comptez-vous faire face à cette nouvelle situation ?
Face à ces mutations, le gouvernement actuel a élaboré une politique nationale de migration. Il s’agit   d’une approche axée sur deux volets essentiels,  à savoir la gestion des migrations conformément aux normes internationales et la mise en relation de la migration et du développement. Notre but est de lutter efficacement contre la migration irrégulière en mettant en place un ensemble de mécanismes à même de favoriser  l'investissement de la diaspora, d’organiser la migration légale et d’améliorer la gestion des frontières. 
Cette politique nationale de migration prévoit la création de 5.000 emplois directs en plus de la mise en place d’infrastructures de production et de transformation dans les localités de départ, des projets de réinsertion socioéconomique destinés aux Maliens de retour volontaire ou forcé, sachant, que les jeunes diplômés et  les désœuvrés constituent  aujourd’hui l’essentiel du contingent des candidats à la migration irrégulière et on doit leur donner envie de rester sur place et  de ne pas risquer leur vie. 

Ne pensez-vous pas que la formule  qui consiste à lier la migration au développement  a  atteint ses limites ?
Cette formule n’a pas fonctionné car il n’y avait pas une politique claire en matière de migration ; une politique apte à faire l’analyse des vrais problèmes et à permettre d’adopter un plan d’action efficace. Ceci d’autant plus que la volonté politique ainsi que les moyens financiers pour soutenir les efforts de développement font défaut.   
On est conscients qu’il ne suffit pas d’avoir un plan d’action, mais il faut avoir les ressources. Aujourd’hui,  les besoins en développement sont estimés à  120 milliards de dollars qu’il faut aller chercher avant de les injecter dans les circuits économiques et attendre qu’ils donnent leurs fruits. Mais nous sommes convaincus que la situation est grave et la volonté politique ne nous manque pas pour faire de la migration une source d'investissements culturels et sociaux via des échanges humains et économiques. 


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