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​Le cinéma artisanal d’Ouganda rêve de gloire et d’Amérique


Vendredi 17 Avril 2015

​Le cinéma artisanal d’Ouganda rêve de gloire et d’Amérique
Sous une chaleur torride, un commando donne l’assaut à une prison. “Stop! Arrêtez-les!”, crie en langue luganda le général Placdo, ivrogne mais maître en arts martiaux. “Nous allons détruire le monde, vous verrez”, lui rétorque le méchant Tiger Mafia, le visage caché sous une cagoule.
Une intense fusillade éclate, mais tout ceci n’est qu’une scène en tournage d’”Opération Kakongoliro”, un film d’action tourné avec des moyens dérisoires dans une casse de Wakaliga, un bidonville de Kampala. Devenu un studio à ciel ouvert pour des productions ougandaises artisanales, l’endroit est désormais surnommé “Wakaliwood” par ceux qui y tournent.
“Ça va devenir aussi gros que Nollywood, Bollywood voire Hollywood, il n’y a aucune raison qu’il en soit autrement”, assure Isaac Nabwana, 42 ans, qui cumule les casquettes de scénariste, réalisateur, monteur et producteur, comparant son quartier aux industries cinématographiques nigériane, indienne, voire américaine.
Isaac Nabwana est un enfant de Wakaliga, où vivent 2.000 personnes. Avant de voir ses premiers films sur la télévision familiale, il écoutait les récits des vidéos visionnées par ses frères dans les salles informelles locales: “Ils racontaient et moi j’imaginais le film”.
Sorti de l’école, Isaac Nabwana a commencé par fabriquer des briques.
Et en 2005, il a monté Ramon Film Productions, spécialisé dans les films d’action, accomplissant avec les moyens du bord son rêve d’enfant: faire du cinéma.
Les acteurs sont priés de venir avec leurs propres costumes et se maquillent eux-mêmes. “Nous n’avons pas assez d’accessoires, nous les construisons nous-même”, explique-t-il. Les lance-roquettes d’”Opération Kakongoliro” sont fabriqués à partir de poêles à frire et de tubes en plastique.
Des préservatifs remplis de colorant alimentaire rouge et placés sur la poitrine simulent les blessures, remplaçant désormais le sang de boeuf qui rendait certains acteurs malades.
Le film terminé - compter entre deux semaines et deux mois de tournage -, l’équipe de production et les acteurs deviennent VRP et s’en vont faire du porte-à-porte à travers le pays, pour vendre les films autour de 3.000 shillings ougandais pièce (environ un dollar).
Ce père de trois enfants a déjà produit 46 longs-métrages. Son plus grand succès, “Qui a tué le capitaine Alex?”, tourné en un mois en 2010 pour environ 200 dollars, est connu de tous les Ougandais.
Le film raconte l’histoire de Tiger Mafia, “méchant” récurrent des films de Nabwana, que le capitaine Alex est chargé de traquer avant d’être mystérieusement assassiné. L’action se déroule de nos jours mais est fortement inspirée de l’époque de l’ancien dictateur Idi Amin Dada, sous laquelle a grandi Nabwana.
La bande annonce, mise en ligne sur YouTube, a attiré l’oeil d’Alan Hofmanis, un Américain de 45 ans, ancien programmateur d’un centre culturel et d’un festival de cinéma de New York.
“J’ai tellement aimé le film que j’ai déménagé dans un bidonville du tiers-monde pour prendre part à l’aventure” en 2011, s’amuse Hofmanis. Les productions Ramon lui rappellent son enfance, explique-t-il, quand il mimait les aventures d’Indiana Jones, le personnage de Steven Spielberg.
“Le plus grand défi est l’argent”, dit M. Nabwana, “nous avons besoin de bonnes caméras, de logiciels” or le piratage massif rend les films difficiles à rentabiliser. Isaac Nabwana n’a aucune idée de combien de copies illégales de “Capitaine Alex” circulent. Il explique avoir “six jours pour faire de l’argent” avant que des versions pirates de ses films soient en vente à prix cassés.
En plus de réaliser, “il doit essayer d’imaginer comment distribuer le film et le promouvoir”, précise M. Hofmanis, “c’est de plus en plus difficile de vendre des films, quand des longs-métrages américains piratés s’écoulent pour à peine 500 shillings” (moins de 20 centimes de dollar).


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